Un surplus de liquidités en devises étrangères contribuera à la stabilisation du taux de change.
La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a décidé de prioriser sa bataille contre l’inflation en revenant à des politiques de resserrement monétaire. Une mesure saluée par Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI), qui a déclaré que « l’Egypte a pris la sage décision de cibler l’inflation ». Cette déclaration est intervenue après la décision du comité des politiques monétaires de la BCE, le 1er février 2024, d’augmenter les taux d’intérêt directeurs de 2 %, soit de 200 points, pour les situer à 21,25 % sur les dépôts et 22,25 % sur les crédits. Cette hausse amène le total des augmentations à 5 %, soit 500 points, depuis mars 2023 et à 13 %, soit 1300 points, depuis mars 2022.
Les analystes étaient divisés avant la décision de la BCE. La plupart d’entre eux prévoyaient le maintien des taux d’intérêt qui aurait été un prélude à un assouplissement monétaire. D’autant que, juste la veille, la Banque européenne, la Fed (la Banque Centrale des Etats-Unis) et la Bank of England avaient maintenu leurs taux d’intérêt.
La décision de la BCE est, selon toute vraisemblance, une anticipation d’une inflation dont les projections futures prennent une courbe ascendante, bien qu’ayant décéléré en glissement mensuel pour atteindre 33,7 % en décembre contre 34,2 % en novembre. Cependant, elle doit atteindre 36 % dans les lectures du mois de janvier, comme l’a mentionné Sarah Saada, de la banque d’investissement CI Capital, à la chaîne d’informations Al-Arabiya Business. L’inflation frôlera les 40 % à la mi-juin, selon Hany Genena, ex-vice-gouverneur de la BCE et président du département des recherches à la banque d’investissement Cairo Financial Holding.
« Les pressions inflationnistes demeurent dominantes, continuant d’avoir un impact sur les prix et les modes de consommation. En outre, l’incertitude géopolitique et les perturbations actuelles du commerce maritime continuent d’accroître les pressions inflationnistes nationales et mondiales. Il y a des incertitudes en raison des perturbations des chaînes d’approvisionnement qui feront pression sur les prix des marchandises-clés », argumente le communiqué de la BCE. En effet, selon Ossama Rabie, président de l’Organisme du Canal de Suez, les revenus du Canal ont reculé, à cause des perturbations en mer Rouge, de 46 % en janvier en glissement annuel pour atteindre 428 millions de dollars contre 804 millions à la même période de l’année passée.
Viennent s’ajouter à ces causes étrangères des causes locales comme les récentes re-tarifications des services publics depuis l’électricité et les télécommunications jusqu’aux tarifs d’Internet et des billets du métro et des trains, en passant par la hausse antérieure des prix du carburant et des produits de base, a ajouté Saada.
Accord avec le FMI
« Cette hausse des taux d’intérêt intervient probablement avant une dévaluation de la livre égyptienne et l’annonce d’un accord élargi avec le FMI », avait déclaré, à Reuters, Monica Malek de l’Abu Dhabi Commercial Bank. Un consensus sur les éléments du programme de réforme a été atteint entre le FMI et les autorités égyptiennes, dont le resserrement monétaire et la dévaluation. Juste avant la décision de la BCE, la délégation du FMI qui se trouvait en Egypte pour trois semaines, afin de s’accorder sur les dates de la deuxième et troisième révision du programme, en retard depuis mars 2023, avait déclaré avoir « réalisé d’excellents progrès dans les négociations avec les autorités égyptiennes qui sont à leur dernière phase concernant les détails de l’application », selon Kristalina Georgieva. La mission a alors annoncé que les réunions continueraient virtuellement.
En décembre 2022, l’Egypte et le FMI ont signé un accord de prêt de 3 milliards de dollars sur quatre ans pour appliquer un programme de réforme économique. Une première tranche du crédit a été versée, mais le FMI a reporté deux revues du programme prévues en mars et septembre 2023, car les autorités égyptiennes n’avaient pas tenu plusieurs engagements-clés liés à l’amélioration des revenus, à la réduction du déficit budgétaire et à la mise en place d’un taux de change flexible.
« Pour des raisons purement économiques, les taux d’intérêt doivent être plus élevés que les taux d’inflation, raison pour laquelle la politique de resserrement se poursuivra avec une augmentation supplémentaire de 5 % ou 6 % jusqu’en juin 2024 », analyse Genena, qui prévoit qu’en février, la livre égyptienne sera dévaluée, avec un taux de change oscillant entre 37 et 40 L.E. pour un dollar. La monnaie sera stabilisée pendant six mois à un an avant de passer à un taux de change flexible pour s’approcher progressivement du marché parallèle.
Cette situation sera également soutenue par des injections de liquidités en devises étrangères qui seront prochainement injectées sur le marché. Selon Genena, « il y aura un surplus de liquidités en devises étrangères qui permettra de stabiliser prochainement les taux de change sur le marché parallèle. En parallèleme, le gouvernement accélérera la vente d’actifs ». La vente d’actifs est l’une des priorités du gouvernement pour attirer des devises. Genena a ajouté que des informations circulent sur l’achat de United Bank par des Qataris. D’ailleurs, le commissaire de l’Union Européenne (UE) en charge de l’élargissement et de la politique de voisinage, Oliver Varhelyi, a déclaré le 3 février que l’UE avait décidé d’accorder un soutien financier et économique supplémentaire au pays, sans en préciser le montant.
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