La baisse prévue des cours internationaux des matières premières, notamment le pétrole et le blé, va en revanche réduire les dépenses.
La consolidation fiscale reste l’objectif primordial du gouvernement, comme l’a souligné le ministre des Finances dans le projet de budget étatique 2024-2025, qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet. Le document, rendu public la semaine dernière, est actuellement en discussion au Parlement. Il est prévu que ces discussions durent environ deux mois dans les différentes commissions du Conseil des députés avant que le budget ne soit discuté dans les séances générales. Le gouvernement prévoit pour le prochain exercice fiscal une hausse des dépenses de 29,4 % pour atteindre environ 3 900 milliards de L.E., soit 22,6 % du Produit Intérieur Brut (PIB), contre environ 3 000 milliards de L.E. dans l’exercice 2023-2024 (25,3 % du PIB). Les recettes devraient également augmenter de 8,5 %, pour se chiffrer à 2 600 milliards de L.E., contre 2 400 milliards de L.E. pour l’année en cours.
Le ministère des Finances souligne dans le document qu’il vise une augmentation des recettes supérieure à celle des dépenses. « Pour contrôler la dette, il est nécessaire de maintenir un taux de croissance des recettes supérieur à celui des dépenses d’au moins 8 % annuellement. Il faut savoir qu’à chaque choc auquel l’économie égyptienne est exposée, le déséquilibre s’accentue et le taux de croissance des dépenses augmente plus vite que celui des recettes, ce qui ne favorise pas la baisse du ratio de la dette par rapport au PIB », lit-on dans le projet de budget. Le ministère des Finances a attribué l’augmentation des dépenses publiques (par rapport aux recettes) à la hausse considérable des taux d’intérêt tout en continuant à réaliser un surplus budgétaire primaire, le plus élevé de l’histoire de l’Egypte, soit 3,5 %. Dans le budget, le gouvernement note que le taux d’intérêt moyen sur la dette intérieure a augmenté à environ 21,1 % en juin 2023 par rapport à 14,8 % en juin 2021 et a atteint un niveau record d’environ 30 % en mars 2024, avant de retomber à 26 % en raison du retour des investisseurs étrangers sur le marché local.
Les objectifs principaux du gouvernement sont de réduire le déficit budgétaire, ainsi que la dette publique par rapport au PIB, conformément à l’accord conclu avec le Fonds Monétaire International (FMI). Le ministre des Finances prévoit d’amener la dette à 88,2 % contre 89,7 % prévu pour l’exercice en cours et 95,7 % en 2022-2023. Le gouvernement vise également à amener le ratio dette/PIB à moins de 80 % en juin 2027.
« Il est prévu que la situation se redresse dans les années à venir étant donné la baisse prévue des taux d’intérêt au niveau mondial, sauf si les difficultés économiques mondiales persistent », explique Mohamed Shadi, économiste auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques. Il pense encore qu’il est possible que la Réserve fédérale américaine lève les taux d’intérêt de 0,25 % lors de sa prochaine réunion ou la suivante, d’autant plus que l’inflation augmente toujours aux Etats-Unis, ce qui aura son effet sur les taux d’intérêt en Egypte et par la suite sur le service de la dette dans le budget. « Mais à part cette hypothèse, le monde va dans la direction d’une baisse des taux d’intérêt, ce qui va réduire le service de la dette par rapport aux dépenses », affirme-t-il. L’économiste explique que la hausse des dépenses prévue dans le prochain exercice est la conséquence de la hausse des taux d’intérêt, mais aussi des taux de change. « Le taux de change du dollar sur lequel est calculé le budget cette année est élevé, ce qui a augmenté les dépenses en dollar dans le budget une fois exprimées en livre égyptienne. Mais sur le long terme, la libéralisation des taux de change va permettre d’augmenter les revenus de l’Etat en dollar et cela va équilibrer les dépenses et les recettes », explique Shadi.
Il rappelle également que la hausse des dépenses sociales pour mitiger les effets de la réforme économique sur la population a également contribué à la hausse des dépenses. La baisse prévue des cours internationaux des matières premières, notamment le pétrole et le blé, va en revanche réduire les dépenses. Le gouvernement prévoit dans le budget que les prix du brut de Brent atteindront en moyenne 82 dollars le baril entre juillet 2024 et juin 2025, en baisse par rapport aux 85 dollars projetés pour l’exercice en cours. Il s’attend également à ce que les prix du blé sur une période de 12 mois atteignent en moyenne 280 dollars la tonne, soit le même niveau que durant l’exercice 2023-2024. « Tous ces facteurs montrent que la crise que nous avons connue l’année passée était principalement due à des facteurs extérieurs », conclut Mohamed Shadi.
Premier budget consolidé
Le projet de budget qui a été approuvé par le Conseil des ministres vers la fin du mois de mars est le premier à inclure les budgets des organismes économiques de l’Etat. Le gouvernement a ainsi inclus dans le budget un chiffre global pour les recettes et les revenus consolidés sans donner plus de détails. Les projections des recettes du budget consolidé sont de 5,3 milliards de L.E., en tenant compte des recettes estimées des entités économiques de l’Etat, qui s’élèvent à 3,2 milliards de L.E.. Les dépenses prévues pour ces organismes sont au même niveau, soit 3,2 milliards de L.E. Le gouvernement s’attend donc à ce que ses dépenses consolidées atteignent 6,6 milliards de L.E.
Alia Al-Mahdi, professeure d’économie à l’Université du Caire, assure que la consolidation du budget en incluant les budgets des organismes économiques étatiques va réduire le déficit et la dette par rapport au PIB, étant donné que la majorité de ces organismes réalisent des profits dont une grande partie n’était pas incluse dans le budget étatique. Le ministère des Finances a annoncé seulement les chiffres globaux des dépenses et des recettes sans donner plus de détails. « Le budget étatique et celui des organismes économiques ont été rédigés de manières très différentes, l’unification du budget est un processus techniquement complexe sur lequel les responsables travaillent méticuleusement ».
Les objectifs macroéconomiques du budget
Le gouvernement prévoit dans le nouveau budget une accélération de la croissance économique pour atteindre 4,2 % au cours du prochain exercice fiscal contre 2,9 % pour l’exercice en cours, soit légèrement en dessus des 3,8 % de l’année dernière. Ce chiffre est supérieur de 0,2 % aux 4 % prévus dans le rapport budgétaire préliminaire publié antérieurement par le ministère des Finances et s’aligne plus sur les prévisions du FMI, qui s’élèvent à 4,4 %. Le gouvernement prévoit également une baisse significative de l’inflation annuelle qui sera en moyenne de 17,9 % contre 35,7 % prévus pour l’exercice 2023-2024, selon le document, soit légèrement en dessous des 18,1 % prévus par le gouvernement dans le budget préliminaire. Le FMI prévoit une inflation moyenne de 25,7 % pour l’Egypte en 2025.
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