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Clémence Vidal de la Blache : Notre portefeuille Energie avec l’Egypte est l’un des plus ambitieux de l’AFD

Marwa Hussein , Samedi, 13 juillet 2024

Clémence Vidal de la Blache, directrice de l’Agence Française de Développement (AFD), revient sur les investissements de cette institution en Egypte et sa vision future. Entretien.

Clémence Vidal de la Blache
Clémence Vidal de la Blache. Photo : Al-Ahram

Al-Ahram Hebdo : Quelles sont les principales activités de l’AFD en Egypte ?

Clémence Vidal de la Blache : Je vais commencer par quelques chiffres-clés sur le groupe AFD. Le groupe est composé de trois filiales qui sont toutes présentes en Egypte : L’AFD qui finance le secteur public, le gouvernement égyptien mais aussi les banques publiques, Proparco qui appuie le secteur privé et qui est très active en Egypte, et enfin Expertise France, qui a commencé ses activités en Egypte l’année dernière et qui est l’agence de coopération technique.

Le groupe AFD est présent en Egypte depuis 2008, et depuis, nous avons investi plus de 4 milliards d’euros dans des projets durables, dont environ 3,4 milliards d’euros fournis par l’AFD et environ 500 millions par Proparco. Aujourd’hui, nous avons un portefeuille diversifié avec plus d’une cinquantaine de projets en exécution, représentant environ 2,4 milliards d’euros, qui vont du secteur des transports à celui de l’énergie, nos marqueurs historiques, mais également des secteurs plus récents comme la gestion de l’eau, l’assainissement, la finance durable et la finance climat, le soutien à l’entrepreneuriat et à l’innovation, ainsi que nos appuis aux secteurs sociaux en faveur de la santé, l’éducation ou la formation professionnelle.

— Quelles sont les activités d’Expertise France, la filiale la plus jeune de l’AFD, en Egypte ?

— Expertise France est l’agence publique de conception et mise en oeuvre de projets de coopération technique, chargée de la promotion de l’expertise française publique et privée. C’est une filiale intégrée au groupe AFD depuis le 1er janvier 2022. Elle a commencé ses activités en Egypte l’année dernière avec deux projets. Le premier est un projet d’appui à la réforme de l’assurance maladie. Expertise France déploie un programme de coopération technique, favorisant les échanges entre l’expertise européenne et égyptienne sur des thématiques liées au financement de l’assurance maladie, à la qualité des parcours de soin, etc. Le deuxième projet s’appelle « Finance in commun ». Il porte sur la finance durable et est financé par l’AFD via l’Union européenne.

— Peut-on parler des projets en cours de préparation par l’AFD en Egypte ?

— Je vais vous donner deux exemples qui ont été mis en valeur à la conférence. Le premier est sur la thématique de la sécurité alimentaire, absolument critique et qui a vraiment été mis en exergue après la crise ukrainienne. L’Egypte est le premier importateur de blé au monde, elle est donc très vulnérable aux variations des cours internationaux de denrées stratégiques, qui sont liées à la fois aux crises politiques et aux crises climatiques. Donc, nous avons noué un partenariat avec l’Union européenne et le ministère de l’Approvisionnement pour construire de nouveaux silos stratégiques. C’est un don de 60 millions d’euros qui a été signé à la conférence. Il a été ratifié par le parlement en février et a été signé à la conférence. Ce projet va nous permettre de soutenir la Holding Company for Silos & Storage, afin d’augmenter de presque 15 % la capacité nationale des silos sur six sites allant de la Haute-Egypte au Delta. On est très fier de ce projet, qui est notre première intervention sur la question de la sécurité alimentaire et on espère pouvoir continuer à travailler là-dessus. Ainsi, on travaille aussi pour l’année prochaine sur la thématique de la finance agricole, pour mettre à disposition des coopératives ou des petites exploitations des financements appropriés pour à la fois faire croître leurs activités et investir dans des outils de production avec le but de transformer leurs produits agricoles, améliorer la qualité des produits et peut-être plus tard exporter, mais aussi intégrer la question de la résilience au changement climatique et d’étudier comment les agriculteurs peuvent, par exemple, transformer leurs récoltes avec des espèces qui sont plus résilientes au climat.

— La France est historiquement associée à la construction du métro du Caire. Quelle est la contribution de l’AFD aux travaux du métro en cours ?

— Le métro du Caire est une histoire franco-égyptienne depuis longtemps. On est très fier, déjà, que la ligne 3 soit pleinement opérationnelle. La dernière phase qui part vers l’Université du Caire, à Guiza, est exploitée depuis plusieurs semaines et on espère qu’elle pourra être inaugurée dans les prochains mois. Donc aujourd’hui, la ligne 3 est la seule à desservir un axe est-ouest, avec une phase qui part vers le nord de Guiza et le périphérique, et une autre qui part vers le sud et vers l’Université du Caire. Fin 2023, on avait déjà presque 8 millions de passagers tous les mois sur cette ligne, et avec ces deux nouvelles extensions, qui permettent de servir des quartiers comme Imbaba, on espère qu’il y aura encore plus de personnes qui vont avoir accès à ce mode de transport rapide, prévisible, accessible et sûr, y compris pour les femmes.

Ensuite, aux côtés de nos partenaires européens, la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) et la Banque Européenne d’Investissement (BEI), nous accompagnons la modernisation de la ligne 1, c’est un projet en cours et qui va continuer encore sur les deux/trois prochaines années. Il y a évidemment d’autres projets qui sont à l’étude par le ministère des Transports et la National Authority for Tunnels (NAT). Et comme vous le savez, on ne regarde pas que Le Caire puisqu’on accompagne aussi la modernisation des transports à Alexandrie avec la modernisation du tramway. Ce projet est une priorité partagée, on espère que les travaux vont commencer cette année. Il y a aussi la transformation du train d’Abou-Qir en métro, plus fréquent et plus rapide.

— L’énergie est un autre secteur de coopération entre l’AFD et l’Egypte. Quels sont les projets les plus importants auxquels vous avez participé ?

— En effet, le portefeuille « énergie » qu’on a construit ces dix dernières années avec nos partenaires égyptiens est l’un des plus ambitieux de l’AFD au monde. Nous avons accordé des financements représentant plus de 800 millions d’euros sur presque toutes les mailles du secteur. Ainsi, en matière d’énergies renouvelables, notre ambassadeur a inauguré, il y a quelques semaines, avec le ministre et nos partenaires européens, une ferme éolienne « golfe de Suez » de 250 mégawatts, à peu près à une heure au nord d’Hurghada. Nous avons également financé des projets solaires y compris la centrale solaire de Benban via Proparco, qui est l’un des plus grands projets en Afrique. Nous avons aussi appuyé la modernisation du réseau de transmission électrique et même le raccordement des ménages défavorisés au réseau de gaz naturel. Aujourd’hui, le gouvernement égyptien a une politique très claire qui favorise les investissements privés pour de nouveaux projets d’énergies renouvelables. Entre 2017 et 2022, nous avons accompagné le gouvernement égyptien sur toute une série de réformes pour encourager cette libéralisation du secteur et attirer des investissements privés. Proparco se tient prêt à accompagner des promoteurs intéressés par des investissements sur des projets d’énergies renouvelables. Mais on est convaincu qu’il faut également poursuivre un effort aussi sur la partie publique, pour permettre au réseau d’intégrer ces nouvelles sources d’énergies. Si l’Egypte veut jouer le rôle de « green energy hub » régional, il faudra connecter le réseau à l’Arabie saoudite, à la Jordanie, peut-être demain à la Grèce ou à Chypre. Pour cela il faudra continuer à investir dans le réseau de transmission. Nous sommes prêts à accompagner le gouvernement égyptien dans ces investissements indispensables pour attirer le secteur privé.

— Parmi vos domaines d’activités, lequel représente le portefeuille le plus important de l’AFD ?

— Aujourd’hui, c’est le secteur du transport, mais ces dernières années, on a beaucoup investi dans le secteur de l’eau et de l’assainissement. Nous avons signé en mars 2024 une convention pour étendre la station d’épuration de Gabal Al-Asfar à l’est du Caire qui traite aujourd’hui les eaux usées de 12 millions de personnes. C’est l’une des plus grandes stations d’Afrique, et cette nouvelle expansion va permettre d’anticiper la croissance démographique et de faire passer la capacité de traitement de 12 à 17 millions de personnes. C’est un exemple concret de notre investissement dans le secteur. Dans les deux à trois prochaines années, nous souhaitons continuer à travailler sur la question de l’eau au sens large, parce que c’est l’un des enjeux critiques pour l’Egypte. Nous étudions des projets dans l’assainissement mais aussi dans l’irrigation, à titre d’exemple. La France a beaucoup d’expertise sur le sujet, mais également beaucoup à apprendre de l’Egypte, par exemple sur la réutilisation des eaux usées traitées pour l’agriculture, une politique ambitieuse sur laquelle l’Egypte est un leader mondial. Nous souhaitons encourager ces partenariats.

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