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« Il faut de l’innovation, sinon comment devenir un pays industriel ? »

Propos recueillis par Marwa Hussein, Mercredi, 07 août 2013

Akram Youssef, ingénieur en énergie et activiste politique, appelle à un changement radical dans la manière de gérer le dossier de l'électricité.

Al-ahram hebdo : L’Egypte a été frappée durant le mois de juin de coupures d’électricité quotidiennes. Comment celles-ci ont-elles pu soudainement disparaître dès le mois de juillet ?

Akram Youssef : Tout d’abord, la température a baissé depuis le mois de juillet, ce qui a réduit la consommation d’une part et a accru l’efficacité des centrales électriques d’autre part. En outre, les approvisionnements en gaz naturel nécessaire pour le fonctionnement des centrales électriques sont devenus réguliers.

— Mais certains parlent d’un complot qui visait à affecter la popularité des Frères musulmans en simulant une crise de l’énergie. Qu’en pensez-vous ?

— Je ne peux pas dire exactement ce qui s’est réellement passé. Mais même s’il y a eu un complot, il a seulement aggravé le problème. Il ne l’a pas créé. L’Egypte soufre d’une pénurie d’électricité. Nos capacités de production sont inférieures à la demande maximum. Cela fait plusieurs années que l’Egypte souffre de coupures fréquentes de courant électrique en été.

— Croyez-vous donc que le problème persiste à l’avenir ?

— Une vague de chaleur suffira pour que la consommation augmente et que les pannes de courant reviennent. Le problème essentiel n’a pas été résolu. Je crois que l’Etat sera plus efficace dans la période à venir. Sous Morsi, les Frères musulmans intervenaient dans les décisions des ministères avec des cadres qui n’étaient pas nécessairement bien qualifiés. J’en ai personnellement été témoin au ministère de l’Electricité.

— Comment augmenter les capacités de production électrique malgré le manque de ressources financières ?

— Il faut prendre des décisions audacieuses concernant le rôle du secteur privé, des prix des carburants ainsi que le rôle des municipalités. Mais cela nécessite de nouvelles mesures pour contrôler les prix et la qualité des services fournis. A ce jour, la participation du secteur privé se limite à la construction des centrales, puis à la vente de l’électricité produite au gouvernement. Ce dernier ne possède pas de ressources financières suffisantes, alors que le secteur privé peut être plus rationnel. Cependant, sans réglementations, le secteur privé pourra contrôler les prix. Il nous faut donc un appareil administratif efficace. De plus, il faut construire un réseau de transport public efficace, afin de rationaliser l’usage des carburants et de diminuer les subventions sans léser la classe moyenne. Sous Moubarak, le gouvernement a cherché en vain à faire passer une nouvelle loi sur l’électricité. Mais certains responsables résistaient bec et ongles au changement. Pour faire accepter le changement, il faudra un minimum de démocratie, de transparence et un consensus politique. Ce que Moubarak ne possédait pas, le pouvoir des Frères musulmans non plus. Pour changer les infrastructures en Egypte, il faut une décision politique.

— Mais la détérioration générale des infrastructures est-elle imputable à Moubarak ou aux Frères musulmans ?

— Les défaillances dans le fonctionnement de l’Etat remontent à Moubarak. Beaucoup de questions sont restées sans réponses concernant les subventions, le rôle du secteur privé, etc. Mais le plus surprenant est que les Frères musulmans ont agi de la même façon que le régime de Moubarak. Les Frères musulmans ont raté une occasion historique. Au lieu de suivre les pas de Moubarak, ils auraient pu appeler toutes les parties concernées à la résolution du problème. Il faut de l’innovation, sinon comment devenir un pays industriel alors que nos capacités de production d’énergie sont si limitées ?

— Le gouvernement islamiste avait appelé la population à rationaliser sa consommation. Cela peut-il être efficace ?

— Pour convaincre la population de rationaliser sa consommation volontairement, il ne suffit pas de dire qu’il faut aider l’Egypte comme le dernier gouvernement l’a fait. La population doit être en mesure de faire confiance au programme politique et économique du gouvernement. De tels programmes de rationalisation sont plus faciles à appliquer à travers les municipalités et non au niveau gouvernemental, car ils doivent faire partie d’un tout. Ce sont en effet les municipalités qui négocient la rationalisation de l’électricité, mais aussi la construction d’une école ou l’emplacement d’un ralentisseur. Mais là on revient une fois de plus aux questions de démocratie et de décentralisation. Des municipalités efficaces joueront le rôle de médiateur entre le gouvernement central et les citoyens à travers des négociations avec les deux parties. Les programmes de rationalisation ne peuvent pas être centralisés.

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