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Relance à deux vitesses

Salma Hussein, Mardi, 06 avril 2021

Entamées le 5 avril, les réunions du printemps du FMI et de la BM se poursuivent jusqu’au 11, virtuellement pour la troisième fois. Au menu des discussions, la relance post-Covid.

Relance à deux vitesses
Le FMI avertit d’une possible dépréciation des monnaies des pays émergents face au dollar. (Photo : Reuters)

Les inégalités se creusent entre les pays développés et ceux en développement. C’est le constat du rapport des perspectives de l’économie mondiale, publié parallèlement à l’inauguration des réunions du printemps du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM). Le rapport note que les pays avancés connaissent une reprise rapide, alors que les économies émergentes et à revenus inférieurs peinent à les rattraper (ndlr : l’Egypte est l’un des pays émergents qui font exception à cette règle en gardant des prévisions de croissance positive).

Les réunions, qui d’habitude animent les rues de Washington autour des sièges des deux institutions voisines, sont désormais en ligne, pour la troisième fois, Covid-19 l'oblige. Elles s’étendent entre le 5 et 11 avril, et regroupent quelque 2 800 délégués représentant les pays membres ainsi que plus de 500 membres d’organisations de sociétés civiles.

Les discussions portent notamment sur deux inégalités importantes qui font creuser le fossé entre les pays en développement et les pays développés. D’abord, celle concernant l’accès à la vaccination. Les pays avancés ont le pouvoir de vacciner en masse leurs populations, d’où une reprise rapide de leurs économies. Ces pays vont également bénéficier d’une relance plus équitable, grâce aux aides distribuées à leurs populations pour contrer le chômage et les pertes de revenus sous l’effet du Covid-19.

Par contre, les pays émergents et moins avancés peinent à se procurer des vaccins et manquent de ressources nécessaires pour pouvoir soutenir la demande, et par conséquent, la croissance. La situation est exacerbée par le recul de la scolarisation et la montée des taux de pauvreté et de chômage, notamment parmi les jeunes et les moins qualifiés. Ces pays ont dû s’endetter davantage pendant la pandémie pour pallier les besoins de la santé et de la croissance. Ces pays ont désormais à faire face à un défi de plus, avertit le rapport.

Les Etats-Unis (ainsi que les autres pays développés, mais à moindre degré), pour favoriser la relance économique, ont décidé d’augmenter leur taux d’intérêt. Cela encourage les investisseurs à quitter les marchés émergents pour investir davantage sur le marché américain. Il est ainsi prévu que cet exode entraîne une dépréciation des monnaies dans les pays émergents. En plus, l’endettement à travers le marché international sera plus coûteux. D’après les calculs du rapport, 1 % de hausse de taux d’intérêts aux Etats-Unis entraîne une dépréciation de 1 % des monnaies des pays émergents par rapport au dollar et une sortie des flux d’investissements financiers équivalente à 7 % de leur PIB.

Maintenir la stabilité de la L.E.

En ce qui concerne l’Egypte, la Banque centrale entend maintenir la stabilité de la L.E. « Si l’on prend en considération les fondamentaux du marché des changes, la livre devrait très légèrement reculer », note Ahmed Chams, directeur de recherches au sein de la banque d’investissement EFG-Hermès. Selon Ahmed Chams, l’Egypte a perdu une partie de ses ressources en dollars pendant l’année de la pandémie, sans que cela ne se traduise par un recul de la livre. « La Banque centrale préfère défendre la monnaie locale. Et elle a bien les moyens de continuer à le faire », renchérit Chams. Les besoins de financement de l’économie sont aux alentours de 15 à 17 milliards de dollars. 11 milliards sont déjà couverts, et l’on s’attend à un flux d’investissement entre 3 et 4 milliards. « La Banque centrale pourra donc préserver la stabilité de la L.E. », estime Chams. « Quand les Etats-Unis offrent un rendement de 3 % sur les obligations, l’Egypte a en théorie deux choix : offrir au moins 6 %, pour rester compétitive, ou bien dévaluer sa monnaie ; mais je doute que cette dernière option soit sur le menu », renchérit-il.

Ahmed Kouchouk, vice-ministre des Finances, explique : « Certes, la hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis affecte les pays émergents, y compris l’Egypte. Mais nous sommes mieux lotis que d’autres. L’Egypte a réussi à attirer pendant l’année dernière 28 milliards de dollars en investissements financiers dans les bons de Trésors. Après la nouvelle politique monétaire américaine, nous n’avons pas reçu de flux nets supplémentaires, et nous avons vu de petits flux sortir du pays. Mais en gros, nous sommes moins affectés, comparés aux autres, et notre situation est stable », rassure Kouchouk.

Pour permettre aux pays émergents un espace fiscal qui leur permettrait de mieux se défendre contre la politique monétaire américaine, le FMI et la BM discutent — lors des sessions fermées — le sujet de la restructuration ordonnée des dettes publiques. Il s’agit de freiner le remboursement des services des dettes (crédits et intérêts) pendant un an, et le prolongement des maturités. Le premier ministre, Moustapha Madbouli, a, de sa part, salué ces efforts internationaux quelques jours avant les réunions du printemps, en s’adressant à l’Onu. « La solidarité internationale est le choix le plus sûr pour éviter l’exacerbation de la crise des dettes (...). Le travail collectif international est devenu primordial pour alléger le fardeau de la dette, la restructurer et opter pour la substitution de la dette ». Or, pour Kouchouk, tous ces efforts seront vains si les agences de rating retiennent leur perception négative sur la restructuration des dettes. Le sujet sera certainement abordé lors des rencontres virtuelles des responsables égyptiens pendant les réunions du printemps avec la directrice générale du FMI, entre autres.

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