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Adieu à l’essence, bienvenue au gaz …

Marwa Hussein, Lundi, 20 juillet 2020

Le gouvernement entend convertir le parc automobile égyptien au gaz naturel, plus économique et moins polluant que l'essence et le diesel. Tous les véhicules, anciens ou nouveaux, sont concernés.

Adieu à l’essence, bienvenue au gaz …
L’Egypte dispose actuellement de 190 stations-service de gaz naturel et quelque 366 autres stations seront construites prochainement.

L’Egypte cherche à convertir les véhicules au Gaz Naturel Comprimé (GNC). L’annonce a été faite par le prési­dent de la République Abdel-Fattah Al-Sissi. « Les nouvelles voitures n’obtiendront pas de licence tant qu’elles n’auront pas été converties au gaz naturel », a déclaré Al-Sissi, lors de la visite, le 11 juillet, d’un complexe de logements visant à reloger les habitants des bidonvilles. La décision s’appliquera aux mini­bus, aux voitures privées et aux taxis. Elle concerne aussi les pro­priétaires de véhicules qui ont plus de 20 ans. « Celui qui pos­sède une voiture de plus de 25 ans a beaucoup de frais de répa­ration et de carburant. Nous vous aiderons à obtenir un prêt au coût le plus bas possible, pour que cette voiture soit équipée pour rouler au gaz naturel vu que cela permet d’économiser la moi­tié du prix du carburant », a ajouté le chef d’Etat.

Les propos du président ont ensuite été explicités par la ministre de l’Industrie et du Commerce, Névine Gamea, qui a donné plus de détails sur le plan du gouvernement. Elle a déclaré qu’une campagne médiatique avait été lancée afin d’encourager les citoyens à convertir leurs véhi­cules au gaz naturel, pour alléger le fardeau de la hausse des prix de l’essence. Elle a également évo­qué des programmes de finance­ment à échéance de 5 ans lancés par les banques, pour couvrir les frais de conversion d’une voiture au gaz naturel. Le plan du gouver­nement concerne en premier lieu les propriétaires de véhicules de plus de 20 ans. Selon Gamea, les propriétaires de ces automobiles pourront également les vendre au gouvernement et ils obtiendront ainsi un prêt sans intérêt pour une nouvelle voiture. « Nous avons d’abord pensé octroyer le prêt à un taux d’intérêt bas, mais le pré­sident a interdit les prêts à intérêt. Nous avons contacté des usines automobiles et elles sont en mesure de répondre à la demande », a-t-elle déclaré.

Les véhicules utilitaires d’abord

Les constructeurs automobiles égyptiens se sont prononcés en faveur de l’initiative. « D’une part, le gaz prolonge la durée de vie du moteur, et d’autre part, la conversion au gaz naturel est un phénomène mondial, et en 2040, il n’y aura plus de véhicules qui fonctionneront à l’essence ou au diesel », a déclaré à l’Hebdo Khaled Saad, secrétaire général de l’Association des construc­teurs automobiles égyptiens. Cependant, il souligne que la mise en oeuvre de cette décision prendra des années étant donné que le pays ne possède pas suffi­samment de stations-service au gaz naturel : 190 seulement dans les différents gouvernorats. La ministre de l’Industrie a déclaré que 366 autres stations seraient ainsi construites d’un coût de 6,7 milliards de L.E. Quant à Saad, il explique que l’application de la décision se fera en plusieurs étapes, en commençant par les véhicules utilitaires comme les microbus, les pickups et les autobus, étant donné que ce sont eux qui utilisent le plus l’es­sence à indice d’octane 80 ou le diesel, les combustibles les plus subventionnés. « Ensuite vien­nent les taxis, dont une partie a déjà été convertie en véhicules alimentés en biocarburants (qui fonctionnent à la fois au gaz et à l’essence). Finalement, la déci­sion sera appliquée aux véhi­cules privés », explique Saad.

Névine Gamea précise que selon un inventaire réalisé en coordination avec le ministère de l’Intérieur, 1,8 million de véhicules sont concernés par l’initiative, qui devrait être mise en oeuvre sur une période de deux à cinq ans, pour un coût de 320 milliards de L.E. (20 mil­liards de dollars). Elle note qu’il existe déjà un programme de conversion au gaz des véhicules à essence qui concerne, dans une première phase, 147 000 véhi­cules sur une période de 3 ans et pour un coût de 1,2 milliard de L.E. La ministre précise aussi que l’Egypte compte 240 000 microbus fonctionnant au diesel. « Il est difficile de les convertir au gaz naturel, et ils seront rem­placés par des microbus modernes dans le cadre d’un plan sur 4 ans. Nous fournirons au conducteur du microbus un véhicule moderne avec des faci­lités de financement », a-t-elle expliqué. Finalement, en ce qui concerne les taxis, Gamea sou­ligne qu’il existe 50 000 taxis de plus de 20 ans, que le gouverne­ment entend convertir au gaz naturel sur deux ans.

Avantages et inconvénients

Le gouvernement a annoncé que les objectifs de l’initiative sont à la fois économiques et environnementaux. « La conver­sion des véhicules au gaz naturel permettra d’économiser des devises étrangères », a expliqué Gamal Askar, expert du secteur automobile. « D’une part, l’Etat dépense entre 8 et 9 milliards de dollars annuellement pour l’im­portation des carburants. D’autre part, le pays dispose d’importantes réserves de gaz, tel le champ géant Zohr dont les réserves sont estimées à 3 trillions de m3. La plus grande part de la production des nou­veaux champs doit être utilisée dans l’industrie tandis que le reste sera utilisé dans la conver­sion des véhicules au gaz natu­rel », explique Askar, qui sou­ligne que le consommateur éco­nomisera plus de 50 % de sa facture d’essence. Même son de cloche chez Khaled Saad : « Le gouvernement a dit qu’il finan­cerait la conversion en octroyant des prêts. Les consommateurs vont ainsi récupérer le coût de cette conversion en un an étant donné les économies réalisées sur la facture de carburant en cas d’utilisation du gaz natu­rel ». A un autre niveau, le recours au gaz naturel réduira les émissions de dioxyde de car­bone, et par là même la facture des traitements des maladies qui en résultent, comme l’asthme et les maladies pulmonaires des enfants, qui coûtent environ 2 milliards de L.E. par an, ajoute Askar.

Estimant l’initiative positive, Askar souligne deux éléments importants : le temps nécessaire pour sa mise en oeuvre et la dif­ficulté de convertir tous les véhi­cules. « Les producteurs sont perturbés par le fait que la déci­sion pourrait être appliquée de façon trop rapide. Nous avons 7,6 millions de véhicules à essence qui circulent en Egypte, le premier ministre a déjà annoncé un projet pour conver­tir environ 150 000 véhicules sur 3 ans en plus de quelque 350 000 autres véhicules déjà alimentés en biocarburants. C’est un petit pourcentage des véhicules exis­tants. La conversion sur une plus grande échelle prendra normalement des années », explique-t-il. Les experts ont aussi indiqué qu’il était difficile de convertir des marques de luxe comme BMW, Mercedes, Jaguar, Austin Martin, ou Range Rover en véhicules alimentés en biocarburants. Askar souligne que ces constructeurs n’autori­sent pas, en principe, des modifi­cations de leurs véhicules, sinon, la garantie est annulée. « En plus, le propriétaire d’une auto­mobile valant plusieurs millions de L.E. ne sera pas intéressé par des économies de quelques cen­taines ou milliers de L.E. sur la facture de carburant », ajoute-t-il. « J’imagine que comme toute autre décision, il y aura des exceptions à cette initiative », conclut Saad.

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