Sauver les vies, c'est la 1re priorité des politiques, souligne Jihad Azour du FMI.
La tempête parfaite. C’est ainsi que le Fonds Monétaire International (FMI) décrit la crise économique provoquée par le coronavirus dans les pays arabes, notamment les pays importateurs de pétrole, dont l’Egypte fait partie. Le rapport « Perspectives économiques régionales », publié à l’occasion des réunions bisannuelles du FMI et de la Banque mondiale, propose des politiques qui peuvent représenter une issue à la crise.
Les pays de la région arabe en plus de l’Afghanistan et du Pakistan perdraient l’équivalent de 4% de leur PIB en raison de la crise. « C’est comme si on retranchait 425 milliards de dollars des revenus de ces pays », explique Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale au FMI, lors d’une conférence de presse virtuelle.
Tout d’abord, la région souffre du ralentissement de la croissance globale, ce qui affecte les chaînes de valeurs mondiales basées dans la région, ainsi que les petites et moyennes industries riches en emplois. Ainsi, si la demande mondiale sur le prêt-à-porter se replie, les usines en Egypte, en Tunisie et en Jordanie qui fabriquent des pantalons ou des chemises pour H&M seront obligées de couper leurs productions et ainsi de suite.
De plus, les mesures gouvernementales pour contenir le virus vont réduire le pouvoir d’achat des citoyens dans la région. Le secteur le plus touché sera le tourisme.
Les pays les plus touchés seront les pays exportateurs de pétrole, qui doivent faire face à une baisse sans précédent des cours du pétrole. La plupart de ceux-ci connaîtraient une croissance négative en 2020, couplée de déficits budgétaires croissants, qui passeraient en moyenne de 2% à 10%, selon le rapport. En Iraq, en Iran et en Algérie, la capacité d’atténuer la crise est limitée.
L’Iran était déjà en récession avant d’être fortement frappé par le coronavirus. Le FMI prévoit que l’économie connaîtrait une contraction de 6%. Le recul en Algérie serait de 5,2%. L’Iraq, où les émeutes sociales étaient à leur apogée quand le coronavirus est apparu, verrait son économie rétrécir de près de 5% (voir graphique).
L’Arabie saoudite, le Koweït et les Emirats arabes unis sont d’ailleurs mieux équipés pour faire face à la crise « grâce aux grandes sommes investies dans les fonds souverains », indique le rapport.
Les pays non pétroliers,
les moins affectés
Si la baisse des prix du pétrole représente une opportunité pour les économies non pétrolières, le coronavirus représente un défi sur le plan humanitaire et économique augurant d’une hausse du chômage, qui était déjà à plus de 9 % en moyenne avant la crise. Ces économies reculeraient de 1 % en 2020. Notamment en raison de la baisse des investissements et des rémittences des travailleurs à l’étranger. Les dettes publiques risquent d’augmenter, mais il y a aussi un risque de défaut de paiement.
Des pays qui ont connu une année difficile en 2019, comme le Liban, le Soudan ou le Pakistan, seront plus affectés que les autres. Les pays qui possèdent une industrie d’extraction de minerais épanouie, telles l’Egypte et la Mauritanie, sont en meilleure position. L’Egypte peut aussi bénéficier de la demande mondiale croissante sur ses produits dans les chaînes de valeurs mondiales (remplaçant d’autres pays plus affectés par le coronavirus et par le confinement). Mais le rapport prévoit pour l’Egypte une croissance à 2%, soit moins de la moitié des prévisions officielles. Le ministère des Finances a publié la semaine dernière le budget de l’Etat où il prévoyait une croissance de 4,5%. « Nous sommes prêts à réviser notre prévision à la lumière des évolutions de la situation humanitaire et économique », a déclaré le ministre des Finances, Mohamad Maeit.
Le rapport affirme qu’il serait plus difficile aux pays de la région d’emprunter à l’extérieur et que certains pays pourraient connaître une dévaluation de leurs devises. La région est plus exposée au manque de certains biens importés, puisqu’elle est plus dépendante de l’importation que l’ensemble des pays émergents et en développement.
La santé, un domaine prioritaire
Le FMI a souligné dans son rapport les domaines prioritaires pour contrer la crise. Tout d’abord, le financement public du secteur de la santé, même au détriment d’un déficit budgétaire plus large, une première pour une institution dont le rôle primaire est d’aider les pays à consolider leurs finances publiques. « La priorité immédiate est de sauver des vies. Les gouvernements doivent continuer à consacrer leurs dépenses essentielles à la santé, en remettant à plus tard toute autre dépense non essentielle », recommande Azour.
Et d’ajouter que des politiques doivent être mises en place afin de protéger les moteurs de croissance. « Il s’agit notamment de mitiger l’impact de la crise sur les ménages, les secteurs les plus endommagés et les petites et moyennes entreprises », ajoute-t-il. Le rapport salue les mesures prises par certains pays, dont l’Egypte, d’augmenter les allocations financières aux plus démunis. Il appelle les banques à faciliter l’emprunt aux ménages aussi bien qu’aux PME. Avoir recours à ces mesures, pour les auteurs du rapport, c’est réussir à « voler dans des cieux turbulents » .
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