Les partenariats entre le Fonds souverain d’Egypte et le Fonds souverain d’Abu-Dhabi cibleront un portefeuille diversifié,
dont l’acquisition de 18 % de la banque CIB.
Après un suspense tout au long de l’année dernière sur le destin de Wataniya Petroleum (un opérateur national de stations-service), Ayman Soliman, PDG du Fonds souverain d’Egypte, annonce qu’un marché est en voie d’examen sérieux: « La vente d’une partie ou de tous les actifs de Wataniya a fait l’objet de discussion avec un investisseur stratégique depuis la création du fonds en 2019. Celui-ci avait proposé l’acquisition d’actifs minoritaires, en prélude à leur vente ».
Les discussions sont en cours entre le Fonds souverain d’Egypte et le Fonds public d’investissement de l’Arabie saoudite (Public Investment Fund, PIF), classé 11e au monde de par la taille de ses actifs, pour acquérir Wataniya Petroleum, ainsi que 3 stations d’essence Siemens, dans le cadre de 10 milliards de dollars destinés à l’investissement en Egypte par l’Arabie saoudite.
La forme d’acquisition qu’emprunterait le fonds saoudien, sa valeur ou le nombre d’actifs qui lui seront légués n’ont pas été révélés. Cependant, Soliman a déclaré à la chaîne saoudienne Al-Arabiya que la coopération avec le PIF vise à fonder des entités conjointes qui permettraient d’accéder aux marchés régionaux et internationaux. Soliman a indiqué des secteurs qui intéressent les Saoudiens et qui pourraient faire l’objet d’entités régionales réussies, comme le pétrole, la pétrochimie et la fintech. « Le mot d’ordre est la diversité, et nous apportons une valeur ajoutée à des projets déjà existants », a expliqué Soliman, qui avait précisé que le gouvernement entendait vendre des actions de 10 entreprises en 2022 travaillant dans les domaines de l’énergie et de la technologie financière.
Selon Ahmed Bayoumi, analyste financier auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques, ce marché prendra la forme d’Investissement Etranger Direct (IED) qui injectera des fonds dans des projets déjà existants, et réussis, d’autant que l’Arabie saoudite cherche à entrer dans les domaines de distribution pétrolière en Egypte. « Nous sommes devant des projets d’investissements réels générant des revenus à long terme, qui injectent des fonds pour agrandir des projets, emploient de la main-d’oeuvre. Il s’agit du genre d’investissements qui relancent l’économie. L’on s’attend donc à une acquisition partielle de ces entités par le côté saoudien. Ce type de marché est plus attractif pour les investisseurs qui craignent la création de projets, car ils veulent entrer dans des marchés qu’ils ne connaissent pas. Ils préfèrent investir dans ceux déjà existants », explique-t-il.
Acquisitions émiraties
Le marché s’attend à un autre partenariat avec le Fonds souverain d’Abu-Dhabi (Abu Dhabi Wealth Fund, ADQ), sous forme d’acquisition d’actions d’entreprises cotées en Bourse. Des mesures concrètes ont été prises sur la voie du partenariat stratégique conclu entre Le Caire et Abu-Dhabi en 2019 et prévoyant des investissements dans des actifs et des secteurs à la hauteur de 20 milliards de dollars. « Nous proposons au ADQ d’acquérir des entreprises cotées ou d’autres qui sont préparées pour entrer en Bourse prochainement », souligne Ayman Soliman.
Le 22 mars dernier, ADQ a annoncé son intention d’acquérir des actions dans des entreprises étatiques. Le plan est d’acheter 18% des actions de la banque CIB, la plus grande banque cotée en Bourse avec des actions de 4 autres compagnies, parmi lesquelles la plateforme de paiement électronique Fawry, Abu-Qir Fertilizers, Mopco et Alexandria Container& Cargo Handling. Selon l’agence Bloomberg, cette étape intervient dans le cadre d’un accord entre le Fonds souverain émirati et le gouvernement égyptien pour investir 2 milliards de dollars dans l’achat des parts publiques dans des entreprises. L’accord comprend aussi l’achat d’une part de 18% de la banque CIB pour un milliard de dollars. Il est à noter qu’ADQ a fait une acquisition de la compagnie pharmaceutique égyptienne Amoun pour un montant de 740 millions de dollars, ainsi que du promoteur immobilier Sodic, de 388 millions de dollars.
Une autre acquisition vient d’être révélée la semaine dernière. Le géant émirati, Al Nowais Investment, étudie le projet d’intégration des stations d’énergie solaire en Egypte dans ses projets de production d’hydrogène, sous l’ombrelle toujours d’ADQ.
D’après Ahmed Bayoumi, les acquisitions des Emirats sont une bonne opportunité à plusieurs niveaux. L’acquisition des 18% de la CIB injectera une nouvelle méthode de gestion, une idéologie d’administration différente et de nouveaux éléments; en plus d’une nouvelle clientèle. Par ailleurs, il y aura une possibilité d’élargir les affaires de la CIB, et l’administration émiratie, avec ses connexions, aura la capacité d’ouvrir de nouvelles agences dans des pays du Golfe. « Pour les autres entreprises, bien qu’on ignore tout de leurs évaluations et bilans financiers, les acquisitions sont une chance de revigorer la Bourse, qui connaît actuellement une léthargie, par de nouveaux actionnaires. Les anciens investisseurs peuvent sortir et obtenir des liquidités qu’ils pourraient réinvestir dans d’autres entreprises », explique Bayoumi.
Aliaa Mamdouh, macro-économiste auprès de la banque d’investissement Beltone, estime, pour sa part, qu’« il est vrai qu’on ignore tout de l’évaluation de ces entreprises ou de leurs bilans financiers, et donc on ne peut pas trancher que les 2 milliards de dollars proposés par les Emiratis sont en deçà des prévisions. Il aurait été plus bénéfique de diversifier les investisseurs au lieu de mettre tout dans un même panier. Surtout que le portefeuille est riche et diversifié, la CIB et Fawry sont des poids lourds, alors qu’Alexandria Container & Cargo Handling faisait l’objet d’une grande demande de la part des étrangers ».
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