« Nous avons réévalué les perspectives de croissance pour 2020 et 2021. Il est maintenant clair que nous sommes entrés dans une récession aussi mauvaise, ou pire, qu’en 2009. Nous prévoyons une reprise en 2021 », a déclaré à la presse la directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI), Kristalina Georgieva, après une réunion virtuelle de l’organe directeur du FMI, le Comité monétaire et financier international. Une déclaration, publiée par Georgieva et le président du Comité monétaire et financier international, Lesetja Kganyago, indique : « Nous nous trouvons dans une situation sans précédent où une pandémie mondiale se transforme en crise économique et financière. Du fait d’un arrêt soudain de l’activité économique, la production mondiale se contractera en 2020. Les pays membres ont déjà pris des mesures extraordinaires pour sauver des vies et préserver l’activité économique. Mais il faut en faire plus. Il doit être prioritaire d’accorder une aide budgétaire ciblée aux ménages et aux entreprises vulnérables afin d’accélérer et d’affermir la reprise en 2021 ».
Pour faire face à l’arrêt soudain de l’activité économique mondiale en conséquence à la pandémie du Covid-19, le FMI a appelé les gouvernements à prendre des mesures de relance budgétaire supplémentaires pour éviter des préjudices économiques durables, précisant que les pouvoirs publics devraient poursuivre et intensifier leurs efforts pour venir en aide aux personnes et aux entreprises les plus touchées, notamment en augmentant le nombre de congés maladie payés et en accordant des allégements fiscaux ciblés. Sur le plan monétaire, le FMI a dit que les Banques Centrales, notamment des pays avancés, devraient continuer de soutenir la demande et de renforcer la confiance en assouplissant les conditions financières et en assurant le flux de crédit vers l’économie réelle à travers, par exemple, la réduction des taux d’intérêt, des achats d’actifs et une baisse du niveau des réserves obligatoires. Le FMI a ajouté qu’il pourrait devenir nécessaire de mettre en place des lignes de crédit réciproques avec des pays émergents.
Les pays émergents, principal souci
Georgieva a déclaré que la récession de l’économie mondiale nécessiterait un financement massif pour aider les pays en développement. Elle a souligné le grand besoin de financement des pays émergents, estimé à 2500 milliards de dollars au minimum. « C’est une estimation basse et conservatrice », a-t-elle prévenu. En effet, plus de 80pays ont déjà demandé une aide d’urgence au FMI, et ce dernier a approuvé des aides à quelques pays comme la Tunisie, la Jordanie, Haïti et l’Ile Maurice. L’Iran, qui n’a pas obtenu de prêt du FMI depuis 1962, figure parmi ceux qui ont sollicité l’aide de l’institution internationale.
A l’issue d’une téléconférence ministérielle du G20 sur la situation d’urgence liée au coronavirus, Kristalina Georgieva a souligné être plus préoccupée par la situation des pays émergents. « Les pays avancés sont d’une manière générale mieux placés pour faire face à la crise, mais de nombreux pays émergents ou à faible revenu font face à des difficultés considérables. Ils sont particulièrement touchés par des sorties de capitaux, et la riposte des pays à l’épidémie pèsera lourdement sur l’activité intérieure », dit-elle. Selon Georgieva, les investisseurs ont déjà retiré 83milliards de dollars des pays émergents depuis le début de la crise, ce qui constitue la plus grande sortie de capitaux jamais enregistrée. « Nous sommes particulièrement préoccupés par les pays à faible revenu en situation de surendettement ; sur ce point, nous collaborons étroitement avec la Banque mondiale », a-t-elle indiqué.
C’est pourquoi le FMI et le Groupe de la Banque Mondiale (GBM) ont conjointement appelé le G20 à offrir un allégement de la dette aux pays les plus pauvres, afin de les aider à surmonter les défis posés par le Covid-19. « De manière conforme aux lois nationales des pays créanciers et avec effet immédiat, le GBM et le FMI appellent tous les créanciers bilatéraux officiels à suspendre le remboursement de la dette par les pays dépendant de l’Association internationale de développement (IDA) et requérant un répit », indique un communiqué du FMI et du GBM publié avant la réunion du G20, qui a eu lieu le 26 mars. Les deux institutions internationales ont affirmé être prêtes à prendre en charge la mission d’identifier les pays dont la dette n’est pas viable et de préparer une proposition d’action globale pour les créanciers bilatéraux officiels.
Différents mécanismes de financement
Pour sa part, le FMI s’est dit prêt à aider les pays vulnérables au moyen de différents mécanismes de financement. L’institut international a notamment annoncé un financement d’urgence à décaissement rapide, dont le montant pourrait atteindre 50 milliards de dollars pour les pays à faible revenu et les pays émergents. Sur cette somme, 10 milliards de dollars seront disponibles à taux zéro pour les pays membres les plus pauvres, au moyen de la facilité de crédit rapide. Le fond a aussi déclaré qu’il était prêt à mobiliser sa capacité de prêt de 1000 milliards de dollars pour aider ses pays membres.
Sur son site, le FMI a énuméré les mécanismes dont il dispose pour aider les pays à faire face à l’impact économique du coronavirus. Ceux-ci comprennent le financement d’urgence à travers la Facilité de Crédit Rapide (FCR) et l’Instrument de Financement Rapide (IFR), qui offrent une aide financière d’urgence aux pays membres sans qu’il soit nécessaire qu’un programme à part entière soit en place. « Ces prêts peuvent être décaissés très rapidement afin d’aider les pays membres à agir face à des situations d’urgence, tel le coronavirus », indique le FMI sur son site.
Une autre mesure d’aide serait de moduler les programmes de prêt existants. Le FMI a ainsi indiqué qu’il pouvait modifier si nécessaire des programmes existants à l’appui des pays pour répondre à de nouveaux besoins urgents liés au coronavirus. Le prêteur international a par ailleurs dit qu’il accorderait des dons pour l’allégement de la dette. « Le Fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes permet au FMI de fournir des dons pour alléger la dette des pays les plus pauvres et les plus vulnérables ayant des obligations impayées envers le FMI, afin de faire face à des catastrophes, notamment de santé publique. Ce mécanisme a été utilisé pour aider la Guinée, le Libéria et le Sierra Leone pendant l’épidémie de maladie à virus Ebola de 2014 », a rappelé le FMI.
Enfin, le FMI a déclaré qu’il pouvait aussi conclure de nouveaux accords de financement, tout en soulignant que les mécanismes mentionnés antérieurement étaient généralement préférables, notamment parce que les décaissements peuvent être effectués rapidement. « Etant donné la nécessité de réorienter rapidement les ressources publiques, le FMI continuera de collaborer étroitement avec les pays membres touchés et les partenaires au développement, et modifiera si nécessaire l’ordre de priorité de ses activités de développement des capacités », lit-on sur le site de l’institution.
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