La destitution de Morsi aura-t-elle des répercussions sur les relations économiques entre les deux pays ?.Photo: Ap
Les hommes d’affaires égyptiens qui travaillent avec la Turquie sont inquiets. En effet, depuis quelques semaines, la tension est à son comble entre Le Caire et Ankara à cause de la destitution du président islamiste Mohamad Morsi. Pour le moment, les relations économiques ne sont pas touchées, grâce notamment à un puissant lobby d’investisseurs.
En fait, le gouvernement turc avait soutenu les Frères musulmans dès la révolution du 25 janvier 2011. Le gouvernement égyptien intérimaire, qui a besoin d’investissement et de croissance, ne veut certainement pas perdre de partenaire régional du poids de la Turquie. Le premier ministre, Hazem Al-Beblawi, a rejeté tout appel à la rupture. De plus, les déclarations du nouveau ministre du Commerce et de l’Industrie, Mounir Fakhri Abdel-Nour, vont dans le même sens. « Les relations économiques et commerciales entre l’Egypte et la Turquie remontent à la période d’avant-la révolution du 25 janvier 2011. Plus de 90 % des investissements turcs sont entrés en Egypte avant la révolution, un fait qui écarte l’idée que ces investissements sont dus au rapprochement entre le gouvernement turc et le Parti Liberté et justice qui était au pouvoir pendant un an », a déclaré Abdel-Nour. L’Association des hommes d’affaires égypto-turcs exerce des pressions pour empêcher toute rupture des relations économiques. L’association, qui regroupe plus de 300 sociétés, appelle à la séparation entre la politique et l’économie. Son président, l’homme d’affaires turc Zaki Akengy, a publié un communiqué, le 8 septembre, appelant au maintien des investissements turcs en Egypte.
« Tous les accords conclus entre l’Egypte et la Turquie sont valables, dont le plus important est celui de la zone de libre-échange entre les deux pays rentrée en vigueur en 2007 dernier », affirme le communiqué. Et d’ajouter que l’association reçoit des demandes d’investisseurs turcs qui veulent venir investir en Egypte. Le ministère égyptien de l’Investissement s’est abstenu de commenter l’impact des tensions politiques sur l’investissement turc en Egypte. Le ministère avait annoncé, début septembre, le gel d’un accord d’échanges simultanés d’actions entre les deux Bourses, égyptienne et turque, en raison de « difficultés techniques » (voir encadré).
Les investissements turcs en Egypte sont évalués à plus de 1,5 milliard de dollars investis par 350 sociétés qui emploient 51 000 employés égyptiens. Il s’agit majoritairement d’investissements privés. Ces investissements se trouvent principalement dans les secteurs du prêt-à-porter et de l’ameublement ainsi que dans le secteur industriel.
« Le gouvernement égyptien ne peut pas risquer la fermeture de plus de 350 sociétés, car il faut prendre en considération l’intérêt des dizaines de milliers d’ouvriers qui seraient licenciés en cas de rupture des relations avec la Turquie », note Hussein Sabbour, PDG de l’Association des hommes d’affaires égyptiens. Il pense en revanche que les tensions actuelles entre les deux gouvernements peuvent mener au gel de quelques aides turques promises à l’Egypte. « Istanbul pourrait suspendre les accords signés sous le gouvernement Qandil, comme le prêt accordé pour soutenir la livre égyptienne, ou celui destiné à l’appui des importations égyptiennes en Turquie », précise-t-il. Ziad Gull, analyste des affaires politiques et économiques, note que la Turquie a intérêt à maintenir les relations économiques avec l’Egypte, puisque la balance commerciale lui est favorable. Les exportations turques vers l’Egypte s’élèvent à 3,6 milliards de dollars, tandis que les exportations égyptiennes vers la Turquie ne représentent que 1,7 milliard de dollars. Pourtant, « ces exportations turques, constituées de fer, de ciment, de produits pétrochimiques, de vêtements, de voitures et d’appareils électroménagers, sont d’une grande importance pour l’industrie égyptienne. Parallèlement, les exportations égyptiennes, qui incluent le sel, les matières premières, le sable et les produits pétrochimiques. La Turquie aura des difficultés à trouver ces produits dans un autre pays de la région », explique Gull. La Turquie et l’Egypte seraient donc commercialement condamnées à s’entendre .
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