La semaine dernière, le prix du dollar a perdu, dans certaines banques, une livre et demie de sa valeur en une seule journée, passant de 48 L.E. à 46,7 L.E. mercredi dernier. Cette baisse fait suite à l’annonce du premier ministre, Mostafa Madbouly, le 15 mai, concernant l’arrivée de la deuxième tranche de 14 milliards de dollars de l’accord de développement de la région de Ras Al-Hikma (à la Côte-Nord) à la Banque Centrale d’Egypte (BCE). Cette annonce s’inscrit dans le cadre d’autres nouvelles publiées la semaine dernière, témoignant de l’abondance du billet vert dans les circuits officiels et de son recul sur le marché des changes. Parmi ces nouvelles figure la baisse du déficit des actifs étrangers (Net Foreign Asset, NFA) de moitié, passant de 1,39 milliard de dollars (65 milliards de L.E.) en mars à 753 millions de dollars (36,3 milliards de L.E.) en avril, selon la BCE. Il y a également la décision de la Banque nationale d’Egypte (NBE), la plus grande banque publique, d’augmenter les limites d’utilisation des cartes de crédit en devises étrangères hors d’Egypte.
« Ces deux dernières nouvelles envoient des signaux positifs aux détenteurs de dollars égyptiens et aux investisseurs étrangers quant à la disponibilité du billet vert sur le marché », a déclaré Hany Amer, co-responsable associé du département de recherches au sein de la société de courtage Arab African International Securities. Il a ajouté que le déficit des actifs étrangers avait connu une augmentation importante au cours des mois précédant le flottement, indiquant que les banques étaient dans l’incapacité de répondre à leurs besoins en dollar en raison de la pénurie des devises dans les circuits officiels.
Au cours des deux dernières années, l’Egypte était confrontée à une diminution de ses recettes en dollar en raison de la conjoncture mondiale. Le 6 mars, la BCE a libéralisé le taux de change du billet vert, qui est passé de 30 L.E. à 50 L.E. dans les banques, alors que son prix sur le marché noir dépassait les 70 L.E. Cette décision faisait suite à la signature d’un accord de développement de Ras Al-Hikma, en vertu duquel l’Egypte a reçu 24 milliards de dollars de liquidités et 11 milliards de dollars sous forme de transfert d’un dépôt émirati à la BCE au profit du gouvernement égyptien. Le projet de Ras Al-Hikma et la signature de l’accord de prêt avec le Fonds Monétaire International (FMI) ont ouvert la voie à d’autres financements de la part de diverses institutions internationales. En conséquence, le prix du dollar a perdu 8 % de sa valeur, s’échangeant actuellement autour de 46 L.E. contre 50 L.E. le jour du flottement.
Indicateurs positifs
Le rapport de la banque d’investissement Naeem Holding sur l’économie égyptienne, reçu par l’Hebdo, a indiqué l’amélioration de la position des liquidités en dollar après le flottement, donnant ainsi des indicateurs positifs sur la disponibilité du billet vert sur le marché. Parmi les indicateurs les plus importants pour juger de la disponibilité du dollar au sein des banques figurent les actifs étrangers nets. Le rapport prévoit un redressement substantiel de cet indicateur en 2024. « Les actifs étrangers nets devraient s’améliorer significativement pour atteindre, pour la première fois depuis deux ans, un excédent de deux milliards de dollars en 2024 (contre un déficit de 27 milliards de dollars avant le flottement) », prévoit le rapport.
Hesham Hamdy, vice-président du département de recherches au sein de Naeem Holding, a attribué ce redressement à la hausse des recettes en dollar depuis le flottement provenant des financements de Ras Al-Hikma évalués à 35 milliards de dollars, du retour des investissements des étrangers dans les bons du Trésor et des transferts des Egyptiens à l’étranger qui devraient atteindre respectivement 20 milliards de dollars et 5 milliards de dollars d’ici juin 2024. Le rapport prévoit aussi de nouveaux financements en dollar provenant de l’Union Européenne (UE), du Japon et d’autres pays du monde dans la prochaine période. « Même si l’UE pourrait s’engager à hauteur de 7 milliards d’euros, les indicateurs (bien qu’encore préliminaires) soulignent que l’Arabie saoudite et le Qatar pourraient fournir un programme de soutien de 30 milliards de dollars (y compris des swaps de dépôts de la BCE de 15 milliards de dollars) », selon le rapport de Naeem.
Le rapport prévoit aussi la hausse du montant des réserves internationales en dollar à 44,5 milliards de dollars en 2024 contre 34,8 milliards de dollars en 2023. « En conséquence, la couverture des importations devrait passer à 8,2 mois en 2024 contre 5,9 mois avant le flottement », prévoit le rapport. Suite au flottement, le montant des réserves a augmenté de 17 % pour atteindre 41 milliards de dollars fin avril contre 35,3 milliards fin février, avant le flottement.
Bien que le rapport de Naeem ait souligné que les déficits de change avaient été comblés pour 2024 et pour une grande partie de 2025, il estime que « le déficit des comptes courants de 15 milliards de dollars par an, accompagné d’une dette extérieure de 20 milliards de dollars remboursables d’ici mars 2025, garderait la balance des paiements du pays tendue à moyen terme ». Il ajoute qu’un déficit commercial non pétrolier d’environ 30 milliards de dollars par an nécessite un régime de change flexible pour répondre aux déséquilibres à plus long terme de la balance des paiements en attirant les investissements directs étrangers non pétroliers. « Le maintien de la flexibilité des taux de change est également essentiel pour préserver le montant des transferts des Egyptiens à l’étranger à des niveaux normaux, à environ 30 milliards de dollars par an », souligne le rapport, en prévoyant un taux de change du dollar de 50 L.E. fin 2024 et 55 L.E. en 2025. Ces prévisions contrastent avec les estimations du FMI prévoyant la chute du dollar à 39,9 L.E. en juin 2024 avant de remonter à 56,3 L.E. pendant l’année financière 2024-2025.
Moins de restrictions sur les cartes bancaires
Suite à l’amélioration de la disponibilité du dollar sur le marché ces deux derniers mois après le flottement, les banques ont commencé à assouplir les restrictions sur l’utilisation des cartes électroniques en dollar. La semaine dernière, la Banque Nationale d’Egypte (NBE) a augmenté les limites de devises étrangères des cartes de crédit utilisées en Egypte. Les cartes Visa Platinum/MasterCard verront leur limite passer de 12 500 L.E. à 40 000 L.E. La limite des MasterCard World, Visa Signature et MasterCard pour les entreprises passera de 20 000 L.E. à 60 000 L.E. Cependant, la limite des cartes Visa Classic et MasterCard Standard restera fixée à 5 000 L.E. d’achats.
L’augmentation de la limite des transactions en dollar est la deuxième du genre depuis le flottement. Certaines banques ont pris des mesures similaires le 13 mars, une semaine après le flottement. La NBE a augmenté le plafond de paiement pour la carte classique de 1 550 à 5 000 L.E. et celui de la carte Gold de 2 300 à 7 000 L.E. La première banque privée sur le marché CIB a aussi augmenté le plafond de paiement à l’étranger de 15 000 à 25 000 L.E. pour la carte Prime et de 2 000 à 3 500 L.E. pour les achats mensuels en Egypte.
L’augmentation des limites fait suite à une période de restriction pour lutter contre l’utilisation abusive des cartes de crédit dans des retraits en espèces à l’étranger. Il était interdit de demander des devises à des fins de voyage à l’étranger sans quitter le pays. Les titulaires des cartes de crédit devaient informer leurs banques et présenter une preuve de voyage dans les 90 jours suivant l’utilisation de la carte à l’étranger. De même, plusieurs banques avaient réduit la limite mensuelle de retrait des devises à 250 dollars.
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