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Egypte : les taxes sur les engrais et les subventions s’affrontent

Névine Kamel, Mardi, 29 octobre 2013

Le Conseil des ministres a décidé d’imposer une taxe de 400 L.E. sur les exportations d’engrais. Une décision qui mécontente les usines privées qui bénéficient pourtant de larges subventions à l’énergie.

Taxes
La nouvelle taxe va entraîner une hausse des prix des engrais.

Le conseil des ministres a décidé la semaine dernière d’imposer une taxe sur les exportations d’engrais de 400 L.E. par tonne. La décision mécontente les usines d’engrais privées qui ont déposé une plainte auprès du ministère du Commerce et de l’Industrie.

« C’est une décision incompréhensible, surtout que les entreprises viennent de se mettre d’accord avec le ministre de l’Agriculture pour répondre aux besoins du marché local », regrette Ahmad Hagras, membre du conseil d’exportation des engrais relevant de l’Union des industries. Selon lui, « les entreprises ont prouvé leur bonne foi mais le gouvernement veut leur faire payer la facture de la crise ».

L’Etat subventionne le gaz naturel qui entre dans la fabrication des engrais. Il interdit aux entreprises de vendre les engrais à plus de 1 400 L.E. la tonne et leur demande d’écouler leur production sur le marché local. Mais pour réaliser plus de profits, celles-ci préfèrent exporter.

Les 4 entreprises privées concernées par la décision, à savoir Alexandrie, Mobco, Hélouan et la société égyptienne, rejettent la décision du gouvernement. « Le gouvernement aurait dû prendre en considération plusieurs réalités. D’abord, depuis la révolution du 25 janvier et surtout au cours des derniers mois, il y a une pénurie de gaz naturel. Les quantités dont nous disposons ont été réduites de moitié. Nous travaillons à 5 % de nos capacités. Nous avons des engagements à l’exportation. Comment, en plus, peut-on répondre aux besoins du marché local ? », avance Adel Al-Danaf, PDG de l’entreprise Hélouan pour la production des engrais.

Selon lui, une telle décision fera perdre aux entreprises 120 L.E. par tonne. Le gouvernement égyptien avait réduit en été de 20 % à 30 % les quantités de gaz naturel allouées aux usines, surtout celles fortement consommatrices d’énergie. Il a promis un retour aux quantités normales au début de l’hiver. « Nous nous sommes engagés à fournir les quotas de gaz complets à ces entreprises afin de pouvoir remplir les besoins du marché local », confie à l’Hebdo le ministre du Commerce et de l’Industrie, Mounir Fakhri Abdel-Nour.

Selon le ministre, « Les 4 entreprises d’engrais de la zone franche se sont engagées à fournir 60 000 tonnes par mois au marché local, alors que le total de leur production mensuelle est de 300 000 de tonnes. La décision d’imposer une taxe est équitable et ne concerne que les entreprises qui ne respectent pas l’accord. Franchement, je ne vois pas pourquoi ces entreprises s’inquiètent. Il faut donner la priorité aux besoins du marché local surtout que ces besoins sont nettement inférieurs à la production ».

L’Egypte produit en effet chaque année 5,7 millions de tonnes d’engrais alors qu’elle en consomme 8 millions. Pour combler le déficit, le gouvernement demande aux entreprises privées de la zone franche, dont la production est destinée à l’exportation, d’écouler sur le marché local une petite partie de leur production.

Gaz, la pénurie en cause

La pénurie de gaz naturel est au coeur du problème. Comme le note un responsable du ministère du Commerce et de l’Industrie qui a préféré garder l’anonymat, le gouvernement a longuement discuté avec les entreprises de la libéralisation des prix du gaz. Il a proposé une nouvelle équation liant le prix du gaz au prix de l’urée. Mais les entreprises ont refusé cette proposition, ce qui a renvoyé aux calendes grecques l’application du plan de libéralisation des prix de l’énergie pour les usines.

La décision d’imposer une taxe est un rappel à l’ordre destiné aux entreprises, surtout que celles-ci réalisent des profits importants et consomment beaucoup de gaz naturel, subventionné par l’Etat. Elles achetaient jusqu’à l’année dernière le m3 de gaz naturel à 0, 75 dollar.

Mais en juillet dernier, le prix du m3 est passé à 4 dollars. Le prix international varie entre 7 et 13 dollars. A noter que le secteur des engrais consomme environ 28 % du gaz naturel consacré à l’industrie, soit 5 milliards de m3 par an, selon une étude effectuée par l’Union des industries pour l’année 2011-2012.

« Les entreprises ont accepté une hausse des prix du gaz, bien que l’accord conclu avec le gouvernement lui dicte un prix fixe pendant 25 ans », avance Hagras, en révélant que le prix du gaz passera de 4 à 6 dollars en juillet prochain et atteindra 12 dollars dans quelques années.

Si la production des entreprises de la zone est destinée uniquement à l’exportation, le gouvernement s’est mis d’accord avec ces entreprises pour qu’elles consacrent une partie de leur production au marché local avec un prix fixé à 1 400 L.E. Le prix de la tonne à l’étranger dépasse les 2 000 L.E. Un écart qui a toujours poussé les entreprises et les commerçants à assoiffer le marché en exportant la grande majorité de la production.

Désormais, les entreprises réclament la libéralisation des prix des engrais, ce que le gouvernement refuse étant donné que le gaz est toujours subventionné. Et en fin de compte, ce sont les paysans qui payent le prix de cette guerre.

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