
Le forum de Davos reste favorable à la mondialisation, malgré la crise.
Après deux années d’arrêt à cause du confinement imposé par la pandémie du Covid-19, le Forum économique mondial s’est tenu à Davos du 22 au 26 mai, sur fond de turbulences secouant l’économie mondiale en raison de la guerre Russie-Ukraine et de la résurgence de la pandémie. Pour Klaus Schwab, le fondateur du Forum, l’édition de 2022, intitulée « L’Histoire à un tournant décisif », « intervient au moment le plus opportun et le plus important depuis la création du Forum, il y a plus de 50 ans ». Les grandes stars comme les présidents américain ou chinois n’ont pas fait leur apparition à l’édition de cette année; à l’heure où 2500 personnalités ont participé, dont 50 chefs d’Etat et de gouvernement et des chefs d’entreprise, ainsi que des représentants d’ONG.
La guerre d’Ukraine s’est trouvée au coeur des débats. Ce qui présage un nouvel ordre mondial, selon Schwab qui a mis l’accent sur la reconstruction de l’Ukraine. Même si l’ombre de la guerre en Ukraine planait tout au long des réunions, le calendrier a témoigné de vifs débats sur les sujets économiques d’actualité, allant du changement climatique à la hausse des prix de l’énergie, les craintes d’une crise alimentaire mondiale en passant par les inégalités, le dérèglement des chaînes d’approvisionnement mondiales et les polémiques sur le Metaverse.
L’un des débats qui ont animé les sessions du forum a été l’efficacité de la mondialisation, toujours prônée par le forum, même à l’heure de la double crise de la pandémie et de la guerre en Ukraine; qui a obligé les pays du monde à recourir aux mesures protectionnistes. Il en a résulté l’intensification des inégalités et des disparités qui se sont davantage creusées entre les régions et à l’intérieur des Etats. « La mondialisation n’a pas réussi à unifier le monde face à la plus grande crise sanitaire depuis un siècle. L’interconnexion des économies mondiales n’a pas garanti la flexibilité des chaînes d’approvisionnement. A l’heure où les intérêts économiques n’ont pas pu empêcher le patron du Kremlin de s’aventurer militairement en Ukraine », a analysé le quotidien arabe Al-Charq Al-Awsat, qui paraît à Londres.
Dans un rapport publié juste avant l’ouverture du forum, Oxfam a prévu que 263 millions de personnes basculent dans l’extrême pauvreté cette année, soit un million toutes les 33 heures. L’ONG internationale martèle qu’un nouveau milliardaire est créé toutes les 30 heures pendant la pandémie. « Les milliardaires arrivent à Davos pour célébrer une incroyable poussée de leurs fortunes », dénonce Gabriela Bucher, une responsable d’Oxfam, dans un communiqué. « Dans le même temps, on est en train de revenir sur des décennies de progrès concernant l’extrême pauvreté, avec des millions de personnes confrontées à l’augmentation impossible du coût pour simplement rester en vie ».
Une autre cicatrice profonde a été les taux inimaginables de dette globale ; qui est passée de 226 trillions de dollars en 2020 à 303 trillions de dollars en 2021, selon les chiffres de l’Institut de la finance internationale. Cet état risque de causer une panique sur les marchés financiers, un ralentissement économique et une probable insolvabilité du secteur privé. Ceci est exacerbé par la hausse de l’inflation globale qui risque de provoquer, selon le célèbre homme d’affaires américain Georges Soros, la récession globale la plus sévère depuis un demi-siècle.
Malgré l’inefficacité de la mondialisation en ces temps de crise, il n’en demeure pas moins qu’elle est là pour rester. Les participants du colloque intitulé « Quel avenir pour la mondialisation », diffusé en direct au deuxième jour, étaient unanimes à cet égard. Deux scénarios ont été évoqués par les participants. Le premier est celui de la « reglobalisation », ou mondialisation sous une nouvelle formule. Une participante, Pamela Coke-Hamilton, directrice exécutive au Centre de commerce international, a déclaré que les chiffres parlent et que rien n’arrêtera le cours, de la mondialisation. « En 2010, le taux du commerce mondial était de 21% du PIB mondial, alors que sous la pandémie en 2021, il a atteint 41,2%. Le commerce des biens intermédiaires s’est accéléré de 50%. Le commerce des biens a atteint 25,8 trillions de dollars, et c’est un chiffre record. Si la mondialisation est à l’agonie, d’où viennent ces chiffres qui prouvent tout à fait le contraire. Cependant, la mondialisation de demain sera assurée donc via le medium du numérique, et il sera question d’assurer la transformation et de s’adapter », explique-t-elle.
Le régionalisme
Alors que le second scénario sera celui de la régionalisation des chaînes d’approvisionnement suite au dérèglement, quitte à assurer une meilleure connectivité entre l’est et l’ouest et à générer davantage de flux financiers, comme le décrit Tarek Sultan, vice-PDG d’Agility, une compagnie de chaîne d’approvisionnement globale.
La création des chaînes d’approvisionnement régionales est ce qu’on appelle la délocalisation ayant pour objectif de réduire les coûts et augmenter la résilience. « Il est incompatible que le centre de ces chaînes soit la Chine. Il faut produire dans d’autres destinations, tels l’Europe, l’Asie ou le Moyen-Orient. Ceci sera garanti par des investissements colossaux menés par le secteur privé et la transformation numérique. D’autant que 60% seulement sont connectés via l’économie numérique ».
Ce ne sera donc pas étonnant de voir dans un proche avenir de nouveaux centres régionaux de chaînes d’approvisionnement, comme l’Arabie saoudite qui était particulièrement active lors du forum pour faire du lobbying pour son économie avec sa croissance de 7,6% (selon le World Economic Outlook de mai 2022 publié par le FMI) et son modèle de réforme qui devient de plus en plus diversifié. D’autres pays arabes sont également candidats à ce rôle, tels les Emirats arabes unis, le Qatar ou l’Egypte.
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