Le gouvernement égyptien s’emploie à augmenter les Investissements Etrangers Directs (IED) pour rendre l’économie plus résiliente et favoriser sa croissance. La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a publié la semaine dernière des chiffres prometteurs, montrant une hausse des flux d’IED à 23,7 milliards de dollars au cours des neuf premiers mois de l’année fiscale 2023-2024 (juillet-mars) contre 7,9 milliards à la même période en 2022-2023. Cette augmentation est principalement due aux flux injectés dans le cadre de l’accord signé entre l’Egypte et les Emirats arabes unis sur le méga-projet de Ras Al-Hikma, d’un montant de 15 milliards de dollars, selon le communiqué de presse de la BCE. Ce dernier indique également que la libéralisation du taux de change en mars a favorisé les investissements étrangers. Dans le même communiqué, la BCE se félicite du fait que le montant des IED a, pour la première fois, couvert le déficit du compte courant, qui s’élevait à 17,1 milliards de dollars.
Ce progrès intervient alors que le nouveau gouvernement vise à augmenter les IED de 14 % annuellement au cours des trois prochaines années, une perspective considérée comme réalisable par les banques d’investissement. Par exemple, la banque d’investissement Naeem Holding prévoit une augmentation des IED à 25 milliards de dollars d’ici la fin de 2024, puis à 15 milliards en 2025 et à 16 milliards de dollars en 2026. « Les chiffres devraient se normaliser avec une contribution significative du projet de Ras Al-Hikma en 2024. Si l’on exclut cette somme du flux net d’IED, on remarque qu’il se situe aux alentours du chiffre de l’année dernière, soit 8,3 milliards. Selon nos projections, ce taux devrait doubler. Cependant, il convient de rester prudent en raison des défis persistants liés au gaz naturel et à l’électricité », explique Hicham Hamdi, analyste financier chez Naeem Holding.
De son côté, Yousry Al-Sharkawy, conseiller en investissement international et président du conseil d’administration de l’Association des hommes d’affaires égyptiens et africains, estime que l’objectif de croissance de 14 % est en deçà du potentiel de l’Egypte, qui pourrait atteindre une augmentation annuelle entre 20 et 25 % si le gouvernement agit correctement. Il cite les bonnes relations politiques de l’Egypte avec le monde entier, sa stabilité économique et son adhésion au bloc économique des BRICS comme des atouts attractifs. Cependant, il souligne également d’énormes défis, notamment les préoccupations liées aux coûts d’approvisionnement en services telle la crise de l’électricité et du gaz naturel.
Opportunités
D’autre part, des opportunités se présentent, stimulées par une richesse multisectorielle. Hicham Hamdi explique qu’il existe « beaucoup de possibilités de fusions et d’acquisitions sur le marché égyptien, notamment dans l’hôtellerie et l’agroalimentaire. Il y a également de nombreuses opportunités dans le secteur de l’énergie et des énergies renouvelables, d’autant plus que le gouvernement a commencé à régler les arriérés dus aux compagnies pétrolières étrangères, estimés jusqu’à présent à 4,5 milliards de dollars ».
L’adhésion de l’Egypte au groupe des BRICS est censée ouvrir la voie à un nombre d’investissements en provenance des géants de l’industrialisation comme la Chine et l’Inde. « On s’attend à ces investissements dans le secteur industriel, d’autant que notre main-d’oeuvre est bon marché. Cela concerne les automobiles, les industries auxiliaires, les transports routiers, le monorail, le fer et l’acier. Nous sommes à la croisée des continents européen et asiatique et nous pourrions même devenir une plateforme régionale comme la Turquie », ajoute Hamdi, soulignant que le Fonds souverain saoudien est également intéressé par plusieurs opportunités dans les domaines de l’éducation et de la pharmacie.
Des mesures à prendre
En effet, le gouvernement égyptien a pris des mesures concrètes pour promouvoir l’investissement en organisant, les 29 et 30 juin, « la Conférence Egypte-UE sur l’investissement en Egypte », permettant aux représentants des entreprises européennes de rencontrer à la fois le secteur privé et le gouvernement. Cependant, il reste encore un long chemin à parcourir.
Hamdi explique que les politiques publiques doivent être claires. « En tant que gouvernement, il doit fixer des priorités, des objectifs et un calendrier sur les trois prochaines années. Le gouvernement doit être transparent sur le système de taxation, les impôts, la disponibilité et les tarifs de l’électricité, les approvisionnements en gaz destinés aux usines et l’enregistrement des terres », explique-t-il. Un avis partagé par Al-Sharkawy, qui soutient l’idée d’une feuille de route claire pour les investisseurs, parallèlement à la stabilité du cadre juridique. « La dernière loi sur l’investissement de 2017 a été amendée à plusieurs reprises et a entamé la confiance des investisseurs », précise-t-il.
Il énumère également d’autres facteurs à prendre en considération. « Il est nécessaire de réévaluer toutes les initiatives de promotion de l’investissement des cinq dernières années et de dresser un bilan clair des lacunes. Le plan doit être chiffré en termes de coûts et d’objectifs pour les investissements ciblés dans les différents secteurs. En plus, il est indispensable de comprendre comment les concurrents régionaux réussissent à attirer les investissements, comme la Turquie et le Maroc », note l’expert, avant de souligner que la bureaucratie dans le climat des affaires doit être réduite en identifiant des outils et des mécanismes tels que les incitations à l’investissement, les douanes et les impôts.
Enfin, bien que la loi sur l’investissement prévoie des incitations satisfaisantes, l’attraction des IED nécessite un ensemble d’incitations spécifiques et plus flexibles. « J’ai une proposition claire pour attirer les économies des Egyptiens à l’étranger vers les opportunités d’investissement. Nous pourrions leur offrir 50 % d’exonération fiscale sur 20 ans. Par exemple, un groupe de pharmaciens résidant à l’étranger pourrait coopérer dans une usine de production de médicaments. Il faut rechercher les avantages compétitifs et leur faire des propositions claires, spécifiquement par secteur, comme dans le secteur agricole, où nous avons un avantage concurrentiel dans les cultures sucrières », propose Al-Sharkawy.
Amélioration de la balance des paiements
La Banque Centrale d’Egypte (BCE) vient de publier son communiqué sur la performance de la Balance des Paiements (BP) pour les neuf premiers mois de l’année financière 2023-2024 (juillet-mars), se félicitant que le flux net des IED ait pour la première fois couvert le déficit du compte courant, atteignant 17,1 milliards de dollars contre 5,3 milliards de dollars à la même période en 2022-2023. « Dans les économies avancées, le compte courant et la balance des paiements se couvrent mutuellement en cas de déficit. En Egypte, cela ne s’est jamais produit auparavant, c’est une première et c’est positif. Pour la première fois, il a été couvert par les IED », explique Hicham Hamdi, analyste financier chez Naeem Investment Bank.
Le déficit du compte courant s’est considérablement accru en raison de la baisse des transferts des Egyptiens de l’étranger, passant de 17,5 milliards de dollars au cours des neuf premiers mois de 2022-2023 à 14,5 milliards de dollars à la même période en 2023-2024, selon le communiqué de la BCE. En plus, les revenus du Canal de Suez ont diminué de 7,4 milliards de dollars à 6,2 milliards de dollars en raison des troubles géopolitiques en mer Rouge. De même, la balance commerciale pétrolière a enregistré un déficit de 5,1 milliards de dollars contre un excédent de 1,7 milliard de dollars en raison de la baisse des exportations pétrolières. En revanche, les revenus du tourisme ont légèrement augmenté, passant de 10,3 milliards de dollars à 10,9 milliards de dollars.
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