Après des années d’attente, le gouvernement égyptien a enfin réduit les prix du gaz naturel destiné aux industries lourdement consommatrices d’énergie. Il s’agit notamment de faire baisser les prix du gaz de 8 à 6 dollars (soit une réduction de 25 %) par unité thermique britannique pour les usines de ciment et de 7 dollars à 5,5 dollars (soit 21,4 %) par unité thermique britannique pour les industries du fer, de l’acier, de l’aluminium, du cuivre, de la céramique et de la porcelaine. « La décision sera examinée tous les six mois en fonction des développements locaux et mondiaux », selon le communiqué de presse publié par une décision applaudie par les industriels opérant dans ces différents secteurs, car longtemps attendue. Ceux-ci n’ont cessé de la réclamer pour pouvoir augmenter leur production et être concurrentiels sur les marchés mondiaux. « Cela fait un an et demi que les industriels multiplient les appels dans ce sens, c’est une décision importante pour l’industrie », a déclaré à Al-Ahram Hebdo Walid Gamal eldin, président du Conseil d’exportation des matières de construction et des produits métallurgiques (voir 3 questions).
Au cours des trois dernières années, suite à la libération du taux de change en novembre 2016, le gouvernement égyptien a doublé les prix du gaz naturel fourni aux industries lourdement consommatrices d’énergie, qui est passé de 3 à 7 dollars. « L’objectif était de rationaliser la consommation du gaz naturel. Cette hausse des prix a forcé les usines à travailler en dessous de leur capacité », explique à l’Hebdo Mark Adeeb, analyste financier du secteur des matières de construction auprès de la maison de courtage Pharaos Securities, tout en se félicitant de la récente décision laquelle, selon lui, aura un impact positif sur ces industries. « C’est un soutien à l’industrie nationale, et cela va stimuler davantage la capacité de production. L’impact est toutefois différent d’un secteur à l’autre en fonction de sa consommation de gaz naturel. Par exemple, l’impact sur la sidérurgie et l’industrie de la céramique sera impressionnant, il le sera beaucoup moins sur le ciment », explique Adeeb.
La sidérurgie, premier gagnant
C’est, en effet, la sidérurgie, une industrie qui dépend largement de la consommation du gaz naturel dans la production, qui sera le plus grand bénéficiaire, car la baisse des prix signifie une baisse des coûts de production.
« Cependant, la situation diffère d’une usine à l’autre. Les usines de production d’éponge de fer (DRI, Direct Reduction Iron), qui dépendent trop sur la consommation de gaz naturel, vont faire d’importantes économies dans leurs coûts de production », note Adeeb, en donnant l’exemple de la société de fer à béton Ezz qui consomme 12 millions d’unités thermiques pour produire une tonne de fer. « Le coût de production va désormais passer de 84 à 66 dollars. C’est-à-dire que Ezz va économiser annuellement 72 millions de dollars », renchérit Adeeb, qui ajoute toutefois qu’il ne prévoit pas de hausse de production de fer, soit pour Ezz ou les autres producteurs de fer, en raison du ralentissement de la demande locale et mondiale. « Le marché local souffre d’un certain ralentissement au niveau de la demande. Quant au marché extérieur, les usines de fer trouvent vraiment une difficulté à exporter aux marchés qui imposent des tarifs anti-dumping tels que les Etats-Unis (25 %), l’Union européenne (25 %) et le Canada (25 %) », explique-t-il, en insistant sur l’importance d’imposer des tarifs douaniers supplémentaires sur le fer importé (au moins 50 %) pour protéger la production nationale de la concurrence mondiale.
Un impact moindre sur la céramique, quasi inexistant sur le ciment
Pour sa part, le ministre du Commerce et de l’Industrie, Amr Nassar, a imposé le 12 octobre des tarifs douaniers graduels sur les importations des produits du fer et d’acier : 25 % sur le fer à béton et 16 % sur le billet. « La décision a été prise suite à la forte augmentation des importations, laquelle a causé de graves dommages à l’industrie locale. Cette décision est valable pour 3 ans », selon le communiqué de presse publié par le ministère du Commerce et de l’Industrie le jour de la prise de la décision.
Parallèlement, de telles décisions peuvent booster les exportations. D’après les chiffres du Conseil d’exportation des matières de construction, les exportations du fer et d’acier ont baissé de 31 % pour atteindre 492 millions de dollars au cours des 8 premiers mois de l’année 2019, contre 716 millions de dollars durant la même période de 2018.
Pour ce qui est de l’industrie de céramique, elle est le second bénéficiaire, vu une hausse probable de la production et des exportations. « La baisse des prix du gaz contribuera à réduire le coût total de production de 5 % », souligne à l’Hebdo Tarek Sadeq, membre de l’Association égyptienne de céramique, en prévoyant une réduction des prix de vente du produit final dans la période à venir pour accroître le pouvoir d’achat et augmenter les capacités de production des usines. « Les usines ont été obligées de diminuer leur production de 60 % au cours des trois dernières années en raison des prix de gaz trop élevés. Cette situation a eu des répercussions sur la main-d’oeuvre opérant dans ces usines qui a quitté le secteur en raison de manque de primes », renchérit-il.
Toutefois, d’après une étude publiée par la maison de courtage Pharaos securities, les usines de céramique pourraient ne pas bénéficier des économies réalisées par la réduction des prix de gaz en augmentant la production en raison d’une offre excédentaire, ce qui pourrait entraîner une baisse des prix de vente. « Or, la baisse des prix du gaz contribuera probablement à améliorer la compétitivité de la céramique égyptienne sur les marchés étrangers, en particulier pour les produits indiens, chinois, turcs et iraniens », selon l’étude. De son côté, Sadeq a insisté sur le fait que « pour que la baisse soit effective pour l’industrie de céramique, il faut que les prix du gaz naturel varient entre 3 et 4 dollars », recommande-t-il.
Quant au ciment, les experts ont assuré que l’impact de la réduction des prix du gaz était presque nul. « Quand le gouvernement avait augmenté les prix du gaz, il y a trois ans, l’industrie de ciment a recouru à d’autres sources d’énergie moins coûteuses telles que le charbon, importé à 3 dollars contre 8 dollars pour le gaz naturel. Avec la baisse des prix du gaz, les usines ne vont pas changer leurs lignes de production », souligne Adeeb. De même, l’industrie du ciment « souffre d’autres problèmes comme le ralentissement de la demande sur le marché local et un excédent d’offre », selon le papier publié par la maison de courtage Prime securities.
Lien court: