Le plus grand opérateur de téléphonie portable du Royaume saoudien, STC, coté à la Bourse de Riyad Al Tadawul, a annoncé que les discussions entre lui et Vodafone Group pour acquérir la part du groupe dans la filiale Vodafone Egypte se sont soldées sans progrès, faute d’accord, et ce, après plus de 8 mois de délibérations. Le groupe Vodafone et le géant saoudien de télécommunications avaient déclaré séparément dans des communiqués que « les négociations se poursuivent pour finaliser la transaction dans le futur proche ». Bloomberg avait annoncé immédiatement après ces déclarations que le géant saoudien, qui était en passe de faire l’acquisition la plus importante de son histoire depuis celle des 35% d’Oger Telecom (acquis contre 2,6 milliards de dollars en 2008), cherchait à réduire le prix initial de l’offre qui était de 2,39 milliards de dollars. Ceci à cause de pressions sur ses finances dues au double choc global de la chute des cours de pétrole et de la pandémie du Covid-19.
En janvier 2020, STC avait signé un mémorandum d’entente avec le groupe Vodafone basé à Londres pour acquérir la part de Vodafone Group dans la filiale égyptienne, et ce, en échange de 2,39 milliards de dollars. Vodafone Group possède 55% de Vodafone Egypt, alors que les 45% restants appartiennent à Telecom Egypt (ETEL), en tant que représentant du gouvernement égyptien. L’accord final était censé entrer en fonction en juillet 2020. Après la suspension sine die de cette transaction, les indices boursiers ont reculé. Celui de Telecom Egypt a chuté de 7,7%, alors que celui de STC a régressé de 0,3% à la Bourse de Riyad.
Incertitudes
Ces reculs reflètent l’avenir incertain de cette transaction. Un communiqué de Telecom Egypt se veut « très diplomatique » et ne dit rien de concret. La compagnie gouvernementale affirme n’avoir reçu « aucune offre de la part de STC et de Vodafone » et qu’elle « n’a aucune information sur les discussions entre eux ». Telecom Egypt affirme être capable de faire des choix stratégiques tout en préservant ses intérêts et ceux de ses actionnaires.
A la lumière de ces évolutions, il existe trois scénarios dans lesquels la partie égyptienne serait bénéficiaire. Le premier est l’usage du droit de préemption qui accorde à Telecom Egypt la priorité pour acquérir les actions de Vodafone Group dans la filiale égyptienne. Le deuxième est de garder le statu quo, c’est-à-dire sa part de 45%, et le dernier scénario est de vendre sa part dans la filiale égyptienne.
Le premier scénario semble opportun au moment où l’Egypte cherche à élargir son infrastructure avec des investissements colossaux et fait de son mieux pour introduire les applications 5G, ce qui requiert de plus grandes entités. Le secteur des télécommunications devrait connaître une croissance de 300 % des investissements publics en 2020-2021, soit 10 milliards de L.E., pour développer ses infrastructures et achever le plan gouvernemental de la numérisation.
Selon le site d’informations économiques, Economy Plus, ETEL aurait demandé aux banques d’investissement EFG Hermes et City Bank d’étudier une potentielle acquisition de Vodafone Group. Selon le même site, EFG Hermes et City Bank seraient en contact avec 4 ou 5 banques étrangères, dont les Banques du Mashrek et d’Abu-Dhabi, qui ont accepté de financer une éventuelle transaction. La même source mentionne que l’option d’une restructuration est sur la table, de même que la création d’une nouvelle entité regroupant le réseau WE et Vodafone Egypt.
Il faut noter que Vodafone Egypt est une bonne opportunité pour les investisseurs ciblant des méga-projets. Selon la banque d’investissement Sigma, les revenus de Vodafone Egypt ont atteint, en 2019, 25,8 milliards de L.E. Et ils devraient atteindre 28,7 milliards de L.E. en 2020.
« Le problème du financement qui se poserait en cas de recours au droit de préemption peut être facilement réglé à travers un ou plusieurs partenariats, ou encore à travers l’obtention d’un crédit garanti par les nouvelles actions, et remboursé à travers les revenus. Il ne compromettra pas le remboursement de la dette cumulée sur Telecom Egypt de l’ordre de 40,7 milliards de L.E. qui sont redevables à long terme, et de 13,7 milliards de L.E. redevables à court terme », analyse Amr Al-Alfi, chef du département de la recherche auprès de Prime Holding.
Le deuxième scénario est que Vodafone Egypt se contente de sa part actuelle et qu’elle ne cherche pas à acquérir les actions de Vodafone dans sa filiale égyptienne, et dans ce cas, ces actions iront à une tierce partie, que ce soit STC ou autre. Le troisième scénario, selon Al-Alfli, est que Telecom Egypt décide de vendre sa part dans Vodafone Egypt pour élargir ses activités et entrer en force sur le marché de la fintech à travers une compagnie qui lui est dépendante.
Selon un rapport publié par la banque d’investissement Sigma, le deuxième scénario est le plus probable. « Vodafone est essentiel pour ETEL, car elle soutient son cash-flow et sa profitabilité », explique le rapport. Et d’ajouter: « Nous estimons que la vente des actions d’ETEL affectera l’entreprise et ne lui sera point profitable. ETEL n’a que deux choix pour garder les actions de Vodafone Group: un financement énorme allant au-delà de la capitalisation boursière de la compagnie et le maintien de sa part actuelle », note le rapport.
Al-Alfi, pour sa part, affirme que le sort de cette transaction dépendra de deux facteurs. Le premier est le montant de la transaction, et le second est la stratégie d’ETEL et quels sont ses objectifs. « Il y a des rumeurs selon lesquelles la valeur de l’offre pourrait baisser de 10 à 15 %, ce qui serait positif pour l’Egypte », ajoute-t-il.
Au final, dans les trois scénarios, la partie égyptienne est gagnante. L’acquisition lui permettra d’ajouter à son portefeuille 40 millions d’abonnés, si elle décide de vendre ses actions, dont la valeur est estimée à 6 milliards de L.E. Selon les derniers bilans financiers issus en juin dernier, elle gagnera 5 fois ce montant et aura l’opportunité de faire des expansions. Et enfin, si elle maintient les 45%, elle encaissera près de la moitié des revenus annuels de l’entreprise, qui seront de l’ordre de 13 milliards de L.E.
Cependant, rien n’est encore réglé. Il faut attendre pour voir .
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