L’egypte a revu ses prévisions de croissance économique à la baisse pour l’exercice en cours. Le ministre des Finances, Mohamad Maeït, a déclaré que le taux de croissance pour l’exercice 2019-2020 se limiterait à 4% contre 6% initialement prévu, en raison de la crise du Covid-19. Le ministre a mentionné que le Produit Intérieur Brut (PIB) a perdu 130 milliards de L.E. Le rapport de la Banque Mondiale (BM) sur les perspectives économiques mondiales de juin 2020 signale une croissance du PIB égyptien de 3 % en 2019-2020. Le rapport indique cependant que la croissance de l’Egypte au cours de l’exercice 2019-2020 a été stimulée par une « activité favorable » avant le début de la pandémie, mais cette dernière a, depuis, interrompu la croissance. La BM souligne que l’Egypte et Djibouti sont les deux seuls pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) dont les économies ne se contracteront pas au cours de cet exercice, avec une croissance prévue pour l’Egypte équivalente au double de celle de Djibouti (1,3 %).
Le taux de croissance économique en Egypte avait baissé à 5% au cours du troisième trimestre de l’exercice 2019-2020 qui s’est achevé fin mars, soit deux semaines seulement après la découverte du premier cas de coronavirus dans le pays. Avant la crise, le gouvernement s’attendait à un taux de croissance de 5,9% au cours de cette période. La ministre de la Planification, Hala Al-Saïd, a déclaré que cette baisse était due « à la régression de plusieurs secteurs touchés par le Covid-19 comme le tourisme, le commerce de gros et de détail et l’industrie ». Elle a précisé que la contribution du secteur du tourisme au Produit Intérieur Brut (PIB) était tombée à 2,7% au troisième trimestre de l’exercice 2019-2020, contre 3% au même trimestre de l’exercice 2018-2019. Celle du secteur industriel a également baissé, passant de 12,8% à 12,2% contre 12,8%.
Parallèlement, la contribution du secteur des télécommunications au PIB est passée de 2,5% à 2,7% au troisième trimestre de l’exercice 2019-2020. Les secteurs des télécommunications, de l’agriculture, des médicaments, des produits chimiques et de la construction disposent d’une flexibilité qui leur permet de croître malgré la crise du Covid-19, selon la ministre. La croissance économique de l’Egypte dépendra de ces secteurs pendant la crise.
Le ministère due la Planification avait révisé à la baisse le taux de croissance prévu pour l’exercice 2020-2021, qui commence en juillet, à deux reprises depuis l’éclatement de la crise du Covid-19. Hala Al-Saïd a révélé, lors d’une conférence en ligne organisée par la Chambre américaine du commerce, que la croissance pourrait baisser à 3,5% en 2020-2021 si la crise du coronavirus se terminait en juin, mais elle a insinué que la crise pourrait se prolonger jusqu’au premier, voire deuxième, trimestre du prochain exercice fiscal. En avril, Al-Saïd avait déclaré que le gouvernement vise un taux de croissance de 4,5% pour l’exercice 2020-2021, qui pourra cependant tomber à 3,5% si la crise du coronavirus se maintient au-delà de la première moitié de l’exercice. Ceci contre des prévisions initiales de 5,8% avant la crise. La banque d’investissement Prime Holding prévoit un taux de croissance de 3,8% en 2019-2020 qui baisserait à 3,5% l’année suivante.
L’Egypte tire son épingle du jeu
Une baisse plus drastique du taux de croissance surviendra si la pandémie se prolonge. Le gouvernement estime que le taux de croissance tombera à 2 % au cours de l’année fiscale 2020-2021, si la crise du coronavirus sévit jusqu’à décembre 2020. Les prévisions des institutions internationales, comme le Fonds Monétaire International (FMI), optent généralement pour des scénarios moins optimistes que ceux du gouvernement. Ainsi, le FMI prévoit pour l’économie égyptienne une croissance de 2 % seulement à cause du coronavirus. Et la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) prévoit un taux de croissance de 3% en 2020-2021, malgré l’accélération de la croissance en Egypte au cours des six premiers mois de l’exercice 2019-2020, une accélération similaire à celle réalisée en 2018-2019 (5,6%).
La banque attribue le ralentissement de la croissance au Covid-19, avec notamment des perspectives assez faibles dans le secteur du tourisme, des perturbations dans les chaînes de valeur mondiales, une demande plus faible des partenaires commerciaux et un ralentissement des investissements directs étrangers. Hala Al-Saïd a évoqué au parlement les différents scénarios à venir en signalant les prévisions du FMI. Elle a cependant souligné que selon les institutions internationales, l’Egypte sera peut-être le seul pays de la région à réaliser un taux de croissance positif malgré la pandémie. « Les institutions internationales s’attendent à ce que l’Egypte fasse partie d’un petit nombre de pays qui connaîtront des taux de croissance positifs d’environ 2%, tandis que l’économie mondiale connaîtra sans doute une baisse des taux de croissance de 7 % en moyenne », a déclaré Hala Al-Saïd, lors de la première réunion du conseil consultatif de la Fondation Kemet Boutros Ghali. Elle a ajouté qu’entre 25 et 30 millions d’emplois dans le monde seront perdus en raison de la pandémie de coronavirus. Le commerce mondial connaîtra une forte baisse parallèlement à une contraction économique générale.
« La baisse des taux de croissance est surtout due à des facteurs externes, comme le tourisme », explique Mona Bédeir, économiste en chef auprès de la banque d’investissement Prime. « L’envie de voyager ne sera rétablie qu’après la découverte d’un vaccin ou d’un médicament contre le Covid-19. Une reprise du tourisme ne peut être prévue avant le troisième trimestre de 2020-2021 », estime-t-elle. Et d’ajouter que le tourisme affecte les secteurs qui l’alimentent. Il existe d’autres facteurs extérieurs comme les exportations et les revenus du Canal de Suez, qui baisseront à cause de la régression du commerce international, mais aussi la baisse des prix du pétrole et du gaz naturel. « Nos principaux partenaires commerciaux comme l’Europe et les pays du Golfe sont gravement affectés par la crise. Les économies européennes vont se contracter de 7%, selon le FMI, alors que les pays du Golfe seront sévèrement affectés par la baisse des prix du pétrole », détaille Mona Bédeir. Elle ajoute que la consommation locale baisserait aussi à cause de la hausse attendue des taux de chômage. Cependant, elle considère que l’économie égyptienne est résiliente par rapport à d’autres économies grâce à sa grande diversité. Des secteurs comme la construction, l’immobilier et une partie du secteur industriel soutiendront la croissance l’empêchant de devenir négative.
Chômage et inflation en hausse
Le taux de chômage en Egypte a augmenté après une baisse durant plusieurs trimestres consécutifs. A la mi-mai, l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (CAPMAS) a annoncé que les taux de chômage en Egypte étaient tombés à 7,7% au premier trimestre 2020, contre 8% au cours de la même période en 2019. Mais le chômage est remonté à 9,2% fin avril à cause des mesures de prévention adoptées par le gouvernement pour contenir la pandémie de Covid-19. Dans ses récentes perspectives mondiales et régionales publiées en avril, le FMI prévoyait un taux de chômage en Egypte de 10,3 % en 2020, et de 11,6% en 2021, dans le contexte de la crise du Covid-19, et ce, contre 8,8% en 2019.
Hala Al-Saïd a indiqué que les secteurs de l’agriculture, du commerce de gros, de détail et des industries manufacturières représentent environ 50% du total de la main-d’oeuvre sur le marché du travail égyptien. Mona Bédeir pense que le taux de chômage atteindra 10,8% en 2020, et 11,7% l’année prochaine. « Normalement entre 500000 et 700000 personnes entrent sur le marché du travail chaque année. Au total, l’Egypte a 2 millions de chômeurs, nous pensons que la crise créera un million de chômeurs supplémentaires. Le secteur du tourisme emploie 800000 personnes, selon le CAPMAS, dont la moitié ou au moins 40% perdront leur travail à cause de la crise, en plus des nouveaux entrants à la recherche d’un emploi sans compter les autres secteurs affectés par la crise », argumente-t-elle. Et d’ajouter qu’une partie des Egyptiens travaillant dans les pays du Golfe pourraient aussi perdre leurs emplois à cause de la crise.
Le taux annuel d’inflation des prix à la consommation a lui aussi augmenté en avril, après des mois de baisse consécutive passant à 5,9%, contre 4,6% en mars, selon les chiffres du CAPMAS. Al-Saïd a souligné que cela était dû à l’augmentation saisonnière de la demande sur les produits alimentaires et les boissons au cours du mois du Ramadan. « Le taux d’inflation moyen des dix premiers mois de l’année fiscale 2019-2020 s’élevait à environ 5,3%, contre 13,3% au cours de la même période de l’exercice précédent », a-t-elle dit. L’inflation annuelle de base qui élimine les éléments volatils, tels les produits alimentaires, est montée à 2,54% en avril, contre 1,89% en mars, selon les données de la Banque Centrale. Prime s’attend à ce que l’inflation reste stable malgré la crise. « Les prix internationaux des produits alimentaires baissent à cause de la baisse de la demande, alors que les prix du pétrole resteraient probablement autour des 40 dollars, bien en dessous des prévisions du gouvernement dans le budget », a expliqué Hala Al-Saïd, niant l’hypothèse de pressions inflationnistes.
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