A l’hôpital de boulaq aboul-ela, au centre du Caire, qui doit être modernisé grâce au premier plan de stimulation de l’économie, lancé en octobre 2013, aucun travail n’est en vue.
Les lits sont d’ailleurs vides par manque d’équipements. Dans ce quartier populaire de la capitale, seuls quelques cabinets médicaux sont proposés aux malades pour se soigner, à un prix de consultation réduit.
Cet hôpital fait pourtant partie de la liste des 59 centres de soins compris dans le plan de stimulation de l’économie nationale. « Depuis 2006/2007, une société doit construire des extensions mais les procédures se sont prolongées », dit un responsable de cet hôpital qui requiert l’anonymat.
Hors du Caire, dans le gouvernorat du Fayoum, l’autoroute qui relie la capitale à la Haute-Egypte (le Saïd, région du sud pauvre) témoigne de travaux d’élargissements. Tout au long de dizaines de kilomètres, les véhicules doivent ralentir pour traverser les parties toujours non goudronnées de l’autoroute, alors qu’elle aurait dû être achevée en janvier.
Plusieurs indicateurs révèlent que le plan de stimulation de l’économie est au ralenti. Face à un secteur privé qui se montre très prudent, l’investissement public atteint un niveau record pour combler le vide : deux plans de stimulation interviennent en parallèle. Le gouvernement a récemment révélé les détails du second plan, à hauteur de 33 milliards de L.E. Ce montant s’ajoute à un premier plan de relance de 29,7 milliards de L.E. En somme, le montant global de cette stimulation économique s’élève à plus de 2 % du produit intérieur brut.
Les deux plans de stimulation publics interviennent à une période où le ralentissement pèse lourd sur l’économie égyptienne. 2012/2013 a connu une baisse à 2,1 % de la croissance économique alors que le chômage a atteint 13,2 % et le taux de pauvreté 26,3 %. D’ailleurs, le déficit budgétaire a dépassé les prévisions officielles en passant à 13,7 %, contre les 10 % prévus.
Tout comme le premier, la majeure partie du second plan, soit presque 20 milliards de L.E., sera entièrement financée par un don émirati de 3 milliards de dollars. Le reste, l’équivalent de presque 12 milliards de L.E., financera des dépenses courantes (voir graphique).
Le gouvernement compte verser, de son côté, quelque 60 milliards de L.E. en plus des 130 milliards d’investissement public déjà alloués au budget de l’exercice fiscal 2013-2014, entamé le 1er juillet dernier.
« Nous nous sommes rapprochés des Emirats arabes unis, entre autres pays, pour soutenir la transition politique. Ils ont offert ce don de 3 milliards de L.E. Mais la délégation officielle voulait s’assurer que les sommes iraient à de vrais projets de développement », indique à l’Hebdo Ziad Bahaeddine, vice-premier ministre pour le développement économique qui vient de démissionner.
La partie égyptienne a élaboré des critères de sélection de ces projets. L’objectif est d’accroître la demande locale, pour favoriser la croissance. « Nous avons fait en sorte de financer des projets lancés il y a des années, mais auxquels il manque une dernière tranche de financement pour devenir opérationnels », souligne Bahaeddine, donnant l’exemple du métro du Caire ou des hôpitaux en manque d’équipements.
En fin de compte, une priorité a été accordée aux projets profitant au plus grand nombre de personnes. Ainsi une route donnant accès aux stations balnéaires de la Côte-Nord est moins appréciée qu’une autre reliant les villages pauvres et isolés du Saïd. Les critères ont plu aux donataires et il ne reste que l’approbation du président intérimaire pour leur application.
Sommes inutilisées
Mais reste une question : pourquoi un second plan public alors qu’une bonne partie des sommes destinées au premier reste inutilisée ? Mohamad Abou-Bacha, analyste économique à la banque d’investissement EFG-Hermes, estime que 60 % seulement des sommes promises en octobre ont été versées.
Ziad Bahaeddine estime par ailleurs que l’impact général du plan de stimulation ne sera pas aussi important qu’attendu. « Les prévisions de croissance du ministère de la Planification étaient basées sur une participation du secteur privé ». Or, il semble que ce dernier reste réticent à toute contribution malgré des mesures d’encouragement comme la baisse du taux d’intérêt sur les crédits bancaires. « Deux plans d’investissements publics ne combleront pas la baisse de l’investissement privé. Cela se répercutera sur les prévisions du chômage », ajoute-t-il. (voir encadré).
Pour Bahaeddine, le premier et généreux plan d’investissement public s’est heurté à deux obstacles majeurs avec d’abord la centralisation trop marquée du pays puis la loi défectueuse sur les adjudications du secteur public. Pour surmonter le second obstacle, le gouvernement a décidé d’accorder une partie des projets publics d’infrastructure à l’armée qui ne suit pas les mêmes procédures d’obtention.
Cette somme (7 milliards de L.E., selon un communiqué de presse du ministère des Finances) n’ira pas totalement dans les poches de l’armée, précise Bahaeddine. « Car l’armée attribue ensuite ces projets à des sous-traitants. Mais l’effet sur la hausse de la demande et la croissance sera bien là », explique-t-il. Des entreprises endettées, dépendant de l’armée, bénéficieront également du soutien au secteur public faisant partie des plans de stimulation, comme un milliard de L.E. accordées aux usines de production militaire et à l’Organisme du service national, comptant sous sa tutelle des usines et des entreprises dont la production et les services profitent aux civils et militaries.
Aux obstacles bureaucratiques, Wael Ziada, directeur du département des recherches à EFG-Hermes, ajoute que le gouvernement n’a pas les informations nécessaires pour procéder à son plan. A titre d’exemple, le ministère du Transport ne connaît pas exactement le nombre de passages à niveau nécessitant un réaménagement, qui sont pourtant la cause de plusieurs accidents ferroviaires ces dernières années.
De plus, ce dernier ignore les portions de chemins de fer à rénover. Pour Ziada, une bouée de sauvetage pour l’économie est indispensable : « Sans l’aide des pays du Golfe, l’image de l’économie égyptienne aurait été effrayante. Les réserves de changes n’auraient pas dépassé les 5 milliards de dollars, la croissance aurait été au maximum de 1 % et le déficit budgétaire entre 14 et 15 % ».
Astuces et financement
Comme le second plan public de stimulation économique, le premier sera qualifié de « don » dans les comptes de l’Etat. Une ficelle un peu grosse ...
Un proverbe égyptien dit : « Quand le commerçant manque de liquidités, il fouille dans ses anciens livres de comptes ». C’est ce qu’a récemment fait le gouvernement afin de financer son premier plan de stimulation économique. Il s’est souvenu d’un compte bancaire au nom de Moubarak, à la Banque Centrale d’Egypte (BCE), renfermant près de 9 milliards de dollars ! Cette somme aurait été offerte à l’Egypte par l’Arabie saoudite, notamment pour la remercier de sa position face à l’invasion du Koweït par l’Iraq en 1990. Selon la loi sur la modification du budget, « il a été approuvé que la BCE transfert l’équivalent de 8,8 milliards de dollars, somme ayant été donnée à Moubarak par quelques pays arabes en 1990, au ministère des Finances ».
Le gouvernement aurait converti cette somme en livres égyptiennes et en aurait utilisé la moitié, soit 29,7 milliards de L.E., pour financer son 1er plan public de stimulation économique. Il aurait ensuite versé l’autre moitié sous l’étiquette de « dons » dans le budget de l’Etat pour atténuer le déficit budgétaire.
Mais cette ruse n’a pas convaincu plusieurs observateurs. Car le gouvernement a d’abord eu recours à une campagne d’endettement extérieur pour financer son premier plan de stimulation. La dette extérieure est ainsi passée de 46 à 52 milliards de dollars. « A quoi servent donc ces dettes si elles ne servent pas à stimuler l’économie ? », se demande Wael Gamal, analyste économique au quotidien Al-Shorouk. Il y exprimait son inquiétude face à une utilisation de ces emprunts pour financer la campagne du prochain président. Par ailleurs, « qui a donné le droit à un gouvernement intérimaire d’utiliser ces ressources de cette manière, sans passer par l’aval du peuple ? », fustige Ahmad Al-Naggar, économiste et PDG d’Al-Ahram.
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