Le gouvernement égyptien veut résolument se livrer au jeu des grands. L’heure est à l’investissement minéral qui mettra la richesse minérale de l’Egypte sur la carte mondiale. Le ministre du Pétrole, Tarek El-Molla, vient d’annoncer le résultat du premier appel d’offres pour l’exploration des mines d’or dans le désert oriental qui avait été lancée en mars dernier. 11 entreprises sur les 23 multinationales et compagnies locales qui se sont présentées ont été sélectionnées pour cette mission, et ce, malgré les défis ayant accompagné la pandémie du Covid-19. Parmi ces 11, 7 multinationales et 4 compagnies égyptiennes. Figurent notamment Centamin, basée en Australie et opérant déjà dans la seule mine égyptienne, ainsi que 4 entreprises canadiennes, Barrick Gold Geology, Lotus Gold Corporation, Red Sea Resort et B2Gold. En plus de 2 compagnies anglaises, AKH Gold et SRK. Les compagnies égyptiennes sont MDEAF, El Abadi, le Nord de l’Afrique pour les industries minérales et Ibdae 4 Gold. La superficie consacrée à l’exploration est de 14 000 m2 divisés en 82 secteurs, situés dans le désert oriental. Le montant minimum des investissements consacrés à cette phase est de 60 millions de dollars.
Lors de la conférence de presse dédiée à l’annonce des résultats, El-Molla a déclaré que l’une des cibles du gouvernement est de moderniser le secteur minéral et encourager l’industrie en créant de la valeur ajoutée. « Nous avons mis la richesse minérale sur le bon chemin, après des années de négligence. La contribution de ce secteur au PIB ne dépasse pas aujourd’hui 0,5% du PIB, mais nous avons l’objectif d’atteindre 5 % du PIB d’ici 2030 », a déclaré Hamdi Abdel-Aziz, porte-parole du ministère du Pétrole.
Sur son site électronique, Bloomberg a félicité l’Egypte et a prôné les efforts du gouvernement de liquider les obstacles des investisseurs. Sur un autre niveau, le ministre du Pétrole a réussi à faire la promotion des appels d’offres lorsqu’il a assisté à la plus grande exposition minérale internationale, qui s’est tenue au Canada du 1er au 4 mars. « Au cours de l’exposition, et dans le pavillon égyptien spécifiquement, a été lancé l’appel d’offre mondial de l’or, et ont été communiqué les derniers développements du secteur minéral à l’adresse de 86 experts venus du monde entier », déclare Tamer Abou-Bakr, président de la chambre des ressources minérales auprès de l’Union des industries. Abou-Bakr poursuit: « nous ne disposons pas d’une industrie minérale et minière au sens propre du terme. Nous avons un nombre innombrable de matériaux sur lesquels pourront dépendre des milliers d’industries auxiliaires et finales. Mais la réputation de l’Egypte est mauvaise due à plusieurs raisons : la bureaucratie, les taxes, la difficulté de sortir du marché, entre autres ». Il ajoute que le monde entier mesure le progrès dans ce domaine par la tenue des appels d’offres du métal de l’or spécifiquement, qui est considéré comme un critère et un indicateur sur la crédibilité de l’Etat et l’intérêt qu’il porte à l’industrie des minéraux. « L’appel d’offres sur l’exploration de l’or a certainement amélioré le classement de l’Egypte », affirme-t-il. Ossama Al-Maghrabi, expert pétrolier, explique de son côté que « les appels d’offres aideront l’Egypte à miser sur les extractions et les productions de masse, sachant que les pays africains produisent à des quantités incroyables. Par exemple, le Soudan produit 93 tonnes d’or annuellement, alors que nous en sommes à 16 tonnes seulement ».
Une stratégie basée sur sept piliers
L’appel d’offres qui a attisé l’appétit des investisseurs est le fruit d’un travail laborieux de la part du ministère du Pétrole et des Richesses minérales, qui a développé une stratégie compréhensive afin de moderniser le secteur, d'attirer les investissements et d'encourager le secteur privé à devenir un acteur actif. Le gouvernement a régularisé les procédures d’extraction des ressources minérales parmi lesquelles l’or, et a établi une stratégie composée de 7 piliers en s’inspirant des modèles internationaux. « Nous avons diagnostiqué la situation et nous avons contracté le consultant international le bureau Mackenzie », a expliqué Hamdi Abdel-Aziz, porte-parole du ministère du Pétrole et des Richesses minérales.
Le premier pilier est le cadre juridique. Une loi a été promulguée en 2019 et son statut exécutif a été publié en janvier 2020. La loi a aidé à surmonter trois problèmes essentiels. Tout d’abord, à l’instar des modèles internationaux, elle a séparé entre les activités d’exploration et de recherche d’une part, et celles de la production et du droit d’exploitation de l’autre. Ainsi, l’investisseur peut obtenir directement la licence d’exploitation de l’Organisme des ressources minérales. Le deuxième obstacle, explique Abdel-Aziz, est lié au côté financier dans les contrats d’investissement. « Nous avons remplacé le système de partage de production et de bénéfices par celui de redevances et d’impôt pour répondre aux normes mondiales. Et ce, pour donner plus de flexibilité à l’investisseur et en même temps garantir le droit de l’Etat sous forme de redevances et taxes imposées sur le métal extrait », a expliqué Abdel-Aziz, en clarifiant que la nature des travaux miniers diffère du secteur pétrolier et gazier, qui suit le système de partage de la production. « Le taux minimum de redevance est de 5%, un taux qui atteint 20% dans la nouvelle loi de 2019. Quant aux impôts, ils varient entre 15 et 20% pour l’or et sont variables pour les autres métaux », a expliqué le ministre du Pétrole. Quant au troisième obstacle, il est lié à l’identification de zones spécifiques devant l’investisseur pour l’activité minière. El-Molla a expliqué que les zones seraient sans plafond particulier pour donner une plus grande flexibilité et plus de choix à l’investisseur pour exercer son activité.
Une quatrième nouveauté a été annoncée récemment par le ministre du Pétrole, selon laquelle, une fois que l’investisseur aura terminé les travaux d’exploration et fait des découvertes, une autre loi sur la production, qui sera spécifique à chaque zone, sera promulguée pour lui préserver ses droits et ceux de l’Etat. « Dans un second temps et suite à la promulgation de la loi de la production, les licences, les impôts et les redevances, qui sont la part du gouvernement, seront bien déterminés », explique El-Molla.
Les six autres piliers sont la préparation des stratégies indépendantes pour chaque métal, sa production, son exportation; la modernisation du mécanisme de promulgation des licences; la détermination des prérogatives des différents postes du ministère et de l’Organisme de la richesse minérale; la séparation des différents départements, par exemple, un département pour les licences d’extraction et de production ; celui des redevances et des impôts; la formation de cadres, et enfin, la promotion des appels d’offres et des opportunités d’investissement.
Le problème n’est pas celui de l’extraction en tant que telle, mais surtout de l’application et du capital humain. « Il faut comprendre que c’est une industrie collaborative et non pas compétitive. Nous devons ouvrir la porte à plus d’appels d’offres non seulement sur l’or, mais aussi sur les autres matériaux pour bien connaître nos richesses, nous avons besoin d’avoir des informations correctes pour minimiser les risques des opérations de recherche et d’extraction qui sont extrêmement élevés. Plus de communication doit également avoir lieu avec le gouvernement », explique Al-Maghrabi.
L’Egypte a un avantage compétitif à comparer avec les pays de l’Afrique, son sol est plat, elle dispose d’infrastructures plus développées de routes et de ports, des cadres géologues et de la main-d’oeuvre. Une meilleure exploitation des richesses minérales offrira à l’Egypte la possibilité de réduire les recettes d’importation des matières premières et la modernisation de son industrie minièr .
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