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Le débat sur le salaire maximum est relancé

Névine Kamel, Lundi, 25 novembre 2013

Le gouvernement égyptien vient d'approuver la fixation d'un salaire maximum à 42 000 L.E. par mois, soit 35 fois le salaire minimum. Les experts sont divisés sur l’équité d’une telle décision.

Le débat sur le salaire maximum est relancé
Les juges seront exclus du salaire maximum fixé à 42 000 L.E. par mois. Photo(AP)

Après une longue bataille, le gouvernement s’est plié aux demandes populaires. Le premier ministre, Hazem Al-Beblawy, a, en effet, annoncé la semaine dernière l’application d’un salaire mensuel maximum de 42 000 L.E., dès janvier 2014. Cette somme représente 35 fois le salaire minimum précisé par le gouvernement, soit 1 200 L.E. par mois.

Mais c’est là une victoire au goût amer. Car le lendemain de la décision, une liste des exceptions a été publiée. Les banques, l’armée, la police, les juges, le secteur pétrolier, l’Organisme du Canal de Suez, Arab Contractors et finalement les entreprises du secteur des affaires publiques sont exclus d’une telle décision. « Le fait d’exclure tous ces cadres de l’application du salaire maximum limite les rendements attendus », déclare succinctement Doha Abdel-Hamid, experte financière auprès des Nations-Unies. Elle ajoute : « Je comprends bien le défi du gouvernement et la nécessité d’encourager les bons éléments. Mais dans ce cas, il pourrait dessiner un cadre général et progressif pour toutes les institutions de l’Etat. Surtout que plusieurs de ces institutions ne méritent pas ces salaires, et les cadres sont rares. Le gouvernement ne devait pas rater cette chance. Pourtant, comme d’habitude, ses décisions sont hasardeuses ». Le jugement d’Ahmad Matar, chef du Centre arabe pour les études politiques et économiques, est plus sévère. Selon lui, l’exclusion de 229 organismes de l’application du salaire maximum fait de cette décision pure encre sur papier. « Le gouvernement trouve difficile de réduire les salaires de quelques responsables et cadres dans le pays alors qu’il trouve facile de faire vivre toute une famille avec 1 200 L.E. par mois, en raison du manque de ses ressources financières. Quel sarcasme ! », martèle-t-il.

Système défaillant

Comme le note Ahmad Al-Naggar, chef de l’unité économique au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, qui tente d’apporter une réponse dans son rapport intitulé « Comment augmenter les salaires sans augmenter l’inflation ? », le système des salaires dans la fonction publique en Egypte est défaillant. Car la disparité entre le salaire minimum et maximum est flagrante. Pour Al-Naggar, il ne s’agit pas simplement d’une fixation d’un salaire maximum et minimum, mais d’une restructuration totale du système des salaires en Egypte. « Au moment où certains ne touchent que quelques centaines de livres par mois, d’autres touchent des centaines de milliers. Ces sommes énormes sont d’habitude octroyées sous forme de primes, de commissions, de récompenses et de parts de profit », dit Al-Naggar. En même temps, explique-t-il, le salaire des mêmes catégories diffère d’une institution à l’autre. Par exemple le salaire d’un comptable au ministère de la Solidarité sociale est nettement inférieur à celui d’un comptable à l’Organisme du pétrole ou au ministère des Finances. « Il faut donc un système plus équitable. Les différences de salaire doivent être motivées par des considérations objectives, comme l’efficacité ou la productivité », assure Al-Naggar. Il est vrai que cette défaillance dans les salaires est évidente : le premier ministre des Finances post-révolution, Samir Radwan, avait ainsi révélé que les hauts fonctionnaires touchaient en moyenne 1 000 fois le salaire minimum en vigueur dans le secteur public. « Le fait qu’il n’existe pas en Egypte, à ce jour, de corrélation entre le salaire maximum et minimum n’est plus acceptable, surtout que cette corrélation existe dans des pays comme la Tunisie et le Maroc », estime Omniya Hélmi, directrice exécutive du Centre égyptien des études économiques. Selon elle, le salaire maximum ne doit pas dépasser 15 fois le salaire minimum. « C’est le taux en vigueur dans beaucoup de pays développés », précise-t-elle.

2 milliards de L.E.

Pour sa part, le gouvernement applaudit une telle décision. « C’est une première étape vers la réforme du système des salaires. Mais comme d’habitude, la population est toujours mécontente. Il fallait viser à garder les compétences, surtout que les opportunités ailleurs sont multiples », dit un responsable du ministère des Finances, sous couvert d’anonymat. « Nous savons ce que nous faisons », poursuit-il. Et d’expliquer par ailleurs que le ministre a fixé au 25 novembre le dernier délai pour recevoir des institutions gouvernementales un rapport précisant le nombre des hauts responsables concernés par le salaire maximum, afin de former une base de données, la première du genre en Egypte. « Nous avons reçu à ce jour les informations concernant 6,5 millions d’employés », dit le responsable. Il se réjouit de la décision du gouvernement de préciser un salaire maximum, en corrélation avec le salaire minimum, car elle fera économiser 2 milliards de L.E. par an au lieu de 1,2 milliard actuellement. « Le salaire maximum précisé auparavant représentait 35 fois le salaire minimum de chaque institution prise individuellement, ce qui faisait un salaire maximum différent d’une institution à l’autre. Maintenant, c’est unifié par rapport au salaire minimum, et cela est plus juste », renchérit le responsable du ministère des Finances.

En ce qui concerne le mécanisme d’application du salaire maximum, Hani Mahmoud, ministre du Développement administratif, chargé par le gouvernement d’élaborer un mécanisme convenable d’application et de surveillance, annonce avoir trouvé un accord pour verser les salaires des fonctionnaires-cadres référencés à leur numéro d’identité nationale « pour assurer une transparence ».

La loi sur le salaire maximum depuis 2011

Depuis la révolution du 25 janvier, les gouvernements successifs ont suggéré 3 modèles de loi sur le salaire maximum. Le 3e, annoncé par le cabinet Beblawy, verra le jour en janvier 2014.

Les 3 modèles sont les suivants :

1- Le Conseil militaire, au cours de la période de transition qui suit la révolution de janvier 2011, promulgue une loi édictant un salaire maximum de 35 fois supérieur au salaire minimum, primes incluses. Chaque institution précise ses exceptions.

2- Le Conseil consultatif (Sénat) sous le président Morsi présente un autre modèle plus flexible. Le salaire maximum représente 35 fois le salaire minimum, et chaque institution précise ses exceptions. Toutefois, les banques, l’armée, la police, les juges, le secteur pétrolier, l’Organisme du Canal de Suez, Arab Contractors et enfin les entreprises du secteur des affaires publiques sont exclus de ce texte.

3- Le dernier modèle présenté par le cabinet Beblawy, applique le 2e modèle. Avec une différence : le salaire maximum est fixé à 42 000 L.E., quel que soit le salaire minimum.

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