Quelques jours avant le Ramadan, pendant lequel la consommation des produits alimentaires augmente considérablement, les marchés ne sont pas aussi animés comme chaque année. La hausse des prix affecte les budgets des ménages et par conséquent leur mode de consommation. « Je peux me passer facilement de viande et opter pour le poulet qui est nettement moins cher. J’ai changé mes habitudes et j’achète désormais de plus petites quantités », explique Hanan Mokhtar, femme au foyer, exprimant le choix d’une bonne partie de la classe moyenne et de la classe ouvrière. Tahany Al Shafie, femme au foyer, qui fait partie de la classe moyenne supérieure, refuse de changer son mode de consommation pendant le Ramadan. « J’invite mes enfants et mes petits-enfants à venir manger chez moi et je ne pourrais pas changer la qualité des repas et des banquets », insiste-t-elle.
L’augmentation des prix des produits alimentaires est le résultat d’une pénurie de devises qui s’est accentuée pendant la deuxième moitié de 2023 et les premiers mois de l’année en cours, ce qui a entraîné un marché noir de devises auquel de nombreux producteurs et importateurs égyptiens ont dû recourir pour obtenir des dollars à des prix parfois deux fois supérieurs au prix officiel.
La récente baisse du dollar sur le marché parallèle ne s’est pas encore reflétée sur les prix des produits de consommation. La hausse des prix a été également accentuée par des pratiques monopolistiques de la part de certains commerçants et producteurs. Galal Moawad, membre de la section de boulangerie à l’Union des Chambres de commerce de Guiza, prévoit un ralentissement de la demande cette année pendant le Ramadan, de l’ordre de 25 % par rapport à l’année passée, en raison de la hausse des prix, mais aussi parce que le Ramadan survient en même temps que le jeûne chrétien qui commence également le 11 mars.
La baisse de la demande et l’abstention des gens de stocker les aliments avant le mois du jeûne se voient clairement dans les marchés, que ce soit dans les quartiers populaires du Caire, comme le marché d’Al-Nassériya, dans les quartiers huppés comme Al-Tagammoe Al-Khamès ou encore dans les grandes chaînes de supermarchés. « Les clients attendent une baisse des prix, ce qui explique en partie la baisse de la demande », déclare Ramadan Hussein, vendeur de légumes du souk Al-Nassériya. « J’ai perdu, il y a quelques mois, 50 % de mes clients en raison des hausses récentes des prix. Si le kilo de poulet est à 100 ou 110 L.E. aujourd’hui, ma marge de profit est seulement de 5 L.E. J’essaie quand même de survivre », explique Hussein Mohamed, volailler au marché populaire de la 3e région de Tagammoe. Mohamed Ali, propriétaire d’un magasin de poulet rôti situé juste à côté, confie que tous les maillons de la chaîne sont affectés : « J’ai perdu 40 % de mes clients, qu’il s’agisse de ceux qui viennent sur place ou ceux qui sont servis à domicile ». Le constat est le même dans l’un des supermarchés Mahmoud Al-Far, au quartier résidentiel d’Al-Tagammoe Al-Khamès, où l’activité est au ralenti plusieurs heures de la journée. Mais, comme l’indique Mohamed Salah, directeur de ventes de cette chaîne de supermarchés, la demande est finalement liée proportionnellement au pouvoir d’achat des ménages.
Khamis Ahmed, employé de la coopérative de la rue Qasr Al-Aïni, témoigne que ses clients ont changé leur mode de consommation pour s’adapter aux prix toujours élevés. « Cela s’est traduit par une réduction des quantités ou par le recours à un choix d’ingrédients moins chers », explique-t-il. Les tentes Ahlan Ramadan ou les points de vente des organismes gouvernementaux Aman, qui vendent les produits de première nécessité à des prix inférieurs de 30 % à ceux des supermarchés, ont été le choix d’une partie des consommateurs.
La récente baisse du dollar sur le marché parallèle devrait prochainement se répercuter sur les prix de la consommation.
Les prix se stabilisent
L’avenir pourrait être plus prometteur. Selon les commerçants et les détaillants, les prix se sont stabilisés il y a 10 jours après la baisse du dollar. « Les prix de la viande se sont stabilisés à 420 L.E., alors qu’ils avaient connu des hausses successives », assure Mohamed Hassan, boucher à Qasr Al-Aïni. Hicham Hamdy, analyste auprès de la banque d’investissement Naeem Holding, prévoit une stabilisation des prix, étant donné l’Indice des prix à la consommation (CPI) qui a signalé que les prix des aliments et des boissons, représentant 32,7 % du CPI, ont chuté de 2,1 % en décembre à 1,4 % en janvier, prévoyant une décroissance des prix. Il est remarquable cette année que les prix soient plus ou moins les mêmes dans tous les points de vente, les marchés populaires et les supermarchés des différents quartiers. Galal Moawad justifie cette tendance par la faiblesse des achats. « La concurrence a obligé les grands supermarchés à réduire les prix et à s’approcher des petits commerces. Il n’y aura pas de grande différence car déjà la marge de profit est mince », ajoute-t-il.
La baisse de la consommation a pesé sur les petits commerçants de détail. Certains points de vente ont fermé leurs portes dans les quartiers du centre-ville. Alors que chez d’autres, comme Mohamed Gamal, propriétaire d’un petit supermarché de la rue Ismaïl Serry, à Qasr Al-Aïni, la plupart des étagères sont vides et une large gamme de produits n’est plus disponible.
Les grandes chaînes de supermarchés s’en sortent mieux grâce à leurs capacités financières et à un personnel qualifié capable d’effectuer des analyses de marché. En plus, elles ont la capacité à obtenir de meilleurs prix car elles achètent en grandes quantités. « La concurrence signifie des prix bas. Notre équipe marketing a la capacité à négocier avec les fournisseurs pour obtenir les meilleures offres sur les produits stratégiques. Le département de recherche effectue des analyses de marché afin d’ajuster continuellement nos stratégies pour attirer la clientèle », explique à l’Hebdo Mohamed Salah, directeur de ventes au supermarché Mahmoud Al-Far, dans le quartier résidentiel d’Al-Tagammoe Al-Khamès.
A ce sujet, Ahmed Etaby, responsable de la section des produits alimentaires à la Chambre de commerce de Guiza, affirme que la règle fondamentale dans les échanges commerciaux est le petit commerçant et l’investisseur, qui sont à la base de la pyramide. Ils sont 100 000 petits commerçants contre 1 000 grands commerçants. « Les petits doivent exister dans l’équation, sinon ce sera un monopole et une augmentation malsaine des prix. Lorsqu’il y a une large base de commerçants, de grossistes et de détaillants, cela offre une bonne occasion à une concurrence saine qui est le seul moyen de réguler le marché. Plus les points de vente se multiplient, plus la concurrence est saine. L’échec des petits creuse le fossé et augmente la différence dans les prix », affirme-t-il.
En attendant des mesures gouvernementales pour rétablir la situation des petits commerçants et détaillants à travers des mécanismes de fixation des prix et de contrôle, il est nécessaire de commencer par un dialogue entre les acteurs de la chaîne de valeur, les chambres de commerce et le gouvernement.
Lien court: