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Un coup de pouce aux zones informelles

Amani Gamal El Din, Mardi, 04 février 2020

Le réaménagement des zones non planifiées et des marchés informels constitue l’une des priorités de l’agenda gouvernemental pour réaliser les objectifs de développement 2030 fixés par les Nations-Unies. Focus sur le quartier de Zawya Al-Hamra, au nord-est du Caire.

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A l’instar du monde entier, l’Egypte se trouve dans une course contre la montre pour réaliser les objectifs de développement durable fixés par les Nations-Unies d’ici 2030. L’urbanisation rapide pose denombreux problèmes — environnementaux, sociaux et économiques— , d’autant plus que le 11e objectif de l’agenda onusien stipule l’aménagement de villes durables. Le rapport des Nations-Unies intitulé Global Human Report on Settlements pointe du doigt l’état précaire de certaines villes dans les pays développés et en développement ainsi que la croissance des zones informelles surpeuplées et des bidonvilles, parallèlement à la prolifération de zones huppées ou ce qu’il appelle les « communautés fermées ».

L’Egypte ne déroge pas à la règle, avec une croissance urbaine et une migration vers Le Caire importante, qui constituent les raisons de la croissance des zones informelles. Et ce, à l’heure où le pays redéfinit sa politique d’urbanisation de même qu’un plan de réaménagement urbain datant de 2014 et qui comprend deux volets: les zones à risques (zones nécessitant un relogement rapide des habitants en raison de dangers liés à la nature du site), d’une part, et les zones non planifiées et les marchés informels, d’autre part. Selon le bilan établi par le Conseil des ministres, environ 52 zones, sur une superficie de 4 351 feddans et réparties sur 6 gouvernorats, ont été réaménagées. Le coût total du plan de réaménagement des zones non planifiées, qui représentent 37,5% du paysage urbain en Egypte, s’élève à 318 milliards de L.E.

L’un des projets de réaménagement les plus ambitieux est celui initié par le secteur du développement urbain de l’Organisme des moyennes et des petites industries, intitulé « programme de réaménagement des zones non planifiées et de génération d’emplois ». Selon Magdi Rabie, conseiller de soutien technique auprès de l’Organisme des moyennes et des petites industries, les zones non planifiées s’étendent sur une superficie de 152 000 feddans, réparties sur 50 régions, dont la moitié se trouve à l’intérieur du Grand Caire. « Les opérations de réaménagement se font conformément à plusieurs critères, dont le type de dangers encourus par les habitants et l’état du drainage sanitaire, des routes, des marchés et des moyens de transport. C’est selon ces critères que 4 zones ont été choisies pour la première phase d’application du programme, à savoir Zawya Al-Hamra, Ezbet Khaïrallah dans le Vieux-Caire, ainsi que Mit Oqba et Ard Al-Léwa dans le gouvernorat de Guiza », précise Rabie.

Les partenaires du programme de réaménagement des zones non planifiées et de génération d’emplois, dont les travaux ont commencé en 2017 et sont censés s’achever en juin 2020, sont l’Union Européenne (EU), qui a délégué l’Agence Française de Développement (AFD), le gouvernorat du Caire, des bureaux de consultants internationaux et locaux ainsi que l’Organisme des petites et moyennes industries. L’Union européenne a accordé un soutien de 15 millions d’euros aux projets du programme qui concernent l’infrastructure ainsi qu’un prêt de 80 millions d’euros aux projets relatifs aux micro, petites et moyennes entreprises.

Le cas de Zawya Al-Hamra

Zawya Al-Hamra, l’un des sites sélectionnés pour le programme, est un quartier pauvre au nord-est du Caire. On peut même dire qu’il s’agit d’un grand bidonville, vu sa superficie. Il a toutes les caractéristiques d’une zone informelle : des logements insalubres et entassés les uns sur les autres ainsi que des infrastructures délabrées, notamment les installations sanitaires.

Lors d’une tournée dans le quartier, Medhat Massoud, directeur du secteur du développement des communautés auprès de l’Organisme des moyennes et petites industries, explique que les transformations urbaines et sociales ont laissé leur empreinte dans ce quartier, qui se caractérisait autrefois par ses jardins et ses parcs. « Ces transformations ont commencé au début des années 1970. Une voie de tramway et une station d’électricité ont été installées. Le quartier a alors développé un caractère industriel et des usines ont été créées, comme celles des produits chimiques, ainsi que des ateliers pour la confection de meubles. Ainsi, il est devenu l’une des régions les plus attrayantes pour la migration venant des campagnes et les terrains agricoles ont été transformés en terrains de logements informels », explique Massoud.

Le choix de ce quartier s’est fait suite à une étude de faisabilité et à une évaluation des besoins, effectuées par l’AFD et le gouvernorat du Caire. Le réaménagement, dont 320 000 familles vont bénéficier, comporte trois volets. Le premier concerne le développement des infrastructures et des services, le deuxième les micro-crédits pour les micro, les petites et les moyennes entreprises ainsi que toutes sortes de travaux artisanaux, tandis que le troisième volet concerne les services non financiers, comme les consultations aux entrepreneurs, les stages de formation pour l’artisanat et la gestion de projets et le marketing. « Le quartier souffre de problèmes urbains, environnementaux et économiques sérieux. Nous voulons, à travers des projets variés qui sont au nombre de 9, changer tout le contexte urbain », explique Belal Ahmed, expert en planification urbaine dans le cadre du programme de réaménagement des zones non planifiées et de génération d’emplois. Le coût des 9 projets menés à Zawya Al-Hamra s’élève à 62 millions de L.E.

Une approche participative

Parmi les projets exécutés à Zawya Al-Hamra, figurait, pour un montant de 25 millions de L.E., le réaménagement des deux écoles primaires de Nasr et de Salam, le développement du principal réseau d’eau potable de la rue Talkha et le réaménagement du pont Abboud pour les piétons, encore en cours. 24 millions de L.E. est le montant consacré au développement de la rue Al-Charékat (entreprises), dans la zone d’Amiriya, et du marché de Talkha. Et ce, en plus de la zone d’Al-Nour: le marché, la station de bus et les rues latérales (en cours). Les 13 millions restants sont allés au développement des rues menant au marché officiel de Talkha et des rues intérieures d’Amiriya.

Les responsables du projet, de la municipalité et du quartier, en collaboration avec les consultants, ont adopté une stratégie participative pour inclure les habitants du quartier et les ONG. Au début, des réunions régulières ont été organisées avec un groupe représentant les habitants ainsi que les consultants et les responsables du projet. « Lorsqu’on a entrepris les travaux de rénovation des écoles, on a vu que des réactions positives ont eu lieu à d’autres niveaux. Par exemple, le niveau des étudiants s’est amélioré, le nombre de ceux qui faisaient l’école buissonnière a baissé et les plaintes des parents à l'égard des professeurs et des programmes scolaires ont reculé.Mieux, les parents sont de plus en plus impliqués dans des activités », se réjouit Massoud.

Ce dernier ajoute qu’une grande importance a été accordée à ce rôle participatif des habitants : « Pour assurer le caractère durable des initiatives, nous avons travaillé avec les femmes au foyer et nous leur avons expliqué comment cultiver leurs balcons et leurs rez-de-chaussée, comment recycler les vieux habits et comment promouvoir certains talents comme le dessin et la couture. Un troisième groupe sera formé dans des usines. 65 jeunes entre 16 et 45 ans ont été formés en informatique ».

Enfin, Belal Ahmed explique toutefois que le financement n’est pas suffisant pour régler tous les problèmes sociaux, environnementaux, urbains et économiques que connaissent les zones non planifiées. Il est par ailleurs difficile, voire impossible, de reloger les habitants d’une région aussi grande que Zawya Al-Hamra. Le cas est différent pour les zones à risques, qui, elles, exigent un relogement des habitants pour des raisons de sécurité. « Deux conditions sont vitales pour améliorer les conditions de vie dans les zones non planifiées : le financement et le temps », conclut-il .

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