Al-Ahram Hebdo : La relation entre l’Egypte et la France est très ancienne. Quelles sont les perspectives des relations bilatérales ?
Philippe Garcia: Les relations franco-égyptiennes sont excellentes sur tous les plans: politique, économique commercial et culturel. Je crois qu’il faut approfondir les sujets sur lesquels on travaille déjà et prendre de nouvelles initiatives pour développer de nouveaux partenariats en se projetant plus loin dans l’avenir dans les secteurs de l’environnement, de l’intelligence artificielle, des nouveaux carburants et de la digitalisation. Il y a en Egypte des ouvrages mythiques comme le Canal de Suez, et il me paraît important de développer une coopération franco-égyptienne sur ces projets.
— Quelle coopération envisagez-vous au sujet du Canal de Suez ?
— L’Autorité du Canal de Suez est une entité prestigieuse avec laquelle on cherche à nouer des relations dans différents secteurs. On est actuellement sur le terrain pour écouter les besoins des responsables pour ensuite commencer à réfléchir à une coopération économique sur des sujets comme la sûreté maritime, le contrôle, la gestion et la fluidification du trafic, notamment à travers la digitalisation des procédures. En France, on a une filière maritime qui est très efficace avec de grands acteurs, de Petites et Moyennes Entreprises (PME), de grands groupes, de start-up et d’entreprises qui proposent des solutions innovantes.
— Et pourquoi n’y a-t-il pas encore d’investissements français dans la zone du Canal ?
— Une fois que l’Egypte aurait été perçue comme une plateforme de réexportation, des décisions d’investissements français pourraient être prises dans cette zone. A ce stade néanmoins, il n’y a pas de nouveaux projets d’investissements français dans la zone économique. C’est encore une période d’incertitude pour les investisseurs. Le monde se remet peu à peu de la pandémie, les industriels se donnent un peu plus de temps pour recouvrer la certitude que la pandémie est passée. Ouvrir une filiale commerciale ou un bureau de représentation est actuellement fréquent ; pour les investissements industriels à long terme, il faudra certainement patienter un peu.
— Qu’est-ce que la France aimerait introduire dans la zone économique du Canal de Suez ?
— Les secteurs d’avenir pour l’Egypte sont l’hydrogène vert, qui est très demandé par les autorités égyptiennes, et l’intelligence artificielle. Notre rôle serait donc de discuter avec les patrons de la zone économique pour définir une stratégie et un calendrier et voir quelles sont les facilités qui nous seraient accordées pour localiser une filière franco-égyptienne.
— Mais est-ce que l’infrastructure égyptienne est prête à accueillir de tels secteurs ?
— L’Egypte est un pays qui va très vite dans tout ce qu’il fait. Si demain l’Egypte décide de s’engager à fond et de bâtir son nouveau modèle économique autour de l’intelligence artificielle, de l’hydrogène vert ou tout autre marché du futur, elle peut aller très vite avec des partenaires qui ont déjà une expertise dans ces domaines, et la France en fait partie. Sur une base partenariale, l’Egypte et la France peuvent réussir de très belles choses.
— La présence française en Egypte est surtout dans les domaines de la construction, de la santé et du transport. Y a-t-il une vision particulière pour une diversification sectorielle ?
— L’Egypte a un potentiel pour enregistrer une croissance économique forte fondée sur une politique de diversification économique. Depuis Business France Le Caire, on communique beaucoup auprès des entreprises françaises pour leur permettre de mesurer l’intérêt qu’elles auraient à travailler en Egypte. Il y a aujourd’hui 4500 exportateurs réguliers en Egypte, et il y a probablement de la place pour 5 000.
A ce stade, on fait la promotion auprès des entreprises françaises dans tous les domaines: automobiles, outillage, santé, agroalimentaire, industrie manufacturière, toutes les compagnies qui peuvent avoir des investissements.
Et pour souligner la diversité des relations économiques et commerciales avec l’Egypte, il faut dire qu’on travaille actuellement avec le ministère des Télécommunications sur un projet pilote de smart city à la Nouvelle Alamein. On n’a pas encore de détails, mais on envisage une mission à la Nouvelle Alamein en septembre. De même, dans le domaine muséal, on cherche à mettre en place une coopération entre Hassan Allam, qui a pris la gestion du Grand Musée égyptien, et la Réunion des Musées Nationaux — Grand Palais. On essaye de mettre en place une coopération aux niveaux de la formation et de la gestion muséales, de l’accueil et du transport des collections.
— Vous avez dernièrement organisé une rencontre entre les entreprises égyptiennes Orascom, Allam, Elsewedy et 18 compagnies françaises dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, de l’environnement, des transports et de la santé. Qu’attendez-vous de ces rencontres ?
— Ce sont des secteurs qui ont un grand enjeu pour l’Egypte. On veut privilégier une coopération à long terme et montrer aux décideurs égyptiens que la France a une offre diversifiée de qualité et très complète. Ce genre de rencontres nous permet de montrer à ce collectif la complémentarité de ces entreprises et leur volonté de travailler. Et si on va vers des considérations plus commerciales, ces trois grands groupes partent à la conquête de nouveaux marchés à l’étranger, et cela nous appelle à participer à cette diversification géographique et sectorielle avec ces grandes entreprises égyptiennes.
— Quel partenariat y a-t-il eu avec ces entreprises hors du territoire égyptien ?
— Il y a une très forte relation entre ces entreprises égyptiennes et les entreprises françaises. Il y a des discussions en cours au sujet de projets en Egypte et en Afrique. Il y a des projets au Sénégal dans le domaine du dessalement et du traitement des eaux et un projet dans le secteur d’électricité en République démocratique du Congo. Il y a aussi un don financier de 1 milliard de dollars qu’on a mis à disposition de la reconstruction en Iraq au sujet de laquelle on peut mettre en place une coopération avec ces grands groupes égyptiens.
— Quels sont les secteurs d’investissement auxquels s’intéressent actuellement les entreprises françaises ?
— Les PME françaises viennent beaucoup en Egypte. Depuis septembre 2020, une cinquantaine de nouvelles boîtes françaises dans différents secteurs sont venues à travers Busines France pour investir et/ou exporter en Egypte. Ce qui nous a beaucoup aidés, c’est la manière avec laquelle l’Egypte a géré la pandémie. Avant le Covid-19, les entreprises avaient le regard vers l’Inde, la Chine, les Etats-Unis. Mais comme le pays n’a jamais fermé ses frontières, les entreprises ont alors commencé à s’y intéresser. Et de notre côté, on a mis des informations sur l’Egypte sur tous nos réseaux de chargés d’affaires en France les informant des opportunités d’investissement que l’Egypte peut offrir.
— Comment, selon vous, l’Egypte peut-elle augmenter son potentiel touristique ?
— L’Egypte a un potentiel touristique extraordinaire. Il lui manque de se démarquer par un tourisme plus innovant et plus désirable. Ce qu’on aimerait est de proposer nos solutions les plus innovantes en matière de tourisme, pour que l’Egypte puisse se singulariser de ses concurrents comme la Grèce, la Tunisie, le Maroc et, bientôt, l’Arabie saoudite, pour permettre au tourisme de devenir plus attractif. Il n’y a pas de projets particuliers cette année, mais en 2022, le tourisme sera un vrai sujet à aborder.
— Quels sont les obstacles que rencontrent les investisseurs français en Egypte ?
— L’Egypte a des ressources extraordinaires et d’excellentes infrastructures, et mène une politique visant à valoriser ses ressources. L’obstacle mentionné par les PME est surtout que le marché égyptien est très compétitif, et la France se positionne surtout sur des produits innovants. Pour être compétitif en Egypte, il faut avoir un produit de forte valeur ajoutée. Si le prix est le seul facteur pour l’importateur, on ne pourra pas concurrencer.
— Où peut-on placer les investissements français dans le secteur agroalimentaire ?
— L’Egypte est un marché très dynamique à la fois sur la production agricole et la transformation agroalimentaire. La France se positionne surtout dans la fourniture de solutions de production, d’équipements, de semences, d’ingrédients pour faciliter la production sur place. Les chiffres d’exportation dans le secteur agroalimentaire ont atteint 22 millions de dollars en 2020, et dans le domaine de l’élevage, ils ont atteint 203 millions de dollars en 2020, puisque la France est le premier exportateur de vaccin vétérinaire vers l’Egypte.
Lien court: