Le budget de l'Etat a profité de la baisse du taux d'intérêt
sur les titres gouvernementaux.Photo : Ahmad Abdel-Razeq
Le fardeau de la dette publique — intérieure et extérieure — est un cauchemar pour les gouvernements, tout particulièrement dans la période de troubles actuelle. Chaque année, les intérêts de la dette publique absorbent plus d’un cinquième du total des dépenses gouvernementales. En 2013-2014, le montant des dettes atteindra 126 milliards de L.E. Le flux des aides des pays du Golfe a stabilisé le marché des changes et a augmenté les réserves en devises de la Banque Centrale. Cette dernière, encouragée par la baisse de la ruée sur le dollar, a pu, pour la première fois en 2 ans, réduire les taux d’intérêt directeurs de 9,75 % à 9,25 %. En outre, les taux d’intérêt sur les bons du Trésor de trois mois (un outil d’endettement souverain à court terme) ont baissé de 2,5 %, et ceux des obligations du Trésor, de 1,8 %. « A chaque baisse des taux d’intérêt de 1 %, le service de la dette publique est allégé de 10 milliards de L.E.», indique le ministère des Finances dans un communiqué de presse diffusé le 22 août dernier.
Cette baisse sur les titres d’Etat reflète « la confiance des institutions financières dans la capacité de l’économie égyptienne à surmonter la phase actuelle », poursuivait le ministère dans le même communiqué, qui confirmait également trois nouvelles émissions de bons du Trésor de trois mois, pour un total de 15 milliards de L.E., effectuées les 18 et 19 août derniers. La souscription a été couverte par des banques égyptiennes à des taux d’intérêt variant entre 11 % et 14 %. Au cours des deux dernières années, depuis la révolution, les banques étaient les principaux acheteurs de titres gouvernementaux, suite au départ des investisseurs étrangers. L’instabilité politique et la fuite des capitaux étrangers ont incité les banques à relever les taux d’intérêt des adjudications hebdomadaires de la Banque Centrale. Dans le même temps, face à la hausse de l’endettement, les intérêts sur la dette intérieure ont grimpé en flèche depuis deux ans, passant de 81 milliards de L.E. en 2010-2011 à 101 milliards de L.E. en 2011-2012, puis à 121 milliards de L.E. en mars 2013.
En juin 2013, les taux d’intérêt ont atteint un niveau record de 16 % sur les obligations (à échéance de 10 ans) et de 14 % pour les bons du Trésor (à trois mois). Aujourd’hui, ils marquent un fléchissement. Selon un conseiller du ministre de la Planification, Abdel-Fattah Al-Guibali, la baisse refléterait une politique délibérée de la Banque Centrale et de son directeur, Hicham Ramez, nommé en juin. « Aujourd’hui, explique-t-il, les banques lui ont emboîté le pas et ont baissé leurs taux d’intérêt sur les dépôts aussi bien que sur les crédits, pour relancer l’activité économique ».
Mais la récente baisse des taux peut-elle résister à une diminution probable de la notation de l’Egypte par les agences internationales ? En fait, plusieurs experts craignent que le prolongement de l’instabilité politique n’aggrave la baisse de la notation de la dette souveraine de l’Egypte par les institutions internationales. « La dette intérieure représente un problème majeur, car le gouvernement de Beblawi semble incapable d’adopter les réformes nécessaires pour minimiser le déficit budgétaire, ce qui est pourtant urgent pour freiner la hausse de la dette », critique Wael Ziada, directeur du département des recherches au sein du groupe EFG-Hermes.
Abdel-Fattah Al-Guibali écarte, en effet, l’éventualité de nouvelles mesures, assurant que celles déjà prises par l’ancien gouvernement Qandil, portant sur l’impôt sur les revenus, ainsi que sur les taxes immobilières et sur la consommation, seront appliquées en novembre prochain. Celles-ci offriront un supplément de revenu de 33 milliards de L.E. au budget 2013/2014, qui table sur un déficit budgétaire de 9,6 % du PIB en cas d’adoption de réformes telles que la baisse des subventions. « Sans elles, le déficit dépasserait 15 % du PIB », avertit Abdel-Fattah Al-Guibali. La moitié au moins de celui-ci, soit 100 milliards de L.E., sera palliée par l’endettement auprès des banques. Le service de la dette publique augmenterait donc de près d’un tiers.
Une nouvelle baisse de la notation pourrait donc saper les tentatives de réforme fiscale. Depuis janvier 2011, les trois agences de notation internationale (Moody’s, Fitch Rating et Standard & Poor’s) ont révisé plusieurs fois à la baisse la notation de l’Egypte. La dernière révision date du 5 juillet dernier : Fitch Rating a dégradé la note de l’Egypte pour les dettes à long terme de B à B-, après la destitution du président Morsi. La baisse de la note n’entraîne pas seulement une hausse du coût de l’emprunt, mais aussi du coût de l’assurance. « Chaque hausse du coût de l’assurance équivaut à 1 000 dollars », précise Magda Qandil, ex-directrice du Centre égyptien pour les études économiques.
D’après Wael Ziada, la dette extérieure continuera elle aussi à augmenter. La tendance a débuté lors de la transition par le Conseil militaire et s’est poursuivie pendant l’année de Mohamad Morsi au pouvoir. La dette est ainsi passée de 34,3 milliards de dollars en juin 2012 à 38,8 milliards de dollars en décembre 2012, principalement en raison du lancement d’obligations par le Qatar, pour une valeur de 3 milliards de dollars, avec un taux d’intérêt de 4 %. Un cercle vicieux, en quelque sorte .
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