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Les nouvelles visées des industriels

Névine Kamel, Mardi, 12 novembre 2013

Avec un secteur industriel en berne en Egypte depuis deux ans, les investisseurs visent le commerce de détail. La nouvelle formule est la location des grands magasins publics par des groupes privés dans l'optique d'un « partenariat gagnant-gagnant ». Explications.

Les nouvelles visees
A l'abri de la concurrence étrangère, Al-Amin vise les quartiers populaires.(Photo: Medhat Akef)

Discrète, une vague de privatisation touche actuellement l’Egypte avec les frères Helal, propriétaires de la chaîne Al-Helal wal Negma pour les produits plastiques, qui en sont les pionniers.

Ils ont ainsi décidé d’entrer en partenariat avec le gouvernement en louant 5 branches des maga­sins Benzion, anciens temples nationaux de la consommation, qui traversent des jours diffi­ciles. La première inauguration a eu lieu la semaine dernière. Sednaoui, Hanneaux, Benzion étaient perçus comme des équivalents des Galeries Lafayette de Paris, à l’époque de la monarchie égyptienne. Nationalisés dans les années 1960, ces grands magasins ont peu à peu perdu de leur prestige alors que l’économie de marché se mettait en place.

Victimes d’une mauvaise gestion prolon­gée, leurs pertes se sont accumulées et aujourd’hui ces enseignes sont devenues un lourd fardeau pour le gouvernement qui a vaine­ment essayé de s’en débarrasser. Les partenariats avec des groupes privés sem­blent actuellement plus en vogue pour le gouver­nement. « Le ministère a lancé, il y a quelques années, une initiative visant à louer les branches déficitaires de ces magasins publics. Depuis la révolution de 2011, les industriels manifestent leur intérêt. Ils cherchent à réaliser des profits dans le secteur commercial car le secteur indus­triel est paralysé », estime le ministre de l’Inves­tissement, Ossama Saleh.

Ces deux dernières années, la croissance du secteur industriel a été d’environ 2 % contre 5 % avant la révolution. Le gouvernement utilisera de son côté les loyers perçus pour restructurer et moderniser les autres branches toujours sous sa tutelle. « C’est un partenariat gagnant-gagnant », ajoute Saleh, lors de l’inauguration de la première branche de la chaîne Al-Amin la semaine dernière.

Cette entreprise familiale non cotée en Bourse est dotée d’un capital dépassant les 750 millions de L.E. Elle garde, même en temps de crise, des profits normaux. « Avec Al-Amin, il s’agit de maximiser nos gains par un marketing facilité de nos produits. Les chaînes étrangères posent des conditions injustes qui nous coûtent cher pour vendre nos produits. Maintenant, nous aurons nos propres chaînes et pourrons mieux diffuser nos produits », révèle Khaled Helal.

Les frères Helal, propriétaires d’Al-Amin, ont décidé de s’introduire dans le commerce de détail, via ces anciens temples de la consomma­tion, pour compenser leurs pertes. « Nos ventes ont baissé ces deux dernières années à cause de la récession qui frappe le pays. Le commerce de détail est le plus actif en ce moment. Et dans ces centres de la consommation, les profits sont garantis », explique Khaled Helal, l’aîné. Pour leurs nouveaux projets, les Helal ont créé une société — Plasto Home — dépendant d’Al-Helal wal Negma, dont le capital libéré est de 300 millions de L.E.

Un accord de partenariat avec l’entreprise publique Al-Azyae Al-Hadissa (habits modernes), qui chapeaute Sednaoui et Benzion, a été signé pour louer 5 branches de Benzion et les transformer en chaîne commer­ciale. « Nous les avons choisies parmi 60 actifs largement déficitaires », ajoute-t-il en signalant qu’elles se situent dans des banlieues déshéritées comme Manchiya en Alexandrie, et Matariya, à Guiza, Serag ou Choubra au Caire.

La première filiale située à Guiza a été inaugurée la semaine dernière. Les nouveaux locataires ont dépensé 30 millions de L.E. pour sa rénovation, l’achat des produits et le versement des salaires. Selon l’accord de partenariat, Plasto Home loue ce magasin pendant 5 ans pour un loyer mensuel de 235 000 L.E., qui augmentera pro­portionnellement à la hausse du loyer de 10 % en fin de contrat, mais « nous demandons au ministère de l’Investissement d’étendre le contrat pour une période de 10 ans afin que nous puissions couvrir nos investissements », précise Khaled Helal, président du conseil d’ad­ministration de Plasto Home.

Selon l’accord, l’investisseur doit conserver les employés, et les filiales restent dépendantes du ministère. En cas de non-paiement de loyer, le contrat sera annulé, mais en revanche Plasto Home jouit du droit de gestion, comme l’ex­plique Noureddine Baker, président du conseil d’administration de l’entreprise Al-Azyae Al-Hadissa. Il explique : « Au lieu de garder ces filiales déficitaires, nous profiterons du loyer pour la restructuration des autres branches. De nombreuses sociétés ont décidé récemment de s’introduire dans le domaine », dit-il en men­tionnant deux autres offres en cours de conclu­sion sans pour autant avancer plus de détails.

Expansion satisfaisante

Avec des noms comme Carrefour, Spinneys, Hyper One, Abou Zekri, les chaînes commer­ciales ont connu une expansion satisfaisante en Egypte ces 5 dernières années. « Le marché égyptien est un terrain fertile dans ce domaine avec une population d’environ 90 millions de citoyens. Le taux de croissance est relative­ment bon. Et la consommation en Egypte est élevée même en temps de crise », indique Hervé Majidier, président de Carrefour Egypte et Moyen-Orient.

A noter que Carrefour lui-même était inté­ressé par un partenariat avec la chaîne publique Omar Effendi. Il s’agissait de louer quelques mètres carrés de certaines branches, mais les difficultés apparues entre le gouvernement et l’entreprise saoudienne qui avait acheté Omar Effendi ont annulé la transaction.

La privatisation des entreprises publiques telles que Omar Effendi, Hanneaux, Sednaoui et Benzion a aussi longuement fait débat. La transaction Omar Effendi-Anwal en est la preuve. Cette entreprise saoudienne s’était emparée de 90 % de Omar Effendi en janvier 2007, pour un prix sous-évalué de 583,2 mil­lions de L.E.

Après une longue bataille, la justice a annulé la transaction et ordonné le retour de l’entreprise dans le giron gouverne­mental.C’est ainsi que le ministère de l’Investisse­ment a décidé de ne pas sacrifier les actifs de ces chaînes de commerce historiques. Mettre en location leurs branches et utiliser les loyers pour une modernisation semblent être une meilleure solution. « Louer les branches est une bonne solution. Cela préservera les actifs du pays et en même temps fournira des recettes conséquentes au gouvernement », affirme Yéhia Abdel-Hadi, coordinateur général du mouvement « Non à la vente de l’Egypte ».

Les chaînes commerciales étrangères opè­rent en ce moment une expansion réussie de leurs activités en Egypte. 14 nouvelles branches de Carrefour ouvriront d’ici 2015. Spinneys, lui aussi, vise deux nouvelles inau­gurations en 2014. La compétition est donc soutenue. C’est ainsi que la nouvelle chaîne commerciale, Al-Amin, tente de nouvelles implantations pour s’emparer d’une part res­pectable du marché. « Nous visons les classes B et C de la société égyptienne, pas la classe A. Toutes nos chaînes se situeront dans les ban­lieues peu riches d’Egypte. Matariya, Choubra, Manchiya en Alexandrie, etc. », explique Walid Helal, le benjamin, et directeur général de Plasto Home. Il annonce l’inauguration de 12 branches d’ici début 2014 « avec un taux de profit inférieur à 10 %, nous visons 30 % du marché », conclut-il .

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