Au moment où le Fonds Monétaire International (FMI) prévoit la contraction de la majorité écrasante des économies au niveau mondial avec la deuxième vague de Covid-19, il a présenté une image très optimiste de l’économie égyptienne. A l’issue des réunions du printemps, tenues la semaine dernière, l’institution internationale a révisé les indicateurs-clés de l’économie égyptienne : taux de croissance, déficit budgétaire, taux de chômage, taux d’inflation ainsi que la balance des comptes courants. D’après le rapport des perspectives de l’économie mondiale publié le 13 octobre, le Fonds prévoit un taux de croissance de l’économie égyptienne de 3,5 % en 2020 (contre 2 % dans ses prévisions précédentes en juin) et de 2,8 % en 2021 avant de rebondir de nouveau à 5,6 % en 2025. « Le Fonds s’attend à une croissance rapide de l’économie égyptienne à moyen terme pour reprendre ses niveaux les plus hauts avant le coronavirus », a déclaré le ministre des Finances, Mohamad Maeit, dans un communiqué de presse publié le 17 octobre.
Les prévisions de l’institution internationale s’alignent avec celles des autres institutions internationales, telle la Banque mondiale (soit 3 %), l’agence de notation internationale Fitch (3,4 %) et la banque allemande Deutsche Bank (3,5 %). « L’économie égyptienne a fait preuve de résilience, les résultats ont été meilleurs que les prévisions », a dit à l’Hebdo Mona Bédeir, analyste économique auprès de la banque d’investissement Prime Holding. « L’indice des directeurs d’achat qui mesure l’activité manufacturière du pays a augmenté à 50,4 points pendant le mois de septembre, soit son plus haut niveau dans 14 mois », ajoute-t-elle, soulignant que la hausse des investissements gouvernementaux dans le domaine de l’infrastructure et la construction de nouvelles villes a donné un coup de pouce supplémentaire à la croissance économique. « Bien que le poids du secteur de construction ne représente que 6 % du Produit Intérieur Brut (PIB), son impact est significatif sur les autres secteurs économiques en créant des offres d’emplois », explique-t-elle. Le FMI a récemment insisté sur l’importance des investissements publics à stimuler la croissance dans un moment où les investissements privés régressent au niveau mondial.
Le ministre des Finances, Mohamad Maeit, a annoncé la semaine dernière que le montant des investissements publics a augmenté de 60 % entre juillet et septembre 2020 par rapport à la même période de l’année précédente, pour atteindre 40 milliards de L.E. « Au cours de la même période, les dépenses budgétaires ont augmenté de 11 % en raison des investissements gouvernementaux, des allocations consacrées au programme de protection sociale et les dépenses sur la santé et l’éducation. Quant aux revenus, ils ont augmenté de 18,4 % », a déclaré le ministre à l’occasion de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, tenue la semaine dernière, durant laquelle il a présenté les indicateurs budgétaires au cours du premier trimestre de l’année financière 2020-2021. Il a annoncé la réalisation d’un surplus préliminaire de 100 millions de L.E. malgré la pandémie de coronavirus.
Recul du déficit budgétaire
Les prévisions du FMI sont aussi positives au niveau de la baisse du déficit budgétaire et le plan de consolidation fiscale de l’Egypte. L’institution internationale prévoit la réalisation d’un excédent préliminaire en 2020-2021 de 0,4 % du PIB, passant à 2,1 % au cours de l’exercice 2022-2023. Le FMI s’attend à une hausse de 20 % des recettes publiques au cours de l’exercice 2020-2021. Les dépenses publiques devront baisser de 25,4 % en 2020-2021.
Mona Bédeir a jugé ces estimations très optimistes et en particulier la baisse prévue des dépenses. « Il serait vraiment difficile de réduire les dépenses publiques durant la prochaine période avec l’arrivée de la deuxième vague de la pandémie. Quant aux recettes, le gouvernement serait capable de les augmenter via les politiques de réforme fiscale et de l’inclusion financière visant à intégrer le secteur informel dans l’économie formelle », renchérit-elle. Bédeir prévoit le recul du déficit budgétaire de 8,6 % en 2019-2020 à 7,9 % en 2020-2021. Noaman Khaled, directeur associé et macro économiste auprès de la banque d’investissement Arqaam Capital, prévoit un déficit budgétaire de 9 % en 2020-2021 en raison de la hausse des dépenses. « Le gouvernement doit augmenter ses dépenses dans le secteur de la santé pour freiner l’expansion de la pandémie avec la rentrée de la deuxième vague. De même, il doit perpétuer l’aide versée aux employés temporaires », renchérit-il.
Avec la découverte du premier cas de Covid-19 en février, le gouvernement égyptien a pris des mesures importantes au niveau de la politique financière et monétaire pour apaiser le fardeau de la pandémie sur les couches démunies et les secteurs économiques (voir encadré). Le FMI a révisé à la baisse ses prévisions du taux de chômage du 10,3 % à 8,3 % en 2020 avant de monter de nouveau à 9,7 % en 2021. Quant à l’inflation, elle doit baisser à 5,7 % en 2020 avant de monter à 6,2 % en 2021. « Avec la baisse continue du taux d’inflation, la Banque Centrale d’Egypte (BCE) sera engagée de réduire son taux cible (de quoi pour quelle période), fixé à 9 % actuellement à 6 % ou 7 %. La baisse de l’inflation permettra la réduction des taux d’intérêts », prévoit Noaman Khaled, en assurant que le recul des intérêts bancaires est une nécessité pour encourager l’emprunt du secteur privé et stimuler la croissance.
Une bonne position externe malgré la pandémie
Le déficit de la balance courante, soit le solde des flux monétaires d’un pays liés aux échanges internationaux est prévu à la baisse. Le FMI a prévu dans son dernier rapport un déficit de la balance courante de 3,2 % en 2020 contre des prévisions antérieures, publiées en juin de 4,3 %. « Le secteur extérieur de l’Egypte a fait preuve de flexibilité grâce à la baisse du déficit de la balance commerciale, le soutien provenant du monde entier et l’investissement dans les portefeuilles », note un rapport de Deutsche Bank, soulignant que les transferts des Egyptiens à l’étranger ont dépassé les prévisions.
En général, la balance des paiements s’est améliorée durant la période de la pandémie. « En raison d’un bon niveau des réserves internationales et de l’amélioration du compte courant, nous avons réussi à contrer le déficit de la balance des paiements qui a atteint 5,1 milliards de dollars entre juillet 2019 et mars 2020 en raison du recul du déficit de la balance commerciale de 7,4 % et l’augmentation des transferts courants à cause de la hausse des transferts des Egyptiens à l’étranger de 18,3 % », note le communiqué. Prime Holding prévoit cependant une hausse du déficit du compte courant dans l’avenir proche. « Il y aura sans doute un recul des exportations avec la rentrée de la deuxième vague de la pandémie et le retour des pays aux mesures de confinement. Mais il y aura aussi un recul des importations », note Mona Bédeir, en expliquant que la baisse prévue des prix de pétrole de 43 à 41 dollars/baril en 2021 (selon les estimations du FMI) va réduire la facture des importations pétrolières. « Cependant, cette baisse des prix et cet état d’incertitude va inciter les multinationales pétrolières à réviser leurs plans d’investissements dans les marchés émergents y compris l’Egypte. Par conséquent, les investissements étrangers directs, dont 60 % proviennent du secteur pétrolier, pourraient baisser », prévoit Mona Bédeir, qui s’attend également à une lente reprise du secteur du tourisme avec l’arrivée de la deuxième vague de la pandémie et le retour des pays européens aux procédures de fermeture de leurs territoires. La publication de ces prévisions intervient au moment où le montant des réserves internationales a reculé à 38,4 milliards de dollars pendant le mois d’août contre 45,5 milliards de dollars en février. Une chute qui sonne l’alerte aux responsables. « Selon nos prévisions, la BCE devrait fournir de 12 à 13 milliards de dollars en 2020-2021 pour contrer le fossé de financement. Elle a réussi à obtenir cette somme via deux accords de financement conclus avec le fond et le recours aux marchés internationaux. Donc, il n’y aura pas des pressions sur les réserves durant la prochaine période », prévoit Noaman Khalid.
Les principales mesures gouvernementales pour contrer les répercussions de la pandémie
— Un paquet de stimulus de 100 milliards de L.E. (1,8 % du PIB) pour soutenir les secteurs économiques.
— Augmentation des pensions de 14 %.
— Expansion des programmes sociaux de transferts monétaires.
— Versement des subventions mensuelles de 500 L.E. aux travailleurs irréguliers.
— Initiative de 10 milliards de L.E. pour offrir aux citoyens des prêts de deux ans à faible taux d’intérêt pour payer les biens de consommation à des prix réduits de 10 à 25 %.
— Allocation de 8 milliards de L.E. aux achats d’équipements médicales urgents et nécessaires pour soutenir le secteur de la santé.
— Versement de primes au personnel médical travaillant dans les hôpitaux de quarantaine.
— Allégement de la taxe foncière accordé aux secteurs industriel et touristique.
— Renforcement des subventions aux exportateurs.
— Réduction des prix du carburant pour le secteur de l’aviation.
— Baisse des taux d’intérêt sur les dépôts et l’emprunt de 3 %.
— Réduction du taux d’intérêt préférentiel de 10 à 8 % sur les prêts aux secteurs du tourisme, de l’industrie, de l’agriculture et de la construction.
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