La valeur de la livre a connu une appréciation de 10,1 % contre le dollar depuis le
début de 2019.
Inattendue mais logique. Une appréciation rapide et continue de la livre égyptienne face au billet vert qui a perdu de sa valeur tout au long des derniers jours. Depuis une semaine, le dollar est passé sous la barre des 16 L.E., atteignant les 15,98, selon les données de la Banque Centrale d’Egypte (BCE). Selon la même source, il s’agit du taux le plus bas du dollar depuis février 2017. Ainsi, la valeur de la livre égyptienne a connu une appréciation de 10,1 % contre le dollar depuis le début de 2019. Le prix d’échange la semaine dernière auprès de certaines banques, comme la Banque Nationale d’Egypte, Arab African International Bank, et The Housing and Development Bank, a atteint 15,99 L.E., Alors que dans d’autres agences bancaires comme la Banque du Caire et la Commercial International Bank, Alexbank et Crédit Agricole, le taux de change était à 15,98. Alors que d’autres ont maintenu l’échange à 16 L.E.
Dans la nuit du 2 novembre 2016, l’Egypte avait pris une décision historique de libéraliser le taux de change dans une mesure structurelle pour mettre fin à la pénurie du billet vert et au marché noir et attirer les investissements étrangers. Dès lors, les cours avaient fluctué entre 17,5 et 18 L.E., à part quelques exceptions, avec une légère chute le ramenant à 17 L.E. en juillet 2017 et une autre ayant atteint son niveau le plus élevé (19 L.E.) le 12 décembre avant de se replier à 18 L.E. en février 2018. Une importante transition avait, cependant, eu lieu au mois de mai 2019 lorsque le dollar s’est échangé pour la première fois en dessous du seuil de 17 L.E.
Plusieurs facteurs
Il existe plusieurs facteurs logiques derrière le redressement de la livre égyptienne face au dollar. Cet échange qui entreprend une courbe descendante selon les déclarations de Radwa Al-Sweifi, analyste en chef de la banque d’investissement Pharos, au quotidien Shorouk, est dû au flux des capitaux émanant de différentes sources qui injectent des dollars de manière durable. La première est les recettes récentes du tourisme dont les activités saisonnières de fin d’année ont généré un flux croissant en devises étrangères estimé, selon les projections de Pharos, à 13,5 milliards dans l’année fiscale 2019-2020, après avoir atteint 12,7 milliards en 2018-2019. Autre facteur selon les experts, la baisse des importations. Et puisque l’un des facteurs influençant le taux de change est le mécanisme de l’offre et de la demande, le recul des importations a entraîné l’abondance du billet vert dans le système interbancaire.
En troisième lieu viennent les investissements étrangers dans les titres publics égyptiens. « Ils ont atteint ces derniers jours seulement un demi-milliard de L.E. et sont estimés approximativement à 11 milliards de dollars tout au long de 2019 », a estimé Mohamed Abou Basha, macro-analyste auprès de la banque d’investissement EFG Hermes dans une intervention télévisée à la chaîne MBC Misr. Ajoutons à cela les transferts des Egyptiens résidant à l’étranger qui connaissent une hausse, voilà quelque temps.
En septembre dernier, ils ont augmenté de 2,3 milliards de dollars enregistrant une hausse mensuelle de 32,2 % contre 1,8 milliard accumulé en août dernier. Selon la BCE, les transferts annuels ont connu une augmentation de 32,8 % en septembre 2019 par rapport au même mois en 2018. Le communiqué officiel de la même source ajoute que les fonds des expatriés égyptiens sont passés à 6,7 milliards de dollars au premier semestre de l’année fiscale 2019- 2020, contre environ 5,9 milliards de dollars au même moment de l’année fiscale 2018-2019, soit un taux de croissance annuel de 13,6 %.
Quelle évolution en 2020 ?
Pour ce qui est du taux de change dans la période à venir, les avis sont contrastés, confirmant le caractère spéculatif des taux de change en général. D’autant que cette appréciation de la livre intervient alors que les lectures prévisionnelles des banques d’investissement Pharos et Beltone prévoient un taux de change avec des fluctuations minimes se situant entre 16 et 16,5 L.E. en 2020. « Nos estimations favorisent une livre égyptienne plus solide grâce à des gains macroéconomiques et surtout la chute de l’inflation à une moyenne annuelle de 12 % du PIB », indique-t-il. D’autres comme Abou Basha sont plus optimistes et prévoient que le dollar s’échangera en dessous du seuil de 16 L.E. courant 2020. Et cela serait motivé par le flux de capitaux dans les marchés émergents à l’arrière-plan du règlement du conflit commercial entre Pékin et Washington. Esraa Ahmed, analyste macroéconomique auprès de Shoaa Capital, avait précisé dans une étude effectuée sur la livre égyptienne que 4 facteurs déterminent ses futurs scénarios : les décisions de la Banque Centrale sur les taux d’intérêt, le taux de change effectif, les conditions globales et les besoins pour combler les écarts financiers.
Tout compte fait, il est difficile de prévoir la courbe du taux de change dans la période à venir vu que les mécanismes du marché mondial et égyptien changent chaque jour. Tout dépend de l’équilibre qui sera maintenu entre les 4 facteurs cités par Esraa Ahmed et n’importe quelle déviation aura un impact direct sur la valeur de la livre égyptienne. On peut donc s’attendre à des surprises à tout moment. « Prévoir le taux de change de la livre égyptienne serait se lancer dans un jeu de hasard », conclut Esraa Ahmed.
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