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Taux de change : Le retour à l’équilibre

Amani Gamal El Din , Mercredi, 22 mai 2024

Deux mois après le flottement, les bureaux de change retrouvent leur dynamisme grâce aux politiques de la BCE.

Taux de change : Le retour à l’équilibre
La bonne performance des bureaux de change n’est pas uniquement due aux flux de devises, mais à des contrôles stricts pour garantir la transparence.

Deux mois après la dernière libéralisation des taux de change du 6 mars dernier, un changement notable s’est opéré dans les bureaux de change. Ceux-ci, qui étaient quasiment paralysés un an avant le flottement en raison de la pénurie du billet vert, retrouvent aujourd’hui leur dynamisme grâce aux politiques de la BCE visant à régulariser le marché des changes et à éliminer le marché noir. L’agence de presse MENA a rapporté la semaine dernière que les trois bureaux de change affiliés aux banques publiques (Al-Ahly, Banque Misr et la Banque du Caire) ont collecté des recettes de la vente de devises étrangères dépassant les 25,5 milliards de L.E. depuis le flottement, contre 3,2 milliards de L.E. trois semaines après la dévaluation. Cette augmentation significative des recettes reflète une offre de plus en plus abondante du billet vert sur le marché.

« Il n’y a pas de comparaison avec la situation d’avant le flottement. A l’époque, les caisses étaient presque vides et nous ne vendions parfois même pas 100 dollars par jour. Aujourd’hui, nous collectons l’équivalent de 30 000 à 50 000 dollars par jour », déclare Hassan Al-Sayed, propriétaire du bureau de change Al-Tawfiqiya à Madinet Nasr. Mohamed Al-Imam, propriétaire du bureau de change Super Exchange à Tagammoe Al-Khamès, confirme cette tendance en affirmant que les sommes quotidiennes peuvent même parfois atteindre entre 100 000 et 120 000 dollars. « Je ne mets pas de plafonds aux transactions. Aujourd’hui, une compagnie voulait acheter 150 000 dollars d’un seul coup. J’ai appelé la banque avec laquelle je suis contractuel et l’opération a été accomplie », ajoute Al-Imam.

Selon Adel Nasr, ex-président et actuel membre de la Chambre des bureaux de change du gouvernorat de Guiza, il y a même des jours où l’offre est excessive. « La demande s’est rétrécie car les gens ont arrêté de considérer le billet vert comme un outil d’investissement. En plus, les banques procurent aux importateurs les quantités de devises étrangères dont ils ont besoin, ce qui permet de stabiliser le marché. Il y a désormais un équilibre entre l’offre et la demande », explique-t-il. « Un an avant le flottement, je pouvais rester des jours avant de recevoir un seul client. Aujourd’hui, la moyenne est de 200 clients par jour », se réjouit Mohamed Al-Imam. Il poursuit qu’avant le 6 mars et tout au long de l’année 2023 et début 2024, le mouvement d’achat et de vente des devises étrangères au sein des bureaux de change avait diminué de 95 % en raison de l’écart important entre le prix officiel et le marché parallèle.

Sous l’oeil vigilant de la BCE

Aujourd’hui, un grand nombre de clients se presse à différentes heures de la journée devant les guichets des bureaux de change pour vendre ou acheter des devises, principalement le dollar américain. Le rythme de travail est fluide et sans entrave. Mona Al-Yamani, une cliente qui achetait des riyals saoudiens au bureau de change Super Exchange à Tagammoe Al-Khamès, déclare que c’est la deuxième fois au cours du même mois qu’elle effectue cette transaction et que les procédures se déroulaient sans problème.

La bonne performance des bureaux de change ne s’explique pas uniquement par les flux de devises résultant des mesures de réforme monétaire entreprises par le gouvernement et des multiples accords de financement récemment conclus, qui ont entraîné un important afflux de capitaux. Elle est également due à la rigueur de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) qui scrute minutieusement leurs opérations. Selon Adel Nasr, la BCE a réussi à imposer son contrôle grâce à une bonne lecture du marché et à l’éradication des ténors du marché parallèle du change. « Toutes les opérations de vente et d’achat sont immédiatement enregistrées par la BCE. Cette dernière a toutes les données et est suffisamment expérimentée pour identifier les bureaux qui respectent les règles », souligne-t-il.

Hassan Al-Sayed explique que la BCE effectue des inspections parfois deux fois par semaine. Les inspecteurs vérifient les listes des clients, s’assurent que les documents requis sont corrects et complets, consultent les images des caméras de surveillance pour s’assurer que les informations sont correctement stockées sur l’ordinateur et recalculent les recettes hebdomadaires. La BCE a également mis en place un programme de détection du profil du client au sein du système des bureaux de change. « Les listes des organisations terroristes, avec leurs 2 800 noms, sont intégrées au système. L’appareil bloque automatiquement toute transaction en cas de problème de sécurité ou de I-Score à risque du client », explique un propriétaire de bureau de change sous couvert d’anonymat.

De nombreux bureaux de change avaient fermé leurs portes bien avant le flottement et ce, dans presque tous les quartiers du Caire, du centre-ville à la rue Qasr Al-Aïni, en passant par le quartier avoisinant de Manial, Doqqi et jusqu’au Nouveau Caire.

Selon Nasr, 80 % des bureaux ont été contraints de fermer en raison de sanctions pour non-respect des instructions de la BCE, que ce soit en matière d’augmentation du capital, de procédures d’inspection et, surtout, de manipulations sur le marché des changes.

Doléances

Bien que les propriétaires des bureaux de change encore en activité saluent les politiques rigoureuses de la BCE qui ont assaini le marché, ils espèrent une plus grande flexibilité à plusieurs égards. « La marge bénéficiaire des bureaux de change doit être élargie pour tenir compte de la flexibilité des taux de change. Elle doit varier en conséquence. Cinq piastres par transaction ne sont pas suffisantes. A mon avis, il faut augmenter la marge bénéficiaire à 20 ou 25 piastres, sinon, des manipulations auront lieu et le marché noir réapparaîtra », commente Al-Imam, qui évoque une autre revendication : « Cela fait cinq mois que la BCE n’a pas approuvé les dossiers d’augmentation du capital. Nous voulons que les approbations soient rapidement traitées ».

Les deux propriétaires de bureau de change, Al-Imam et Al-Sayed, sont d’accord sur la nécessité d’alléger les charges de documents imposées aux clients lors des transactions et de simplifier les procédures. Ils ont également appelé à l’élargissement du marché interbancaire de change. Cela signifie qu’au lieu d’emprunter les différentes devises dont ils ont besoin, ainsi que la livre égyptienne, pour leurs opérations, à une seule banque avec laquelle ils sont contractuels, ils souhaitent pouvoir s’adresser à plusieurs banques. Enfin, « il n’y a aucun lien avec les départements des bureaux de change au sein des Chambres de commerce. Nous voulons activer leur rôle pour qu’ils puissent servir de liaison avec la BCE. Nous n’avons aucun contact avec les responsables », conclut Al-Imam.

 Comment fonctionnent les bureaux de change ?

Les bureaux de change ont été créés en 1992. Selon les dernières données de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), fin décembre 2022, leur nombre total sur le marché égyptien était de 43 contre 54 fin 2021. Ces chiffres n’ont toutefois pas été mis à jour depuis. En décembre 2020, la BCE a donné des instructions aux bureaux de change d’augmenter leur capital de 5 à 25 millions de L.E., tout en leur permettant d’ouvrir jusqu’à 5 bureaux (chacun avec un capital de 5 millions).

« Le marché a beaucoup évolué. La plupart des bureaux de change dépendent désormais des banques », explique Adel Nasr, ex-président et membre actuel du département des bureaux de change de la Chambre de commerce de Guiza. « Par exemple, les trois banques publiques Al-Ahly, Misr et la Banque du Caire possèdent au moins 30 bureaux de change répartis sur tout le territoire, alors qu’auparavant, il y avait un grand nombre de bureaux privés », explique-t-il.

Les bureaux de change sont des sociétés égyptiennes par actions. Leur capital est déposé auprès de la banque avec laquelle ils collaborent. Cette dernière leur fournit la liste des cours de change et leur prête les différentes devises nécessaires à leurs opérations d’achat et de vente. Ce système est appelé marché interbancaire de change. Il regroupe toutes les transactions de change au comptant ou à terme entre la monnaie nationale et les devises étrangères librement convertibles.

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