Les demandes sociales persistent en Tunisie où le taux de chômage s'élève à 15 %.(Photo:Reuters)
Même si le dialogue national aboutit à un consensus, il semble difficile d’imaginer pour l’heure une reprise de l’économie tunisienne. Nombre d’experts économiques réunis lors d’un séminaire de politiques sur la performance de l’économie tunisienne estiment que plusieurs autres facteurs sont essentiels à tout début de redressement. Un calendrier politique clair, le retour de la sécurité et un plan de réforme économique et fiscale doivent intervenir au plus vite.
« Ça serait une grande réussite si le dialogue national apportait un accord ferme sur les priorités des réformes politiques. Mais je ne suis pas très optimiste car les partis concernés pensent que les réformes proposées sont dictées par le FMI », avance Moez Labidi, professeur à l’Université de Monastir en Tunisie.
Le dialogue national lancé le 26 octobre après une longue période de stagnation vise à former un gouvernement d’indépendants pour résoudre une crise politique qui paralyse le pays depuis l’assassinat fin juillet de l’opposant Mohamed Brahmi.
Mais pour les politiciens, la priorité n’est pas aux réformes radicales. Seule une forte assise populaire leur permettrait de mettre en place une longue série de mesures destinées à redresser progressivement l’économie.
« Un parti politique, en période transitoire, a tout intérêt à maintenir le statu quo et à reporter les réformes s’il est réélu, ou à les laisser à son successeur. Le statu quo est l’option préférée de tous », souligne Sonia Naccache, professeur à l’Université de Tunis (voir entretien).
Mais tout le problème central semble résider dans l’absence de vision économique des politiciens. Une fois au pouvoir, ils adoptent des politiques à court terme reposant sur un agenda politique caractérisé par la prudence et une méfiance accrue des mouvements de contestation.
5 gouvernements n’ont pas réussi à relancer l’économie depuis la révolution. Le gouverneur de la Banque Centrale a, pour la troisième fois, revu à la baisse le taux de croissance de 2013 : moins de 3 % contre des prévisions préalables de 4,5 %, 4 % puis 3,6 %.
La baisse des taux de croissance aura une influence sur le budget 2013 notamment à travers une baisse des revenus fiscaux et une hausse du déficit. Ce dernier a également été revu à la hausse alors que le taux de chômage est proche de 15 %.
L’endettement extérieur coûte aussi de plus en plus cher au pays car les agences de notation internationales ne cessent de dégrader la note du pays. La semaine dernière, Fitch a dégradé à long terme la note de la Tunisie, de BB+ à BB-. « La transition politique a encore été retardée et les incertitudes en ce qui concerne la réussite du processus sont grandissantes », a souligné l’agence en référence au dialogue national. Fitch a aussi exprimé son inquiétude vis-à-vis des attentats et des assassinats qui ont récemment eu lieu dans le pays.
L’agence a mis l’accent sur la dette extérieure en nette hausse, des réserves internationales sous pression et un début de dépréciation du dinar.
Distribution des richesses
Pourtant, le défi essentiel auquel sont confrontés les dirigeants, que ce soit en Tunisie ou en Egypte, reste la mise en oeuvre de politiques économiques plus justes permettant une meilleure distribution des richesses et profitant à tous. C’est ce que souligne Eberhard Kienle, directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) de Paris.
Selon le chercheur, l’idée serait d’adopter des réformes permettant à l’économie de se redresser tout en prenant en considération l’aspect social. « On a besoin d’un choc de confiance. Lorsqu’on est au lendemain d’un changement important, la réussite réside dans la capacité à créer un choc positif pour que le citoyen accepte de céder son bien-être direct pour des gains sur le long terme », estime aussi Moez Labidi de l’Université de Tunis.
Mais il estime que ce choc de confiance est fortement compromis par manque notoire de compétence des politiciens et par un tsunami de nominations politiques sans effet. « On se retrouve dans la même logique de réforme d’avant la révolution », regrette-t-il.
« Les politiques économiques et sociales après les révolutions en Egypte et en Tunisie n’ont pas respecté les demandes de la population qui ont mené au soulèvement social, estime aussi Eberhard Kienle du CNRS. C’est pourquoi il n’est pas impossible de voir plus de protestations se tenir dans le futur ».
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