Les prévisions de croissance pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) ont été revues à la baisse « de manière significative », selon Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI). Le prêteur mondial prévoit aujourd’hui une croissance de seulement 2,1 % pour l’ensemble de la région en 2024, soit une baisse de 0,6 % par rapport aux prévisions annoncées en avril et ce, à cause de la guerre menée par Israël dans la région. Selon les responsables du FMI, les économies de la région sont touchées à différents niveaux. Il y a les régions situées à l’épicentre du conflit comme Gaza, la Cisjordanie et le Liban, dont les économies sont quasi paralysées. Mais d’autres pays situés dans le voisinage souffrent des séquelles économiques de cette guerre, c’est le cas de l’Egypte, de la Jordanie et de la Syrie, ces trois pays sont partiellement touchés par le conflit. Selon Georgieva, l’Egypte a perdu 70 % des revenus du Canal de Suez à cause de l’impact du conflit et des attaques des Houthis. « En plus, l’Egypte assume le coût du conflit au Soudan », a souligné Georgieva, signalant que l’Egypte accueille presque 9 millions de personnes à cause de l’instabilité dans la région. Le FMI estime entre 4,5 et 5 milliards de dollars les pertes du Canal de Suez dues à la guerre. Pour la Jordanie, l’impact concerne principalement le tourisme, « ce qui n’est pas le cas pour l’Egypte », a souligné Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient au FMI. « La Syrie est bien sûr touchée, mais nous avons très peu d’informations à ce sujet », a ajouté Azour.
« Les incertitudes dans la région font que les perspectives économiques sont pleines de risques. L’intensification récente du conflit au Liban a accru les incertitudes à un niveau encore plus élevé, et le risque d’une nouvelle escalade dans la région MENA est le principal problème », a déclaré Jihad Azour. Et d’ajouter que cette situation instable n’a pas encore été prise en compte dans les analyses du FMI. « La baisse (des prévisions de croissance) pourrait être plus importante en fonction de l’ampleur de l’escalade. Nos chiffres, par exemple, ne reflètent pas les développements de ces derniers mois. Nous mettrons donc à jour nos chiffres. Ce niveau élevé d’incertitude affecte les pays vulnérables », a constaté Azour. Le FMI estime que le conflit pourrait avoir un impact sur la région à plusieurs niveaux. « Outre la production, d’autres secteurs-clés peuvent être touchés, comme le tourisme et le commerce. Il ne faut pas oublier les flux potentiels de réfugiés et de migrants, la volatilité des marchés du pétrole et du gaz, les marchés financiers et les troubles sociaux », a précisé Azour. Le conflit au Soudan accentue les inquiétudes dans la région, surtout s’il se prolonge.
Pays exportateurs de pétrole, l’optimisme est de mise
Autre facteur qui pourrait affecter la croissance dans la région est la réduction de la production pétrolière par les pays de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), un fait qui pourrait ralentir la croissance de nombreuses économies. « La faiblesse de la production pétrolière pèse sur les perspectives de croissance à moyen terme des CAC (Caucase et Asie Centrale) », a estimé Azour. Mais les perspectives pour les pays exportateurs de pétrole semblent plus optimistes que le reste de la région. « Les pays exportateurs de pétrole de la région MENA devraient voir leur croissance passer de 2,3 % cette année à 4 % en 2025, sous réserve de l’expiration des réductions volontaires de la production pétrolière. La croissance des pays importateurs de pétrole devrait se redresser et passer de 1,5 % en 2024 à 3,9 % en 2025, en supposant que les conflits s’atténuent », espère Azour, ajoutant que les pays du Golfe se sont efficacement adaptés aux chocs successifs, comme la pandémie de Covid-19. Les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) conservant un taux de croissance stable. Azour a souligné que l’Arabie saoudite devrait atteindre une croissance de 4,6 % grâce aux efforts visant à la diversification de l’économie et à l’expansion des secteurs non pétroliers. Il a souligné que les réformes du Royaume dans le cadre de la Vision 2030 ont permis de protéger l’économie malgré les fluctuations des prix du pétrole. En gros, le FMI prévoit une croissance de plus de 4 % en 2025 si les conflits et les réductions de la production pétrolière s’atténuent progressivement. « Cependant, les incertitudes demeurent quant à savoir quand ces facteurs finiront par s’atténuer », conclut-il.
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