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Les banques réorganisent l’usage des devises

Marwa Hussein , Mercredi, 12 octobre 2022

Dans le but de conserver et d’attirer les devises étrangères, des banques égyptiennes ont imposé des limites sur l’usage des cartes bancaires à l’étranger et levé les taux d’intérêt sur les certificats de dépôt en dollars.

Les banques réorganisent l’usage des devises
Les deux plus grandes banques du pays ont plus que doublé le taux d’intérêt qu’elles offrent sur les certificats de dépôt en dollars.

Plusieurs banques égyptiennes ont fixé des limites de retrait à l’étranger aux cartes de dé­bit et de crédit. Les premières annonces ont été faites le 5 octobre. D’autres ont suivi. Jusqu’au 9 octobre, au moins cinq grandes banques ont imposé des limites à l’utilisation des devises, soit sous forme d’achat ou de retrait en espèces des guichets automatiques. Il s’agit de la CIB, HSBC Egypt, la banque publique Misr et la branche locale du prê­teur émirati FAB et, finalement, la Banque nationale d’Egypte, la plus grande banque commerciale du pays. Selon la newslet­ter économique Enterprise, les experts estiment que la décision vise à conserver les devises étrangères. D’autres banques pourraient suivre. « Les analystes nous disent que cette décision est probable­ment conçue pour conserver les actifs de change des banques », souligne Enter­prise. La limite maximale d’utilisation de la carte en devises étrangères pendant 30 jours correspond à la limite de crédit de la carte bancaire, sachant que les 30 jours seront calculés à partir de la première transaction d’achat en devises étrangères. Les limites varient d’une banque à l’autre. Pour la banque Misr par exemple, les li­mites d’utilisation à l’étranger des cartes de crédit varient entre 500 et 1500 dol­lars, selon le type de la carte. Quant aux limites mensuelles imposées sur les cartes de débit par la même banque, elles varient entre 1000 et 25000 dollars selon le type de la carte pour les achats et entre 500 et 1500 dollars pour le retrait d’espèces des guichets automatiques. HSBC, pour sa part, a fixé une limite mensuelle de re­trait en espèces de 5000 dollars pour les cartes de débit et de crédit, sans, jusqu’à présent, imposer de limites sur les achats à l’étranger.

Mohamed El-Etreby, directeur de la banque Misr, a dit dans des déclarations télévisées que les banques avaient réduit les limites de retrait hors d’Egypte pour faire face à l’utilisation abusive des cartes à l’étranger, ce qui affecte négativement nos ressources en dollars. La newsletter économique la plus lue en Egypte, Enter­prise, souligne que la décision intervient dans un contexte où la position extérieure nette des engagements du système ban­caire égyptien a atteint un niveau record de 20 milliards de dollars la semaine dernière, selon des données de la Banque Centrale d’Egypte (BCE). « Ce chiffre comprend à la fois les banques commerciales et la BCE. La position extérieure nette débi­trice des banques égyptiennes s’est élargie collectivement à 12 milliards de dollars. Parallèlement, la position extérieure nette des engagements de la BCE s’est amélio­rée de plus de 1 milliard de dollars à 8 mil­liards de dollars grâce, selon les analystes, aux acquisitions d’actifs appartenant à l’Etat par le Fonds souverain saoudien », analyse Enterprise, qui écarte la possibilité que la décision soit une action centralisée pour réprimer le marché noir. « Bien qu’il soit récemment devenu un jeu de société populaire au Caire de discuter du taux du marché noir pour le billet vert, la taille et les liquidités de ce marché sont incontes­tablement l’ombre de ce qu’elles étaient en 2015-2016 », assure Enterprise, souli­gnant que les limites de dépôt en espèces et la répression exercée pendant des années par la BCE contre les abus des bureaux de change ont effectivement étouffé le mar­ché noir. « Même si vous pouvez vous pro­curer des dollars américains dans la rue, il est extrêmement difficile de les faire entrer dans le système bancaire formel, et encore moins de les utiliser pour couvrir les im­portations. Si les nouvelles restrictions concernaient le marché noir, la BCE les aurait imposées à l’échelle du système », renchérit Enterprise.

Attirer des dollars

Entre-temps, les deux plus grandes banques du pays, la Banque nationale d’Egypte et la banque Misr, toutes deux publiques, ont plus que doublé le taux d’intérêt qu’elles offrent sur les certificats de dépôt en dollars. Les deux banques of­frent désormais 5,30% sur les certificats de dépôt de trois ans d’échéance et 5,15 % sur les dépôts de cinq ans, contre 2,15 à 2,25% auparavant. « Cette décision est conçue pour attirer dans le système ban­caire toutes liquidités en dollars actuelle­ment entassées sous des matelas ou dans des pots de farine », explique Enterprise. Le taux de change de la livre continue de baisser quotidiennement de quelques piastres par rapport au dollar, pour appro­cher la barrière de 20 L.E./dollar, contre 15 L.E./dollar il y a quelques mois, perdant environ 25% de sa valeur depuis le mois de mars. Mohamed El-Etreby affirme que cette mesure est en accord avec les taux d’intérêt internationaux sur la devise amé­ricaine après son relèvement par la Réserve fédérale à plusieurs reprises. « La hausse des rendements sur les dépôts en dollars par les deux banques, qui représentent les armes de la BCE dans le secteur bancaire, permettra de collecter les billets verts en dehors du système bancaire et d’augmen­ter les dépôts en dollars auprès des deux banques, ce qui leur permettra de réduire le phénomène de la dollarisation et de limiter la spéculation sur le dollar », dé­taille Amr Al-Alfy, économiste en chef au­près de Prime Holding. El-Etreby s’attend à une forte demande sur les certificats en dollars, en particulier de l’extérieur du sys­tème bancaire, soulignant qu’il existe des liquidités en dollars avec les citoyens, mais qu’ils ont préféré les garder en leur posses­sion en raison des faibles taux d’intérêt sur l’épargne en dollars.

Le mois dernier, la BCE a assoupli les règles d’allocation de devises étrangères pour les importations après plusieurs mois d’introduction de règles ayant li­mité les importations. Les décisions ré­cemment prises sont destinées à répondre à la demande de devises dans un contexte de crise économique mondiale et d’in­flation importée faisant pression sur le taux de change de la monnaie locale. Le gouvernement est en négociation avec le Fonds Monétaire International (FMI) depuis mars pour finaliser un accord de financement à la suite des chocs écono­miques provoqués par la guerre russe en Ukraine et la hausse des taux d’intérêt dans les économies avancées. La direc­trice générale du FMI, Kristalina Geor­gieva, a déclaré à Reuters lors d’une vi­site à Riyad, début octobre, que le FMI devrait parvenir à des accords au niveau du personnel sur les prêts à l’Egypte et à la Tunisie « dans des jours ou des se­maines. Il est difficile à prévoir, mais ce sera très bientôt ».

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