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Baisse des prix du pétrole : Les avantages et les inconvénients

Gilane Magdi, Mercredi, 04 novembre 2020

La baisse des prix du pétrole, descendus sous la barre des 40 dollars, aura un impact positif sur le budget de l’Etat en Egypte, mais affectera négativement l’investissement étranger. Explications.

Baisse des prix du pétrole : Les avantages et les inconvénients
Les exportations de gaz naturel devraient augmenter, en raison de la pandémie, et compenser le recul des exportations de pétrole brut.

Les prix du pétrole ont lourdement chuté la semaine dernière sous la barre des 40 dollars. Le baril de pétrole américain de West Texas Intermediate (WTI) coté à New York pour livraison en décembre a lâché 7,64 %, passant à 35,67 dollars début novembre, contre 38,6 dollars le 26 octobre. Quant au baril de Brent de la mer du Nord pour livraison le même mois, il a perdu 7,42 %, passant de 40,4 dollars le 26 octobre à 37,45 dollars début novembre. « L’arrivée de la deuxième vague de la pandémie de Covid-19 a incité au rétablissement des mesures de confinement en Europe, les perspectives d’un recul de la demande mondiale sur l’or noir a causé cet état d’instabilité au niveau des prix », explique à l’Hebdo Magdi Sobhi, expert pétrolier au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Cette fluctuation des prix du pétrole se poursuivra selon lui jusqu’à la découverte d’un vaccin.

Dans son dernier rapport mensuel publié le mois dernier, l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) a également réduit ses prévisions sur la demande mondiale de pétrole au cours du trimestre en cours à 220 000 baril/jour. L’organisation s’attend à une réduction de la demande mondiale de 9,47 millions de baril/jour sur l’ensemble de l’année.

En effet, le niveau actuel des prix de l’or noir soulève des questions sur l’impact de la fluctuation des prix sur l’Egypte au niveau du budget, de la balance commerciale pétrolière et de l’investissement étranger dans le secteur pétrolier et gazier (ce secteur vital s’empare de plus de la moitié des investissements étrangers directs en Egypte).

Tous les analystes soulignent l’impact positif du niveau actuel des prix sur le budget en Egypte. Le gouvernement a basé ses prévisions en matière de dépenses sur un prix du pétrole à 61 dollars, alors que le prix actuel est sous la barre des 40 dollars. « Le montant des subventions à l’énergie va sans doute baisser dans le budget de l’année financière 2020/2021 », note Magdi Sobhi. Le gouvernement a alloué 28,1 milliards de L.E. dans son budget pour l’année financière en cours aux subventions à l’énergie. Noaman Khalid, directeur associé et macro économiste auprès de la banque d’investissement Arqaam Capital, indique que le gouvernement sera le bénéficiaire de la baisse des prix du pétrole. « Avec la baisse continuelle des prix, le gouvernement peut vendre les produits pétroliers à leur prix de revient. Il y a 4 ans, le gouvernement s’était retrouvé dans l’obligation d’assumer 60 % des prix des produits pétroliers. Il avait mis en place un plan pour réduire les subventions graduellement en augmentant les prix à la consommation », explique-t-il. Et d’ajouter que l’appréciation de la livre égyptienne et le recul du billet vert, qui est passé de 16 L.E. début 2020 à 15,60 L.E., réduit aussi le coût de l’importation des produits pétroliers, ce qui permet au gouvernement de faire des économies.

Recul des exportations pétrolières

Au niveau des échanges internationaux, Mona Bédeir, analyste économique auprès de la banque d’investissement Prime holding, note qu'« il y aura sans doute un recul de la demande sur les exportations pétrolières de l’Egypte avec l’arrivée de la deuxième vague de la pandémie de Covid-19 et le retour des mesures de confinement. En revanche, cette baisse sera compensée par les exportations de gaz naturel dont les prix ont augmenté récemment à cause de la hausse de la demande en Europe avec la rentrée de la saison d’hiver ».Elle ajoute que cette baisse des prix va réduire la facture des importations égyptiennes des produits pétroliers.

Noaman Khalid indique que l’impact sera modeste à court terme sur la balance commerciale pétrolière. « Nous exportons le pétrole brut et nous importons les produits liquéfiés. La valeur de nos exportations pétrolières de juillet 2019 à mars 2020 s’élève à 7,3 milliards de dollars, alors que le montant de nos importations est de 8,1 milliards de dollars au cours de la même période. La différence est donc très modeste », explique-t-il. Il s’attend à une baisse des importations égyptiennes de produits pétroliers liquéfiés avec l’augmentation du nombre de raffineries en Egypte et la baisse de la consommation locale de pétrole avec l’application de la politique gouvernementale visant à remplacer le pétrole par le gaz naturel dans le secteur des transports et de l’électricité.

L’Egypte est parvenue à l’autosuffisance en gaz naturel fin septembre 2018 grâce à l’augmentation progressive de la production après la découverte de champs gaziers en Méditerranée. D’après le dernier rapport du ministère du Pétrole intitulé « 6 ans de travaux pétroliers ... des succès qui se succèdent et des résultats sans précédent », la production de gaz naturel a franchi la barre des 7 milliards de pieds cubes par jour en décembre 2019. « Au cours des 6 dernières années, 295 découvertes pétrolières ont été faites, ce qui représente des réserves de 371 milliards de barils de pétrole et 38 trillions de pieds cubes de gaz naturel », note le rapport.

Même si globalement l’impact de la baisse des prix du pétrole reste modeste sur les échanges commerciaux, les répercussions seront significatives sur les investissements étrangers en raison de la hausse des coûts de production et la baisse prévue de la demande mondiale (selon les estimations du Fonds Monétaire International, FMI). « Selon les prévisions du FMI, les prix de l’or noir ne dépasseront pas la barre des 50 dollars au cours des deux prochaines années. De même, la demande sur l’or noir va ralentir avec le recul prévu de la demande mondiale. Tous ces facteurs vont inciter les multinationales pétrolières à revoir leurs plans d’investissement sur les marchés émergents dont l’Egypte. Et donc, les Investissements Etrangers Directs (IED) pourraient baisser », prévoit Mona Bédeir. Noaman Khalid fait le point sur ce problème qui ne touche pas l’Egypte seule, mais aussi tous les pays du Moyen-Orient. Il prévoit 6 milliards de dollars d’IED en 2019-2020 contre 8 milliards de dollars l’année passée.

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