Jeudi, 23 janvier 2025
Al-Ahram Hebdo > Economie >

Prix du pétrole : L’Egypte dans l'expective

Marwa Hussein, Mardi, 17 mars 2020

La chute actuelle des prix mondiaux du pétrole devrait avoir des effets mixtes sur l'économie égyptienne : le budget d’Etat en profitera, tandis que le compte des transactions courantes sera affecté à la fois positivement et négativement. Analyse.

Prix du pétrole : L’Egypte dans l

L’Egypte étant un importa­teur net de pétrole, la baisse des prix internationaux pourrait avoir des effets positifs sur l’économie locale, surtout sur le budget étatique. Cependant, dans le contexte global de ralentisse­ment économique et de propagation du Covid-19, ces effets ne seront pas linéaires, vu la baisse prévue des reve­nus du Canal de Suez et la baisse pos­sible des prix du gaz naturel, que l’Egypte exporte.

Lundi 9 mars, les prix du pétrole ont connu leur plus forte chute depuis la guerre du Golfe en 1991, perdant envi­ron 25 % de leur valeur en un seul jour sur fond de guerre des prix entre l’Ara­bie saoudite et la Russie, deux des plus grands producteurs mondiaux de pétrole. Suite à une réunion de l’Orga­nisation des Pays Exportateurs du Pétrole (OPEP), l’Arabie saoudite a décidé d’augmenter la production de l’or noir, après que la Russie, non membre du cartel, a refusé de signer pour une réduction de sa production. Et ce, à un moment où le marché pétrolier est déjà surchargé, étant donné la baisse de la demande interna­tionale qui accompagne la pandémie du coronavirus. Le prix du baril de Brent est tombé à moins de 40 dollars.

« Il est prévu que les prix restent à des niveaux bas, surtout si l’Arabie saoudite et la Russie n’arrivent pas à un accord pour réduire leur produc­tion », souligne Magdi Sobhi, direc­teur de l’Unité d’économie et de recherches énergétiques au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Et de souligner que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont dit qu’ils augmente­raient leur production à partir d’avril, ainsi que la Russie. Tamer Abou-Bakr, président de la Chambre du pétrole et des mines auprès de la Fédération des industries égyptiennes, explique pour sa part que les prédictions pour le mar­ché pétrolier sont difficiles à faire, d’autant plus que plusieurs facteurs affectent ce marché pour le moment. Une hausse de la production dans un temps de baisse de la demande ne favorise certainement pas une aug­mentation des prix.

Le premier et indéniable effet positif pour l’Egypte est une baisse des sub­ventions dans le budget de l’Etat. Le gouvernement avait initialement prévu des subventions à l’énergie de 52 mil­liards de L.E. pour l’année fiscale 2019-2020, qui se termine fin juin. En janvier, le ministre du Pétrole a indi­qué que ces subventions atteindraient seulement 30 milliards de L.E. Les cours du pétrole ont enregistré une baisse d’environ 50 % en trois mois.

L’effet devrait par ailleurs se faire sentir au niveau de la balance des tran­sactions courantes : « L’Egypte étant un importateur net, la baisse des prix du pétrole réduira les pressions sur la balance des transactions courantes (qui regroupe la balance commerciale et la balance des services, ndlr), qui sera, par ailleurs, négativement affec­tée par la baisse des revenus du tou­risme et de ceux du Canal de Suez », souligne Mona Bédeir, économiste en chef auprès de Prime Holding. Tamer Abou-Bakr explique que l’avantage du Canal de Suez pour les navires est que la trajectoire est plus courte et qu’ils utilisent donc moins de carburants. Or, « la baisse des prix du pétrole nous fait perdre cet avantage. Il faudra peut-être réduire les frais du canal pour encourager le mouvement des navires. N’oublions pas que déjà, il y a un ralentissement du commerce interna­tional et que le nombre de bateaux traversant le canal est en baisse », indique-t-il.

Effets sur les prix du gaz naturel

Les transferts d’argent des Egyptiens travaillant à l’étranger — une autre composante de la balance des transac­tions courantes — pourraient, eux, diminuer suite à la baisse des prix du pétrole. « La majorité de ces transferts viennent des pays du Golfe. La baisse des prix du pétrole en 2016 n’avait pas sérieusement affecté les transferts des Egyptiens à l’étranger, mais cette fois-ci, le choc vient à la fois du côté de l’offre et de la demande. Il est possible que les pays du Golfe réduisent la production et licencient des employés », note Mona Bédeir. Elle ajoute toutefois que la baisse des sub­ventions à l’énergie et la baisse pos­sible des subventions alimentaires résultant de la baisse mondiale des prix des denrées alimentaires pour­raient aider le gouvernement à trouver des ressources pour financer son plan de soutien à l’économie pendant la crise du coronavirus.

La baisse des prix du pétrole pour­rait aussi mener à une baisse mondiale des prix du gaz naturel, que l’Egypte exporte. En effet, les prix dans le monde commencent déjà à baisser. L’activité d’exploration pétrolière et gazière en Egypte pourrait ainsi être affectée par une baisse prolongée des prix du pétrole. « Les entreprises d’ex­ploration gazière et pétrolière ont besoin de couvrir leurs coûts. Si les prix restent à un niveau bas pour long­temps, les entreprises pourraient revoir leurs plans d’expansion », explique Mona Bédeir. Magdi Sobhi rappelle que les prix du gaz naturel sont en baisse depuis quelque temps déjà, une baisse datant d’avant la chute des prix du pétrole et d’avant la pandé­mie du Covid-19. « A tel point que l’Egypte cherchait à conclure des contrats d’exportation gazière à long terme pour 5 dollars le million d’uni­tés thermiques britanniques, sans trou­ver d’acheteurs », précise Sobhi. En revanche, les experts s’accordent pour dire que la baisse des prix du gaz et du pétrole pourrait bénéficier à l’industrie locale et aux consommateurs.

L’Egypte a commencé en 2019 à lier les prix de l’énergie à ceux du marché international dans le cadre des réformes de réduction des sub­ventions soutenues par le Fonds Monétaire International (FMI). Les différents acteurs du marché s’atten­dent à une réduction des prix à la pompe et pour l’industrie lors de la prochaine réunion du comité d’in­dexation des produits pétroliers, pré­vue début avril. Tamer Abou-Bakr prévoit ainsi des prix entre 3 et 4 dollars par million d’unités ther­miques britanniques (mbtu) et sou­ligne qu’une telle baisse donnera un coup de pouce à la production et à l’emploi. En octobre dernier, le prix du gaz naturel pour l’industrie du ciment avait été fixé à 6 dollars par mbtu, et à 5,50 dollars par mbtu pour le secteur des métaux et céramiques. Magdi Sobhi prévoit, lui aussi, une amélioration rapide de la situation, vu que la Chine prévoit de contenir le Covid-19 d’ici la fin du mois de mars ou en avril. « La Chine est le deu­xième consommateur mondial de produits pétroliers. Quand la produc­tion industrielle reprendra en Chine, le pays produira à pleine capacité pour compenser les pertes résultant du coronavirus », estime-t-il, pré­voyant un baril de pétrole à 40 dollars au quatrième trimestre 2020.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique