
L’accord de Ras Al-Hikma a donné lieu à une régression du dollar sur le marché noir et à un recul de la dette de l’Egypte. (Photo : AP)
Au lendemain de l’annonce de la conclusion de l’accord de développement de la région de Ras Al-Hikma entre le gouvernement égyptien et la compagnie émiratie Abu Dhabi Developmental Holding PJSC (ADQ), le dollar a perdu 10 L.E. d’un seul coup face à la livre égyptienne sur le marché parallèle. La baisse s’est poursuivie au cours des jours suivants. Lundi 26 février le dollar s’échangeait à 50 L.E., enregistrant une perte d’environ 20 % en trois jours. Les prix de l’or en Egypte ont également régressé après l’annonce. Ainsi, le prix de l’or 21 carats, le plus populaire en Egypte, a enregistré 3 050 L.E. pour un gramme samedi 24 février contre 3 500 L.E. jeudi 22 février, un jour avant la conclusion de l’accord. Les prix de l’or avaient atteint un record historique vers la fin du mois passé, dépassant les 3 800 L.E. pour un gramme 21K. Cette augmentation s’expliquait par la hausse exorbitante du billet vert sur le marché noir qui avait frôlé les 70 L.E. et celle de la demande sur le métal jaune, valeur refuge classique pour les Egyptiens. Les économistes et les banques d’investissement en Egypte et dans le monde s’attendent à la poursuite de cette tendance à la baisse des taux de change sur le marché noir et des prix de l’or. Des milliards de dollars entreront dans les caisses de l’Etat au cours de la période à venir. La banque d’investissement américaine Goldman Sachs s’attend à ce que la crise des taux de change en Egypte prenne fin dans les jours ou les semaines qui viennent, au maximum après la conclusion de l’accord. « La baisse des taux de change sur le marché parallèle cette semaine est motivée par la crainte des spéculateurs de perdre de l’argent. L’effet réel de l’accord se fera ressentir avec l’entrée d’un flux de dollars en Egypte dans les deux mois à venir », estime Mohamed Shadi, économiste auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques. Notons que les obligations étrangères égyptiennes ont augmenté après l’annonce de l’accord, devenant vendredi 23 février la dette souveraine la plus performante sur les marchés émergents. Les obligations étatiques en dollar arrivant à échéance en 2051 ont enregistré un bond record de 4,5 % par dollar, selon les données de Bloomberg.
La dette extérieure réduite
Pour mieux comprendre l’effet de l’accord de Ras Al-Hikma, le plus grand investissement étranger direct de l’histoire de l’Egypte, il faut mentionner que cet accord équivaut à 3,5 fois le montant des investissements directs étrangers en Egypte en 2023. L’Egypte souffre d’un manque de devises étrangères depuis 2022 et la crise s’est accentuée en 2023. La crise s’est notamment manifestée par l’apparition d’un marché noir de devises étrangères. La différence entre les taux de change officiel et parallèle n’a cessé de grandir. Le taux officiel du dollar tourne autour de 31 L.E. contre plus du double sur le marché noir. Les transferts des Egyptiens travaillant à l’étranger ont nettement régressé, aggravant davantage la crise. Créer des rentrées en devises, notamment par l’intermédiaire d’investissements directs étrangers, était l’ultime issue à cette crise. L’accord de Ras Al-Hikma permettra à l’Egypte de combler ses besoins en devises et de réduire sa dette extérieure. Les Emirats arabes unis possèdent 11 milliards de dollars en dépôt auprès de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), qui font partie de la dette extérieure du pays. « En vertu de l’accord, cet argent sera utilisé pour réduire la dette extérieure de l’Egypte, pour la ramener de 164,5 milliards de dollars (selon les données de fin septembre 2023) à 153,5 milliards de dollars », explique la banque d’investissement égyptienne Naeem. « Selon nos calculs, le déficit total net des avoirs extérieurs de l’Egypte tomberait également immédiatement à 12,3 milliards de dollars contre -27,3 milliards de dollars », affirme la banque.

Un haut responsable du gouvernement a dit à la Newsletter Enterprise, sponsorisée par EFG Holding et HSBC entre autres, que le règlement du problème du retard dans les importations et le paiement des arriérés dus aux partenaires étrangers figurent parmi les principales priorités du cabinet ministériel. « Le financement qui découle de l’accord de Ras Al-Hikma augmentera considérablement la flexibilité financière du gouvernement et le placera en bonne position pour combler le déficit financier dont souffrait l’Egypte », a déclaré le responsable. « Si l’accord de Ras Al-Hikma se déroule comme prévu, nous pensons que l’accord, associé au programme du Fonds Monétaire International (FMI), fournira suffisamment de liquidités pour couvrir le déficit financier de l’Egypte au cours des quatre prochaines années », affirme, pour sa part, Farouk Soussa, analyste chez Goldman Sachs. Cependant, Soussa note qu’on pourrait assister à une légère dévaluation de la livre égyptienne, par rapport aux prix actuels sur le marché parallèle.
Un nouvel accord entre l’Egypte et le FMI est prévu dans les prochaines semaines. La finalisation du projet de Ras Al-Hikma va accélérer la conclusion de cet accord entre le gouvernement égyptien et le prêteur international. Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, a dit à la chaîne télévisée Al-Arabiya que cet accord est un « développement économique important ». Il a affirmé qu’il espérait que l’accord « consolidera la posture économique de l’Egypte et aidera à la création d’emplois ». « L’accord (de Ras Al-Hikma) n’est pas lié à l’accord avec le FMI, mais il est utile pour le gouvernement », a affirmé Jihad Azour.
Le montant de l’accord avec le FMI n’a pas été encore divulgué mais les prévisions s’attendent à un prêt compris entre 6 et 10 milliards de dollars. « Les 10 milliards de dollars en liquidités de l’accord de Ras Al-Hikma, les paiements attendus du FMI dans le cadre du nouvel accord avec le fonds (qui sera annoncé prochainement), ainsi que le soutien direct de l’Union européenne, tous ces éléments réunis permettront le passage à une politique de change flexible et la libéralisation des taux de change », conclut Naeem.
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