L’appréciation de la livre égyptienne face aux autres devises tient à des facteurs économiques globaux.
Au moment où la livre égyptienne est en dépréciation face au dollar, elle s’apprécie face à d’autres devises comme l’euro, la livre sterling et le yen japonais. La semaine dernière, la livre a enregistré ses niveaux les plus bas contre le billet vert et la tendance se poursuit cette semaine. En total, la livre égyptienne a perdu plus de 24 % de sa valeur contre le dollar depuis mars dernier, pour s’échanger aujourd’hui à 19,55 L.E. le dollar, selon un communiqué de la Banque Centrale d’Egypte. Simultanément, la livre sterling a perdu de sa valeur face à la livre, alors que l’euro et le yen se sont dépréciés de 7 % et de 13% respectivement. Cette appréciation de la livre égyptienne reflète une tendance internationale. « La livre sterling et l’euro sont à leurs plus bas niveaux historiques face au dollar et, par conséquent, face à toutes les autres devises », explique Hussein Soliman, macro-analyste auprès du Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « Il s’agit d’un marché de Forex (opération d’échanges de devises) qui change d’une minute à l’autre en fonction de plusieurs considérations globales et locales », poursuit-il.
La dévaluation actuelle de la livre égyptienne se fait de façon graduelle. Le 21 mars, la livre avait perdu 19% de sa valeur contre le dollar. La Banque Centrale a alors entamé une dévaluation progressive pendant les cinq mois qui ont suivi, et la livre a perdu presque 5 %. Le nouveau gouverneur, Hassan Abdallah, a soutenu la même politique monétaire et a laissé la livre glisser légèrement contre le dollar, pour passer en un mois de 19,18 à 19,44, soit une dépréciation de 1,36 %.
Cette dévaluation de la livre égyptienne face au dollar tient à la hausse de la valeur du billet vert à l’échelle mondiale, due aux politiques de resserrement monétaire de la Réserve fédérale américaine, dans le but de contrer l’effet inflationniste résultant de la double crise financière engendrée par la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine. Cette dernière a entraîné la hausse des prix de plusieurs produits, la perturbation du mouvement du commerce et des frets, le recul des revenus du pays provenant du tourisme et la fuite des investissements des portefeuilles financiers (hot money) de la plupart des marchés émergents. « D’autres considérations sont d’ordre interne. La valeur de la livre égyptienne a toujours été calculée en fonction du dollar et puisque le pays est en pénurie du billet vert, il est tout à fait normal que le taux de change de la livre baisse face au dollar », explique Mona Bédeir, experte indépendante.
Elle explique que la dépréciation des autres devises étrangères tient à d’autres considérations : « Les perturbations géopolitiques ont négativement impacté les perspectives de la zone euro. Quant à la livre sterling, le paquet de stimulation financière annoncé par la nouvelle première ministre britannique, Liz Truss, et dont les perspectives demeurent incertaines, suscite beaucoup de tollé en Grande-Bretagne. La faiblesse du yen et du yuan chinois tient à la politique monétaire expansionniste du Japon et de la Chine, consistant à baisser les taux d’intérêt, à l’encontre du monde entier ». Selon Hussein Soliman, l’impact de la guerre en Ukraine était plus fort sur ces économies que sur les Etats-Unis. « Malgré l’inflation globale, la situation aux Etats-Unis est meilleure grâce à la sécurité énergétique, qui est un calvaire actuellement pour les autres pays en question », ajoute-t-il.
Deux scénarios
Alors que les experts s’attendent à la poursuite de la dépréciation de la livre face au dollar, ils divergent sur l’allure de la dévaluation. Certains estiment que la Banque Centrale continuera sa dépréciation graduelle qui, avec les pressions inflationnistes locales et globales et les perspectives en recul de la croissance mondiale en 2023, mènerait le taux de change à 22 L.E. face au dollar. Ils considèrent que la pression sur le dollar à cause de l’augmentation de la demande, accompagnée d’une hausse de la consommation mondiale, pourrait pousser le taux de change à 24 L.E, mais que la monnaie nationale reprendra rapidement une courbe descendante pour se situer autour de 22 L.E.
Soliman ne partage pas le même avis et estime qu’un flottement libre amènerait le dollar entre 22 et 24 L.E. Mais pour lui, la question principale est de savoir si la Banque Centrale optera à une dépréciation graduelle ou d’un seul coup. « Tout dépend des négociations avec le Fonds Monétaire International (FMI) qui insiste sur la libéralisation du taux de change pour alléger les pressions sur les réserves en devises étrangères », estime l’expert.
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