Les mesures d’implication du secteur privé dans la vie économique s’accélèrent. Les grandes lignes du plan de privatisation des entreprises publiques ont été révélées par le premier ministre, Moustapha Madbouli, et une coordination est mise en place entre les différentes instances étatiques concernées par le dossier: le gouvernement, les ministères concernés et le Fonds souverain d’Egypte. Lors d’une réunion du cabinet ministériel la semaine dernière, le premier ministre a donné ses instructions au ministre des Finances, Mohamad Maeit, de réactualiser son plan de privatisation des entreprises publiques dans des secteurs-clés, et ce, dans le cadre de l’agenda économique du président Abdel-Fattah Al-Sissi qui vise à autonomiser le secteur privé au lendemain de la double crise du Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Objectif : promouvoir sa contribution dans l’économie de 30% actuellement à 65%. La participation du secteur privé dans des actifs publics a été fixée à 10 milliards de dollars annuellement pendant une période de 4 ans, soit 40 milliards de dollars au total.
Le ministre du Secteur public des entreprises, Hesham Tawfik, a expliqué, au cours des réunions de la Banque Islamique de Développement (BID) tenues récemment à Charm Al-Cheikh, les formes que prendrait la privatisation des entreprises publiques, parmi lesquelles le partage des bénéfices, les partenariats de production et de gestion, ainsi qu’une participation au capital. Ainsi, l’image commence à s’éclaircir progressivement : le modèle de la privatisation sera une combinaison entre la vente des entreprises et des Introductions limitées en Bourse ou IPO (voir encadré). Mais, vu les circonstances financières et économiques, la priorité sera accordée à la vente totale ou partielle des entreprises. Selon le site électronique d’informations économiques Enterprise, le gouvernement veut vendre des parts dans 10 entreprises publiques et 2 compagnies militaires. Il a signalé que la porte est ouverte à la vente partielle ou totale des parts et des IPO dépendant des conditions du marché et de l’intérêt des investisseurs.
Ayman Soliman, président du Fonds souverain d’Egypte, a été plus précis et a déclaré que le gouvernement choisira des ventes privées à des investisseurs stratégiques au lieu de recourir à la Bourse. Il a expliqué que cela est à cause de la volatilité des marchés des capitaux cette année. « Nous vivons dans une spirale de hausse des prix des produits de base et de hausse des taux d’intérêt. Ceci a impacté les indices boursiers, avec l’indice principal EGX 30 qui a perdu plus de 17% depuis le début de l’année », a-t-il dit.
Les ventes à des investisseurs stratégiques est la meilleure des options actuellement à cause du marasme de la Bourse et de la dévaluation des entreprises qui y sont cotées à l’heure actuelle, explique Ahmed Bayoumi, analyste financier au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques. « Pour attirer les capitaux privés, il n’y a que deux voies. La première est qu’un investisseur établisse une entreprise. Ou bien qu’il investisse dans une entité déjà établie, qui détient des actifs et qui génère des profits. Ce deuxième choix réduit visiblement les risques. Pour réduire l’impact sur les employés, le gouvernement peut négocier ses conditions avant la vente », explique-t-il.
Trois niveaux de présence étatique
Le premier ministre a donné ses instructions à la ministre de la Planification et du Développement économique, Hala Al-Saïd, pour dresser une liste des actifs desquels le gouvernement veut se retirer totalement et une autre des actifs où l’Etat sera présent avec le secteur privé local ou des investisseurs étrangers.
Le plan détermine trois niveaux de présence de l’Etat dans les activités économiques. Il définit ainsi les secteurs où il se retirera complètement, partiellement et ceux où il restera propriétaire. Quant aux critères qui déterminent les actifs détenus par l’Etat, ils sont nombreux, comme le rapport de la marchandise avec la sécurité nationale et les besoins quotidiens du citoyen, la neutralité concurrentielle entre les investissements publics et privés, le niveau de rentabilité des actifs de l’Etat et les secteurs dont le marché est saturé et qui n’ont pas besoin du soutien de l’Etat. Le gouvernement a déjà identifié 9 milliards de dollars d’actifs financièrement accessibles et prévoit 15 milliards de dollars d’actifs supplémentaires à céder.
Le site d’informations électroniques Enterprise a pu identifier les secteurs et les degrés d’intervention de l’Etat. Ce dernier se retirera totalement de 79 industries dans 3 ans. Cela inclut le secteur automobile, quelques industries manufacturières comme l’ameublement, les appareils électriques, le cuir et le verre, les engrais et la production agricole. Selon Tawfik, pour quelques industries de ce groupe, comme la restauration, le gouvernement a l’intention de remettre la gestion au secteur privé, mais gardera sa détention des actifs.
Le gouvernement se retirera graduellement, mais partiellement dans 3 ans, de 45 secteurs. Il s’agit des industries lourdes, comme le ciment, le fer et l’aluminium, les cigarettes et la viande. Cette catégorie implique également quelques projets d’infrastructure énergétique, comme les raffineries pétrolières, les projets de l’énergie renouvelable et des eaux usées et ceux de dessalement de l’eau de mer.
18 industries high-tech stratégiques feront l’objet d’une Participation Public-Privé (PPP), comme l’intelligence artificielle, la cybersécurité, le stockage énergétique et le transfert vers le numérique. Dans une PPP, le gouvernement conserve la propriété, sauf en cas d’arrangements contractuels Construire-posséder-et-exploiter (Build-Own-and-Operate) et Réhabiliter-posséder-et-opérer (Rehabilitate-Own-and-Operate). « Pour les projets qui assurent des services de biens publics, ils seront gérés selon la formule de la PPP dans les domaines de la santé, les industries phamaceutiques et de l’éducation, les réseaux de transport et la vente en gros, entre autres. Pour ce genre de projets, il faut que la propriété soit détenue par le gouvernement », explique Bayoumi.
Selon Mahmoud Gamal El-Din, investisseur et homme d’affaires, le gouvernement propose une feuille de route claire, ce qui n’était pas le cas auparavant. « Mais, l’investisseur a besoin de deux choses: un investissement d’affaires plus transparent et un mécanisme de sortie efficace. Il faut moins de bureaucratie et des facilités dans la délivrance des licences. Des réformes plus élargies sont requises comme les droits d’arbitrage, de propriété, de lutte contre la corruption, la garantie de la compétition libre entre le secteur privé et entre les secteurs privé et public », affirme-t-il.
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