Abdel-Fattah Al-Guébali, conseiller du ministre de la Planification : Il faut élargir la base des contribuables
Abdel-Fattah Al-Guébali, conseiller du ministre de la Planification.
Les impôts par rapport au PIB (17%) en Egypte sont inférieurs au niveau international, mais aussi au niveau de certains pays en développement. Pour Abdel-Fattah Al-Guébali, l’Egypte a besoin d’accroître ses recettes fiscales. Selon lui, en plus de son inefficacité, la fiscalité égyptienne est injuste aussi. « La fiscalité égyptienne n’est pas aussi juste qu’elle paraît au premier abord », dit-il. Il précise que peu de citoyens paient des impôts alors que beaucoup d’Egyptiens en sont exempts ou presque. Par exemple, la contribution d’une catégorie dont les revenus sont élevés, comme les professions libérales (avocats, médecins, etc.), était de 818 millions de L.E. au cours du dernier exercice fiscal.
Réforme fiscale
Al-Guébali pense qu’imposer de nouvelles taxes aux revenus élevés ne résout pas le problème des écarts fiscaux. « Le problème est que la base d’imposition n’est pas large et ce sont les mêmes qui assument le fardeau des nouvelles taxes », explique-t-il. Le dernier Conseil consultatif dissous avait rejeté l’imposition d’une taxe sur les bénéfices d’un capital sur le marché boursier, ainsi que l’augmentation des droits d’exploitation des carrières qui n’ont pas changé depuis des décennies, alors que ces deux taxes pourraient rapporter des milliards de L.E. par an.
Taxe sur la valeur ajoutée
La réforme principale proposée par le gouvernement pour augmenter ses revenus fiscaux est d’imposer une Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) sur tous les biens et services avec quelques exceptions et qui devra remplacer la taxe sur les ventes. La TVA semble être le point de désaccord entre les deux économistes. Al-Guébali défend la TVA, en disant qu’elle est largement appliquée dans d’autres pays. « Quelque 145 pays adoptent la taxe aujourd’hui, contre 30 pays en 2009 », affirme-t-il. Et de reconnaître cependant que la réforme actuelle ne règle pas le problème de cette injustice que subissent les pauvres à cause des taxes imposées principalement sur les biens qu’ils achètent.
Waël Gamal, journaliste économique.
Waël Gamal, journaliste économique : la TVA est une mauvaise solution.
« Le système fiscal est inefficace et injuste », juge Waël Gamal. « Selon un rapport de la Banque mondiale et PricewaterhouseCoopers, l’Egypte se classe à 148e place sur 189 pays quant au taux d’impôts par rapport au PIB », ajoute-t-il pour confirmer sa thèse. Il énumère les raisons de la faille du système: évasion fiscale, secteur informel qui ne paie pas d’impôts et inefficacité du système de collecte lui-même. Gamal note que, depuis 2005, suite à la modification de la loi relative à l’impôt sur le revenu, à l’introduction des taxes sur la vente et à la baisse des tarifs douaniers, les injustices fiscales ont frappé de plein fouet la classe moyenne.
Gamal souligne que les groupes d’intérêt ont jusqu’à présent réussi à empêcher l’imposition d’impôts sur les gains en capitaux ou les droits d’exploitation des carrières. « En revanche, la loi de la taxe sur la valeur ajoutée payée par tous les consommateurs passe facilement au Parlement », explique-t-il. L’économiste explique que la non-taxation des gains sur les capitaux encourage les spéculations sur l’immobilier au lieu de favoriser les activités économiques productives. Il rappelle aussi que selon Forbes, la fortune des neuf Egyptiens les plus riches a atteint 23 milliards de dollars. « Les neuf fortunés n’ont pas payé de taxes sur une partie de cette fortune qu’ils ont gagnée à travers des fusions et des acquisitions en Bourse », déclare Gamal.
Contrairement à Al-Guébali, Gamal pense que la TVA est une mauvaise solution. « Certaines pratiques adoptées par de nombreux pays se sont révélées plus tard inappropriées. En tout cas, un pays comme les Etats-Unis n’impose pas la TVA », confirme-t-il. Il ajoute que si cette taxe est appliquée, l’inflation augmentera. Gamal estime que l’Egypte a besoin de taxes plus innovatrices et plus efficaces, comme la taxe sur les industries polluantes par exemple et qui sera destinée à l’amélioration de la santé des citoyens.
Une nouvelle tranche d'impôt imposée
(Photo : Bassam Al-Zoghby)
Le gouvernement égyptien est en train d’étudier la mise en oeuvre d’une hausse d’impôt sur le revenu de 5 % pendant 2 ou 3 ans concernant les contribuables dont le revenu annuel dépasse 1 million de L.E., élevant ainsi la tranche maximale à 30%. Le ministre des Finances, Hani Qadri Demian, a annoncé que cette mesure exceptionnelle répondra aux revendications de justice sociale lancées lors de la révolution de janvier 2011, lors de sa première conférence de presse depuis sa prise de fonction au sein du nouveau gouvernement formé le mois dernier. « C’est une régression, puisque la modification est provisoire, alors que le gouvernement avait annoncé après la révolution cette hausse et ne l’a pas appliquée sans donner aucune explication », a dit Waël Gamal à l’Hebdo, à la suite de la décision prise le 12 mars.
Pour Gamal, en général, une tranche de plus de l’impôt sur le revenu est une bonne mesure, mais ne peut pas être la solution. « Le problème réside dans les détails. L’impôt sur le revenu est progressif sur les revenus faibles et moyens et tend à être le même sur les revenus plus élevés. C’est surtout la classe moyenne qui subit le fardeau », dit-il.
Al-Guébali non plus n’a pas bien accueilli la nouvelle. « C’est ce que j’ai souvent critiqué. Au lieu d’élargir la base d’imposition, le gouvernement impose plus d’impôts à ceux qui payent déjà », affirme-t-il.
Actuellement, ceux qui gagnent au-dessus de 250000 L.E. par an sont imposés à un taux de 25%, alors que le revenu inférieur à 7000 L.E. par an est exempté d’impôt.
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