En vue de faciliter les échanges bancaires avec l’étranger, la Banque Centrale d’Egypte (BCE) vient de lever les restrictions sur le transfert du dollar hors d’Egypte. Les banques sont désormais autorisées à «
transférer les capitaux de leurs clients hors du pays à condition que les sommes transférées n’excèdent pas les 100 000 dollars par client ou l’équivalent en monnaie nationale une seule fois par an, et ce, dès le début 2014 », selon un communiqué de presse publié sur le site de la BCE. Cet allègement relatif intervient après trois ans de restrictions sur les transferts, dont la dernière était l’imposition faite aux banques de répondre seulement aux besoins des importateurs des biens stratégiques (voir tableau).
Avec cette décision, les autorités monétaires poursuivent deux objectifs. D’abord, rassurer les investisseurs étrangers et leur dire que la situation économique est stable afin de les inciter à investir en Egypte. Ensuite, adresser un coup dur au marché noir, qui reste un fournisseur important de devises, et où le dollar s’échange actuellement à 7,35 L.E. contre 6,96 L.E. dans les banques.
Quel sera l’impact de cette décision ? Pour Waël Ziyada, à la tête du département de recherche au groupe financier EFG-Hermes, elle n’aura pas beaucoup d’impact. « 100 000 dollars est une somme trop modeste pour les investisseurs étrangers. Pour que l’impact soit effectif, il faut annuler toutes les contraintes, y compris le plafond des transferts », lance Ziyada.
Alléger les barrières imposées aux transferts de devises reste cependant une bonne nouvelle pour les investisseurs. « C’est une bonne nouvelle qui va calmer les investisseurs égyptiens et étrangers. Cette décision va garantir le retour de la stabilité au marché des changes en Egypte », a assuré Hani Tewfiq, président de l’Union arabe pour l’investissement direct qui se félicite de cette mesure.
L’antithèse
Pourtant pour les observateurs du marché des changes, le moment n’est pas approprié pour alléger ces restrictions. « Cette décision nous a choqués. La situation actuelle est très difficile pour l’économie. On ne peut pas ouvrir un nouveau canal légitime pour encourager la fuite des capitaux. Mais il paraît que le pouvoir politique a cédé aux pressions des hommes de l’ancien régime, qui n’ont pas réussi à sortir leurs fonds à travers les canaux informels », regrette un responsable au sein d’une banque privée qui a requis l’anonymat. Il pense qu’en période de crise, les autorités monétaires doivent renforcer les restrictions et empêcher la fuite des capitaux pour éviter une dévaluation de la monnaie nationale qui causerait de graves problèmes pour l’économie.
En avril 2011, l’Egypte avait connu la 1re vague de sortie en masse des détenteurs de bons du Trésor. Ils ont retiré des banques 6,5 milliards de dollars en l’espace de 6 mois, d’après les rapports de la BCE. Un retrait qui a rendu la balance des paiements déficitaire, un déficit qui n’a cessé d’augmenter durant la période qui a suivi. Selon la BCE, le déficit a atteint -6,07 milliards de dollars pendant le troisième trimestre de 2011 contre un surplus de 557 millions de dollars le trimestre précédent. En 2012, une année de violence et de manifestations où trois scrutins ont eu lieu, 11 milliards de dollars sont sortis d’Egypte. « Nous souffrons déjà d’un effondrement de la balance des paiements et d’une chute des réserves en devises qui ne couvrent plus que 3 mois d’importation. Cette décision signifie une probable dégradation de la situation actuelle », renchérit le responsable de la banque privée. Et d’ajouter que si les élections sont marquées par des violences, l’impact sera grave sur la monnaie nationale et sur la balance des paiements. « La décision du gouvernement de lever certaines restrictions sur les transferts de fonds entraînera une augmentation de la demande sur le dollar et par conséquent une hausse de celui-ci et une augmentation de la facture d’importation et du déficit dans la balance des paiements », avertit le responsable.
Le déficit de la balance des paiements a atteint un chiffre record (soit -11 milliards de dollars) en 2011/2012 avant de tourner au surplus de 237 millions de dollars en 2012/2013, grâce à l’augmentation des exportations et des transferts des travailleurs à l’étranger.
Dans l’autre camp, on souligne que « beaucoup de capitaux ont été transférés hors d’Egypte malgré les restrictions sur les transferts. Donc, alléger ces restrictions ne va pas nécessairement augmenter la fuite des capitaux. Au contraire, cette décision aura un impact positif sur l’investissement étranger », explique Hani Tewfiq.
Etant donné les restrictions sur les transferts de fonds, introduites au lendemain de la révolution du 25 janvier 2011, la grande majorité de cet argent est sortie par d’autres canaux, dont certains étaient légitimes (voir encadré). Le problème réside notamment dans l’absence de lois régularisant cette affaire et qui se trouvent dans les pays développés.
Les restrictions de la BCE sur les transferts des capitaux après la révolution
Février 2011 : Transférer au maximum 100 000 dollars à l’étranger via les banques (non conditionné par une période déterminée).
Janvier 2012 : La BCE impose aux importateurs de présenter des documents sur la transaction à la banque à travers laquelle le transfert des capitaux est effectué à l’étranger.
Décembre 2012 : La présidence de la République interdit aux voyageurs de porter plus de 10 000 dollars avec eux.
Juillet 2013 : La BCE approuve la décision d’arrêter les transferts du dollar au-delà de la somme de 100 000 dollars sauf pour 3 catégories : les importateurs, les investisseurs étrangers qui vendent de titres financiers en Bourse et les sociétés étrangères opérantes en Egypte.
Janvier 2014 : La BCE autorise les banques à satisfaire les demandes de transfert des particuliers jusqu’à 100 000 dollars ou leur équivalent en monnaie nationale, et ce, une fois par an.
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