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Uma Ramakrishnan : L’Egypte a parfaitement contenu les retombées économiques du Covid-19

Névine Kamel, Dimanche, 12 juillet 2020

Le Fonds Monétaire International (FMI) a récem­ment approuvé l’octroi à l’Egypte de 2 prêts d’une valeur de 8 milliards de dol­lars pour contrer le corona­virus. La chef de mission du Fonds pour l’Egypte, Uma Ramakrishnan, revient sur les mesures gouverne­mentales de lutte contre la pandémie et les moyens de tirer profit des deux prêts.

Uma Ramakrishnan

Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous la gestion par l’Egypte de l’impact économique du coronavirus ?

Uma Ramakrishnan: Les autorités égyptiennes ont parfaitement conte­nu l’impact économique de la pandé­mie de coronavirus. Des mesures fiscales, monétaires et financières ont été annoncées et mises en place. Il s’agit d’augmenter les allocations versées au secteur de la santé, de soutenir les secteurs directement touchés et d’étendre les couvertures sociales aux couches les plus pauvres et les plus vulnérables. A titre d’exemple, la Banque Centrale d’Egypte (BCE) a pris des mesures pour atténuer les pressions qui pesaient sur les liquidités du pays et a également amélioré les conditions de crédit. Quel que soit le type d’in­tervention, le défi à relever pour le gouvernement était de veiller à ce que ces mesures soient transparentes, et que les secteurs les plus touchés puissent en bénéficier sans retard. Ces mesures exceptionnelles seront graduellement supprimées lorsque la situation sera redevenue normale.

— Pensez-vous que l’Egypte ait besoin d’un nouvel assouplisse­ment monétaire ?

— La BCE fonde ses décisions en général sur les données financières qui se trouvent à sa disposition, et donc toute nouvelle étape ou procé­dure sera liée à son objectif fixe de maintenir l’inflation dans la four­chette cible de 9% (± 3%).

Autrement dit, toute nouvelle étape d’assouplissement monétaire sera liée à la capacité de la Banque Centrale à maintenir les anticipations d’inflation aux alentours de cette fourchette cible de 9 % (± 3%). Cela exige bien sûr de tenir compte des conditions économiques et financières qui auront un impact sur ces antici­pations.

— Les programmes d’incitations fiscales et financières peuvent-ils atténuer les effets de la pandémie de coronavi­rus en Egypte, dans la région et dans le monde ?

— Le choc résultant du Covid-19 a eu un impact majeur sur la vie des gens et leurs moyens de subsis­tance dans le monde entier. L’Egypte n’a épargné aucun effort pour faire face à cette situation, d’autant plus que la politique d’absorption des chocs que le gouvernement avait adoptée au cours des dernières années a placé l’Egypte en position de force pour surmonter la crise. Cependant, même après les réformes structurelles entreprises par le gou­vernement, le bouleversement sou­dain de l’activité économique à cause de l’épidémie a été considé­rable. Le gouvernement égyptien a donc immédiatement annoncé un ensemble d’incitations financières pour faire face prioritairement au choc qui a frappé le secteur médical en Egypte. A un autre niveau, les programmes de protection sociale ont ciblé les secteurs les plus touchés et les segments les plus vulnérables de la société. Cette prise en charge immédiate a permis de réduire les pressions exercées sur ces segments.

— L’Egypte a-t-elle besoin de nouvelles réformes ?

— Le programme audacieux d’ajustement structurel adopté par l’Egypte au cours de la période 2016-2019 a largement contribué à réaliser la stabilisation macroécono­mique. La prochaine vague de réformes structurelles— qui est déjà en route— contribuera à soutenir une croissance forte et inclusive entraînée par le secteur privé et orientée vers la création d’emplois parallèlement à une réduction de la pauvreté. Les réformes économiques entamées en 2016 par les autorités et soutenues par le FMI ont permis d’améliorer la gouvernance et la transparence des entreprises publiques, de faire progresser la concurrence et de faciliter le com­merce. Tels sont les ingrédients essentiels qui permettront l’entrée en force des acteurs du sec­teur privé.

— L’Egypte a été obli­gée de recourir à l’em­prunt pour faire face à la crise du Covid-19. Quelle est votre évalua­tion de la situation en ce qui concerne la dette extérieure, et quelles sont vos attentes concer­nant la question du ratio élevé dette-PIB, en particulier après les derniers prêts ?

— Les niveaux élevés d’endettement public et les besoins de financer les déficits créent certes des vulnéra­bilités. Il s’agit là de l’un des sujets les plus fréquemment débattus dans le cadre du G20. Permettez-moi de prendre un peu de recul pour mieux expliquer la situation. Avant la pan­démie, les autorités avaient fait des progrès significatifs dans la réduc­tion de la dette publique, qui est ainsi passée de 103% du PIB en juin 2017, à 84% du PIB en juin 2019. Mais avec la crise du Covid-19, comme dans d’autres marchés émer­gents, les finances publiques ont été soumises à des pressions considé­rables. Les recettes fiscales ont dimi­nué et les dépenses ont augmenté, vu les fonds qui ont été orientés vers les dépenses médicales et sociales de base ainsi que vers les secteurs les plus touchés. Ainsi, les emprunts ont augmenté au-delà des plafonds qui étaient prévus en Egypte. Par consé­quent, la dette devrait atteindre envi­ron 93% du PIB d’ici la fin de l’exercice financier 2020-2021. Mais une fois que la situation commencera à redevenir normale, il sera essentiel de remettre la dette publique sur une trajectoire descendante.

— Le dernier prêt accordé à l’Egypte impose-t-il au gouverne­ment de nouvelles réformes écono­miques ou structurelles ?

— Le dernier prêt du FMI selon les modalités du Stand-By Arrangement (SBA), d’un montant de 5,2 milliards de dollars, vise à préserver la stabilisation macroéco­nomique et parallèlement, les acquis des réformes structurelles. Ceci afin de sauvegarder les gains réalisés au cours des trois dernières années et placer l’Egypte sur des fondements solides afin de lui garantir une reprise durable après la crise. Le SBA aidera à la réalisation de ces objectifs, notamment en soutenant les dépenses de santé et les pro­grammes sociaux nécessaires, en améliorant la gouvernance et la transparence des entreprises publiques, et en permettant une croissance entraînée par le secteur privé et orientée vers la création d’emplois, ainsi que la réforme des législations douanières pour faciliter les affaires. Il est question également de renforcer la concurrence pour aider à uniformiser les règles du jeu pour les acteurs des marchés publics et privés.

— Après avoir reçu la première tranche, quand les deux autres tranches seront-elles accordées au gouvernement égyptien ?

— En ce qui concerne le montant des deux tranches restantes, il sera déterminé par le conseil d’adminis­tration du fonds, mais les tranches seront accordées lors des 12 pro­chains mois.

— Qu’en est-il du premier prêt de 2,8 milliards de dollars que l’Egypte a obtenu ?

— Le premier prêt était un outil de financement rapide, c’est-à-dire un paiement unique. C’est le fait pour le gouvernement égyptien d’« ache­ter » 2,8 milliards de dollars sans aucune condition. La période de remboursement varie entre 39 mois et 5 ans l

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