Lors d’un sommet de haut niveau tenu au Caire dimanche 17 mars, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a annoncé le déblocage d’un nouveau paquet de soutien financier et d’investissement par l’Union Européenne (UE) à l’Egypte d’un montant de 7,4 milliards d’euros (8,06 milliards de dollars) pour les quatre prochaines années (2024-2027). « Il s’agit d’une date importante, les relations entre l’Egypte et l’UE ont été rehaussées au niveau d’un partenariat stratégique global basé sur les valeurs d’équité, de respect mutuel et de confiance », a déclaré le président Abdel Fattah Al-Sissi lors d’une conférence de presse conjointe, tenue après la signature d’un document de « partenariat stratégique et global » entre l’UE et l’Egypte.
Les dirigeants de cinq pays européens (Autriche, Belgique, Chypre, Grèce et Italie) ont effectué une visite importante, le dimanche 17 mars, au Caire durant laquelle ils ont signé avec l’Egypte un document de partenariat stratégique et global traçant les contours d’une nouvelle phase de coopération entre les deux parties. « Le partenariat stratégique global est un privilège qui n’est pas accordé à beaucoup de pays. C’est une élévation des relations au niveau des partenaires au sein de l’UE sauf en ce qui concerne les accords sur la circulation des individus et le droit du travail. L’Egypte obtiendra les facilités de financement semblables à celles allouées aux membres de l’UE », explique Mohamed Shadi, analyste auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS).
Le communiqué de presse publié par la délégation européenne en Egypte a clarifié les détails du document de partenariat stratégique basé sur six axes fondamentaux (voir sous-encadré). Une importance particulière a été accordée aux deuxième et troisième axes portant sur les volets économiques et commerciaux, ainsi que la stabilité macroéconomique à long terme. « L’UE soutiendra l’Egypte au niveau des réformes structurelles et macroéconomiques », affirme un communiqué de presse publié par la délégation de l’UE en Egypte, indiquant que le financement soutiendra et accompagnera les progrès accomplis dans le cadre des objectifs définis conjointement et libérera le potentiel des investissements du secteur privé égyptien.
D’après l’UE, le financement de 7,4 milliards d’euros fourni à l’Egypte sera réparti comme suit : 5 milliards d’euros de prêts concessionnels pour l’assistance macro-financière, 1,8 milliard d’euros d’investissements injectés dans le cadre du Southern Neighborhood Economic and Investment Plan, déjà mis en place en 1995 pour promouvoir les économies des pays du sud et de l’est de la Méditerranée, et 600 millions d’euros sous forme de prêts, dont 200 millions destinés à la gestion des problèmes migratoires.
Le document de partenariat souligne aussi que l’UE manifeste un intérêt à accompagner l’Egypte au niveau des besoins de stabilisation à court terme et des besoins de développement économique à moyen terme, sous la forme d’un soutien budgétaire, d’un financement concessionnel et de subventions. Ce soutien de l’UE faciliterait l’accès au financement du développement. « Des outils comme l’échange des dettes, qui seront décidés par les Etats membres, pourraient améliorer la marge de manoeuvre nécessaire aux investissements », selon le communiqué de presse.
Mohamed Shadi explique que l’UE désire agir au niveau des réformes structurelles et puisque le FMI se trouve déjà à l’avant-garde, il était normal qu’ils unifient les efforts pour plus de consistance. « Il est clair qu’il y avait des négociations antérieures entre l’UE et le FMI au sujet des fonds dirigés aux réformes structurelles et qui sont liés aux révisions de l’institution financière. Ceci explique pourquoi le calendrier de déblocage des fonds n’a pas été annoncé clairement », souligne Shadi.
Vaste coopération multisectorielle
Le troisième axe du document de partenariat porte sur l’investissement et le commerce. Une conférence internationale sur l’investissement se tiendra en 2024 par l’Egypte et l’UE afin de renforcer les échanges commerciaux entre les deux parties, d’améliorer l’environnement global des entreprises et de stimuler les investissements publics et privés. « Le soutien européen permettra aux milieux d’affaires européens de bénéficier du potentiel d’investissement offert par l’Egypte, y compris les privilèges accordés par le Canal de Suez, qui est le plus important corridor commercial et maritime reliant l’Est à l’Ouest du globe, et la zone économique du Canal de Suez, ce qui renforcerait le rôle de l’Egypte dans les chaînes d’approvisionnement de l’UE et pourrait attirer les industries de l’UE en Egypte », a déclaré Von der Leyen.
L’UE est le partenaire le plus important de l’Egypte au niveau du commerce et de l’investissement. Les échanges commerciaux entre les deux parties représentent le quart du commerce total de l’Egypte. D’après le rapport de la Banque Centrale d’Egypte, le total des exportations égyptiennes vers l’UE a atteint 12,3 milliards de dollars en 2022-2023 (représentant presque le tiers du total des exportations égyptiennes). Quant au total des importations égyptiennes de l’UE, elles ont atteint 14,8 milliards de dollars en 2022-2023, ce qui représente 20,9% de l’ensemble des importations égyptiennes.
Le partenaire européen a également évoqué la mobilisation de nouveaux investissements soutenant la transition verte et numérique dans le cadre du Southern Neighborhood Economic and Investment Plan déjà mis en place et qui offre à l’Egypte des opportunités d’investissement très élargies. La représentante de l’UE a mentionné plusieurs exemples de secteurs d’investissement comme la numérisation, les secteurs agricoles, l’industrialisation avancée, ainsi que la sécurité, la gestion de l’eau et la coopération autour des technologies sûres et durables à faible intensité de carbone, en s’appuyant sur le potentiel considérable de l’Egypte en matière d’expansion rentable de la production d’énergie.
Il est question de projets qui existent déjà et qui seront davantage développés. Comme le projet Gregy Electric Interconnector qui connecte l’Egypte à la Grèce et accroît la sécurité électrique de l’Europe. Selon l’UE, l’Egypte détient les ressources nécessaires pour devenir un hub énergétique, notamment en ce qui a trait à l’hydrogène renouvelable. L’UE est également déterminée à soutenir les travaux du Forum gazier de la Méditerranée orientale en vue de renforcer la coopération énergétique et la sécurité de l’approvisionnement en gaz dans la région, ainsi que les échanges de gaz avec l’UE.
Shadi explique que l’UE est consciente qu’au niveau de la transition énergétique et des énergies renouvelables, l’Egypte a un potentiel énorme. L’UE va financer et accélérer le rythme de la transition énergétique en Egypte. L’UE dispose d’un accord-cadre, le Green Deal, qui vise à réduire les émissions de carbone en 2032 à zéro. « Pour atteindre cet objectif, elle ne peut pas dépendre de ses propres sources, elle doit importer de l’énergie et c’est pourquoi elle s’adresse à un pays comme l’Egypte qui dispose d’un grand potentiel, que ce soit en matière d’énergie solaire ou éolienne. L’Egypte dispose d’un énorme potentiel en matière d’énergie éolienne grâce notamment au golfe de Suez », conclut l’expert.
Les six axes du partenariat
Le dialogue politique, la promotion de la démocratie et des droits de l’homme.
La stabilité macro-financière.
Le soutien en matière d’investissement et de commerce dans le cadre du Southern Neighborhood Economic and Investment Plan.
La migration.
La sécurité et l’application de la loi.
Le renforcement des capacités humaines et la recherche.
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