Ce fut un lundi noir. Le 20 avril restera sans doute dans les annales et ne sera jamais oublié. Ce jour-ci, les prix du brut américain (West Texas Intermediate, WTI) pour livraison en mai sont passés pour la première fois de l’histoire sous la barre de zéro dollar (soit -37,63 dollars). Autrement dit, les investisseurs, cherchant à se débarrasser de leurs barils, étaient prêts à payer pour trouver preneur. « Ceux qui avaient acheté du pétrole livrable le 21 avril étaient censés recevoir leurs cargaisons, mais cela était impossible en l’absence d’une capacité de stockage aux Etats-Unis », explique Stéphane Déo, stratégiste, dans une note publiée par l’agence britannique Reuters. Quant aux contrats de livraison en juin, ils ont cédé 18 % de leur valeur à 20,43 dollars, tandis que le Brent de la mer du Nord de la même échéance a fini en baisse de 5,22 %, à 29,93 dollars. Les prix ont rebondi dès le lendemain et jusqu’à la fin de la semaine. Le WTI pour livraison en juin avait bondi de 19 % mercredi et de 6% jeudi après les déclarations du président américain, Donald Trump, qui a annoncé avoir donné l’ordre de « détruire » toute embarcation iranienne qui s’approcherait de façon dangereuse de navires américains dans le Golfe, région-clé pour le transport du pétrole. De même, le Koweït a annoncé son intention de baisser la production sans attendre la mise en application de l’accord de l’Opep au début du mois prochain. « Bien que l’accord entre en vigueur le 1er mai et qu’il ne reste que quelques jours pour commencer sa mise en application, le Koweït a senti qu’il lui incombait, de par sa responsabilité, de réduire une partie de son approvisionnement des marchés mondiaux », a annoncé le ministre du Pétrole koweïtien à l’agence de presse gouvernementale KUNA.
En effet, l’effondrement des prix du pétrole américain est intervenu quelques jours après la signature d’un accord historique de réduction de la production de pétrole entre les 13 membres de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) et les 10 alliés menés par Moscou. Ces derniers, formant Opep+, ont décidé, lors d’une réunion exceptionnelle tenue le 12 avril, de baisser la production de presque 10 millions de barils/jour pendant les mois de mai et juin. Objectif: freiner l’effondrement des cours de l’or noir résultant de la guerre des prix entre l’Arabie saoudite et la Russie. « Cette réduction étalée sur plus d’une année débutera donc par une baisse de 10 millions de barils à partir du mois de mai cette année. Mais dès juillet, la réduction sera amoindrie à 8 millions de barils, pour finalement passer à 6 millions dès janvier prochain », selon le ministre.
Une reprise est-elle possible ?
Une surabondance de l’offre de l’or noir de 30 millions de barils/jour pour la première fois dans l’histoire du pétrole, la saturation des capacités de stockage et une baisse de la demande de presque un tiers. Cette situation inédite est causée en premier lieu par le confinement de plus de la moitié de la population mondiale et l’arrêt complet des transports et des activités économiques.
Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la demande mondiale de pétrole devrait enregistrer une baisse record de 9,3 millions de barils/jour en 2020. « En avril, la demande a connu une baisse d’environ 29 millions de barils/jour par rapport à l’année passée, une baisse qui n’avait pas été observée depuis 1995 », a averti l’AIE dans son rapport mensuel très largement suivi.
De même, l’Opep a averti elle-même dans son rapport mensuel publié le 16 avril que la baisse de la demande sur le pétrole continuera jusqu’à la fin de l’année. « La contraction de la demande de pétrole s’étendra au 3e trimestre de 2020 (6 mb/j) et au 4e trimestre (3,5 mb/j) », note le rapport.
Cette baisse de la demande se conjugue avec un surplus de l’offre sans précédent et la saturation des capacités de stockage dans certains pays du monde.
Donc, quel avenir pour les prix du pétrole ? L’expert pétrolier au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Magdi Sobhi, assure à l’Hebdo que les prix de l’or pourraient rebondir dès le mois de mai avec le retour partiel de l’activité économique dans différents pays du monde et l’application de l’accord de l’Opep. « Les prix vont rebondir graduellement dès le mois prochain et pourraient atteindre 35 ou 40 dollars d’ici la fin de l’année. Tout dépend du respect par les pays de l’Opep de réduire leur production », souligne-t-il, en prévoyant une nouvelle baisse de la production par l’Opep qui tiendra sa prochaine réunion en juin prochain .
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