Le fonds souverain d’Egypte (The Sovereign Fund of Egypt, TSFE) étend ses activités, et son portefeuille est de plus en plus diversifié. Il vient de faire son entrée dans deux nouveaux domaines, à savoir le secteur bancaire et l’éducation. Le fonds, créé en 2018, se veut un catalyseur des investissements. Son objectif est de maximiser la valeur des actifs publics et de multiplier les revenus de l’Etat en visant surtout des partenariats public-privé. Ayman Soliman, PDG du fonds, affirme que celui-ci contrôle certains actifs potentiellement précieux dans des secteurs hautement prioritaires, comme l’énergie, l’éducation, la santé et l’immobilier, et souhaite y attirer les investisseurs privés (voir encadré). Quant au secteur bancaire, le Fonds souverain vient de conclure une alliance avec la banque d’investissement EFG Hermes, approuvée par le cabinet ministériel le 19 mai. Les deux entités sont en passe de finaliser les procédures l’acquisition de la Banque arabe d’investissement. Abanob Magdi, analyste financier auprès de la banque d’investissement Beltone, explique que le Fonds Monétaire International (FMI) avait recommandé au gouvernement égyptien de restructurer la Banque nationale d’investissement qui possédait 92,2% des actifs de la Banque arabe d’investissement avant son acquisition par le Fonds souverain d’Egypte et EFG Hermes.
En vertu de l’alliance, le capital de la banque s’élèvera à 5 milliards de L.E. (montant minimum requis par la BCE) contre 1,84 milliard de L.E. fin juin 2020. EFG Hermes va acquérir 51% de la banque, alors que la part du fonds atteindra 25 % du capital, et celle de la Banque nationale d’investissement sera de 24%. « C’est une opportunité lucrative sur le moyen terme », souligne la banque d’investissement Prime dans une note. « Si l’acquisition est menée à bien, elle permettra d’injecter un capital de 2,5 milliards de L.E. sur une période de 3 à 5 ans. Cette somme sera destinée à élargir l’infrastructure de la banque, à accroître les branches et à promouvoir la technologie bancaire », explique Abanob Magdi. Par conséquent, les deux partenaires, EFG Hermes et le Fonds souverain, auront à leur disposition un marché plus large et de nouveaux produits. Ils auront directement accès à une nouvelle clientèle faite d’entreprises et de particuliers, et on peut alors s’attendre à une croissance et une optimisation des profits, ajoute-t-il. La maison d’évaluation Waterhouse Coopers avait considéré comme « modeste » la performance financière de la Banque arabe d’investissement, soulignant que l’une des possibilités de réaliser une bonne croissance était la restructuration de la banque à travers l’acquisition. En fait, selon les derniers bilans financiers, les profits nets de la banque ont atteint le chiffre modeste de 5 millions de L.E. en 2020 contre des pertes accumulées au cours des deux dernières années estimées à 52 millions de L.E. « Le total des actifs s’élève à 31,5 milliards de L.E. avec une part de marché médiocre de 0,5% et un rendement sur les capitaux au cours des 3 années qui n’a pas dépassé les 12 %, alors que la moyenne dans les autres banques est de 20 % », a ajouté Magdi.
Ayman Soliman a déclaré après la transaction que le secteur bancaire est « fondamental » dans les portefeuilles des fonds souverains qui jouent un rôle pivot dans la croissance économique. « La stratégie de la Banque arabe d’investissement se focalisera sur les petites et moyennes entreprises en prélude à l’inclusion financière. En développant son infrastructure technologique, la banque attirera une plus grande clientèle », a-t-il ajouté.
Education, pour plus d’égalité
L’un des objectifs du Fonds souverain d’Egypte est de garantir l’accès à une éducation de qualité (4e objectif du développement durable). Deux autres partenariats complémentaires viennent d’être annoncés. Le premier entre le Fonds souverain d’Egypte et le fonds de l’éducation d’EFG Hermes. Le Fonds souverain d’Egypte vient de faire sa 3e souscription dans le fonds de l’éducation d’EFG Hermes, d’une valeur de 500 millions de L.E. Karim Moussa, directeur du département de gestion des actifs et des capitaux privés à EFG Hermes, déclare : « C’est la 3e souscription à ce fonds considéré comme l’un des plus grands fonds d’investissement spécialisés dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). Le capital actuel du fonds est de 150 millions de dollars, ce qui nous incite à intervenir avec force sur le marché égyptien ».
Le second partenariat est entre le Fonds souverain d’Egypte et Global Education Management Systems Egypt (GEMS Egypt). Ce dernier, établi en 2018 en vertu d’un partenariat avec le fonds de l’éducation d’EFG Hermes, est l’un des plus grands opérateurs en matière de gestion des écoles privées au monde. GEMS Egypt et le Fonds souverain d’Egypte ont signé un mémorandum d’entente pour gérer deux écoles à l’ouest du Caire qui seront construites sur une superficie de 30000m2 d’une capacité de 2 500 élèves chacune, sur des terrains possédés par le fonds. « Le secteur de l’éducation est encore sous-exploité. L’offre y est inférieure à la demande. Récemment, de nombreuses sociétés privées ont fait leur entrée sur ce marché et certaines sont cotées en Bourse, ce qui montre qu’il y a une croissance. Le fonds d’EFG Hermes injectera les investissements nécessaires, alors que GEMS Egypt travaillera sur le développement du capital humain, car détenant l’expertise nécessaire à travers une plateforme qui fournit des services de qualité liés à l’éducation », estime Abanob Magdi.
Seules les grandes lignes des deux partenariats ont été dévoilées. Il semblerait que l’objectif soit de procurer une éducation de qualité partiellement subventionnée à la classe moyenne en Egypte. C’est un modèle expérimental. Ceci a d’ailleurs été clairement exprimé par le PDG du Fonds souverain d’Egypte, Ayman Soliman. Il affirme que le secteur de l’éducation offre des opportunités attirantes aux acteurs internationaux. « Le partenariat entre le Fonds souverain, EFG Hermes et GEMS Egypt a permis de fixer des critères d’évaluation. Nous présenterons un modèle d’école qui se focalise sur le développement des compétences dans tous les domaines, du sport à la technologie. Les actifs actuels et potentiels du fonds seront utilisés pour offrir une éducation de qualité en accord avec les critères d’évaluation et les standards internationaux, et ce, moyennant des frais de scolarité abordables. L’objectif est de soutenir la classe face aux listes d’attente et au fardeau des leçons particulières. Ce partenariat sera suivi d’alliances similaires dans le future proche avec des partenaires qui possèdent l’expertise et le capital nécessaire », a affirmé Soliman. Selon toute vraisemblance, les trois acteurs, le Fonds souverain d’Egypte, EFG Hermes et GEMS Egypt multiplieront les investissements dans ce secteur en difficulté à travers un modèle de partenariat garantissant les investissements et les fonds nécessaires. L’absence de fonds dans ce secteur a été l’un des points négatifs soulignés par les rapports d’évaluation de la Banque mondiale, et ceci doit être pris en compte si le pays souhaite que les dépenses sur l’éducation atteignent les normes internationales, soit 4% du PIB.
A propos du Fonds souverain d’Egypte
Le 16 juillet 2018, le parlement égyptien avait approuvé un projet de loi pour créer un Fonds souverain doté d’un capital de 200 milliards de L.E. Ce fonds est principalement chargé de gérer les actifs de l’Etat égyptien dans l’objectif de générer des ressources supplémentaires. Il est gouverné par un conseil d’administration et une assemblée générale composée de 12 membres, dont 3 ministres, un vice-gouverneur de la Banque Centrale et 7 experts égyptiens. Il est présidé par le premier ministre. Sa mission phare est d’attirer les investissements, promouvoir et co-investir dans les actifs de l’Etat, afin de maximiser leur valeur et leur rendement en concluant des partenariats avec le secteur privé international et local dans divers secteurs hautement prioritaires pour le pays comme l’énergie, l’infrastructure, la santé et l’éducation.
L’électricité figure à la tête des projets ciblés, surtout que l’Egypte possède un excédent d’électricité et il est possible d’exporter cet excédent à des prix compétitifs. En décembre dernier, le fonds a décidé d’investir dans deux sociétés affiliées à l’armée, qui sont Al-Wataniya pour le pétrole et Safi pour les eaux minérales .
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