Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous la gestion par l’Egypte de l’impact économique du coronavirus ?
Uma Ramakrishnan: Les autorités égyptiennes ont parfaitement contenu l’impact économique de la pandémie de coronavirus. Des mesures fiscales, monétaires et financières ont été annoncées et mises en place. Il s’agit d’augmenter les allocations versées au secteur de la santé, de soutenir les secteurs directement touchés et d’étendre les couvertures sociales aux couches les plus pauvres et les plus vulnérables. A titre d’exemple, la Banque Centrale d’Egypte (BCE) a pris des mesures pour atténuer les pressions qui pesaient sur les liquidités du pays et a également amélioré les conditions de crédit. Quel que soit le type d’intervention, le défi à relever pour le gouvernement était de veiller à ce que ces mesures soient transparentes, et que les secteurs les plus touchés puissent en bénéficier sans retard. Ces mesures exceptionnelles seront graduellement supprimées lorsque la situation sera redevenue normale.
— Pensez-vous que l’Egypte ait besoin d’un nouvel assouplissement monétaire ?
— La BCE fonde ses décisions en général sur les données financières qui se trouvent à sa disposition, et donc toute nouvelle étape ou procédure sera liée à son objectif fixe de maintenir l’inflation dans la fourchette cible de 9% (± 3%).
Autrement dit, toute nouvelle étape d’assouplissement monétaire sera liée à la capacité de la Banque Centrale à maintenir les anticipations d’inflation aux alentours de cette fourchette cible de 9 % (± 3%). Cela exige bien sûr de tenir compte des conditions économiques et financières qui auront un impact sur ces anticipations.
— Les programmes d’incitations fiscales et financières peuvent-ils atténuer les effets de la pandémie de coronavirus en Egypte, dans la région et dans le monde ?
— Le choc résultant du Covid-19 a eu un impact majeur sur la vie des gens et leurs moyens de subsistance dans le monde entier. L’Egypte n’a épargné aucun effort pour faire face à cette situation, d’autant plus que la politique d’absorption des chocs que le gouvernement avait adoptée au cours des dernières années a placé l’Egypte en position de force pour surmonter la crise. Cependant, même après les réformes structurelles entreprises par le gouvernement, le bouleversement soudain de l’activité économique à cause de l’épidémie a été considérable. Le gouvernement égyptien a donc immédiatement annoncé un ensemble d’incitations financières pour faire face prioritairement au choc qui a frappé le secteur médical en Egypte. A un autre niveau, les programmes de protection sociale ont ciblé les secteurs les plus touchés et les segments les plus vulnérables de la société. Cette prise en charge immédiate a permis de réduire les pressions exercées sur ces segments.
— L’Egypte a-t-elle besoin de nouvelles réformes ?
— Le programme audacieux d’ajustement structurel adopté par l’Egypte au cours de la période 2016-2019 a largement contribué à réaliser la stabilisation macroéconomique. La prochaine vague de réformes structurelles— qui est déjà en route— contribuera à soutenir une croissance forte et inclusive entraînée par le secteur privé et orientée vers la création d’emplois parallèlement à une réduction de la pauvreté. Les réformes économiques entamées en 2016 par les autorités et soutenues par le FMI ont permis d’améliorer la gouvernance et la transparence des entreprises publiques, de faire progresser la concurrence et de faciliter le commerce. Tels sont les ingrédients essentiels qui permettront l’entrée en force des acteurs du secteur privé.
— L’Egypte a été obligée de recourir à l’emprunt pour faire face à la crise du Covid-19. Quelle est votre évaluation de la situation en ce qui concerne la dette extérieure, et quelles sont vos attentes concernant la question du ratio élevé dette-PIB, en particulier après les derniers prêts ?
— Les niveaux élevés d’endettement public et les besoins de financer les déficits créent certes des vulnérabilités. Il s’agit là de l’un des sujets les plus fréquemment débattus dans le cadre du G20. Permettez-moi de prendre un peu de recul pour mieux expliquer la situation. Avant la pandémie, les autorités avaient fait des progrès significatifs dans la réduction de la dette publique, qui est ainsi passée de 103% du PIB en juin 2017, à 84% du PIB en juin 2019. Mais avec la crise du Covid-19, comme dans d’autres marchés émergents, les finances publiques ont été soumises à des pressions considérables. Les recettes fiscales ont diminué et les dépenses ont augmenté, vu les fonds qui ont été orientés vers les dépenses médicales et sociales de base ainsi que vers les secteurs les plus touchés. Ainsi, les emprunts ont augmenté au-delà des plafonds qui étaient prévus en Egypte. Par conséquent, la dette devrait atteindre environ 93% du PIB d’ici la fin de l’exercice financier 2020-2021. Mais une fois que la situation commencera à redevenir normale, il sera essentiel de remettre la dette publique sur une trajectoire descendante.
— Le dernier prêt accordé à l’Egypte impose-t-il au gouvernement de nouvelles réformes économiques ou structurelles ?
— Le dernier prêt du FMI selon les modalités du Stand-By Arrangement (SBA), d’un montant de 5,2 milliards de dollars, vise à préserver la stabilisation macroéconomique et parallèlement, les acquis des réformes structurelles. Ceci afin de sauvegarder les gains réalisés au cours des trois dernières années et placer l’Egypte sur des fondements solides afin de lui garantir une reprise durable après la crise. Le SBA aidera à la réalisation de ces objectifs, notamment en soutenant les dépenses de santé et les programmes sociaux nécessaires, en améliorant la gouvernance et la transparence des entreprises publiques, et en permettant une croissance entraînée par le secteur privé et orientée vers la création d’emplois, ainsi que la réforme des législations douanières pour faciliter les affaires. Il est question également de renforcer la concurrence pour aider à uniformiser les règles du jeu pour les acteurs des marchés publics et privés.
— Après avoir reçu la première tranche, quand les deux autres tranches seront-elles accordées au gouvernement égyptien ?
— En ce qui concerne le montant des deux tranches restantes, il sera déterminé par le conseil d’administration du fonds, mais les tranches seront accordées lors des 12 prochains mois.
— Qu’en est-il du premier prêt de 2,8 milliards de dollars que l’Egypte a obtenu ?
— Le premier prêt était un outil de financement rapide, c’est-à-dire un paiement unique. C’est le fait pour le gouvernement égyptien d’« acheter » 2,8 milliards de dollars sans aucune condition. La période de remboursement varie entre 39 mois et 5 ans l
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