A la lumière de l’image pessimiste de l’économie mondiale en 2020 dessinée par le rapport de la Cnuced, une question se pose : quel sera l’impact sur l’économie égyptienne et comment pourra-t-elle y faire face ? Mahmoud ElKhafif, expert économique auprès de la Cnuced à Genève, estime que le ralentissement du commerce mondial aura des répercussions sur l’économie égyptienne durant la prochaine période. « Le commerce extérieur de l’Egypte sera sans doute influencé. Le ralentissement prévu du commerce mondial se traduira par une baisse de la demande mondiale relative aux produits égyptiens de la part de ses partenaires commerciaux tels que l’Union Européenne (UE), la Chine et les Etats-Unis. Ce qui mènera à un recul des exportations égyptiennes », explique-t-il.
Selon le dernier rapport mensuel de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), les Etats-Unis sont le deuxième partenaire commercial de l’Egypte, après la Chine et devant les pays de l’UE. Le rapport de la Cnuced prévoit le recul de la croissance de ces partenaires commerciaux, en particulier la Chine, en raison de la guerre commerciale avec les Etats-Unis. Les revenus du Canal de Suez seront également concernés. « En raison du ralentissement du commerce mondial, les revenus du Canal de Suez seront sans doute touchés », avertit l’expert économique. Les prévisions d’ElKhafif viennent en parallèle à celles d’experts au sein de la Banque mondiale, comme Hoda Youssef, économiste senior auprès de l’institution.
Cette dernière avertit, elle aussi, des répercussions du climat mondial incertain sur l’investissement et la situation des Egyptiens travaillant à l’étranger. « Les investissements étrangers directs et le marché de l’emploi sont très sensibles aux chocs externes. Par exemple, la fluctuation des prix mondiaux du pétrole a une incidence sur le taux d’emploi des Egyptiens travaillant à l’étranger. Le gouvernement égyptien a entrepris et entreprend toujours de nombreuses réformes économiques importantes, comme celles liées à la normalisation des procédures d’investissement, mais il ne faut pas se laisser surprendre par les évolutions externes », indique-t-elle.
Limiter les répercussions négatives
Les premiers signes de ces répercussions ont commencé à apparaître. La Banque mondiale a évoqué ce point dans son rapport intitulé « Migration et transferts », publié en 2018, donnant l’exemple de l’Arabie saoudite. Cette dernière a pris, au cours des dernières années, des mesures visant à limiter le nombre d’étrangers résidant dans le pays. « L’introduction d’une Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) de 5 % en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis a également augmenté le coût de la vie pour les travailleurs expatriés. Cela peut affecter les transferts de fonds des pays du Golfe », avait noté le rapport. Pour sa part, le président du département des Egyptiens travaillant à l’étranger auprès de la Chambre commerciale du Caire, Hamdy Imam, avait indiqué au site électronique Mubasher que « le nombre d’Egyptiens travaillant en Arabie saoudite (soit 2,9 millions selon les chiffres officiels) a baissé de 250 000 en 2018, après l’imposition de ces frais ».
Pour limiter les effets de la guerre commerciale sur l’Egypte, ElKhafif insiste sur l’importance de faire augmenter la demande locale. « Pour faire face à la baisse prévue de la demande mondiale, il faut encourager les couches défavorisées pour augmenter la demande locale, et ce, à travers une meilleure distribution des ressources et la création de plus d’emplois », souligne-t-il, tout en insistant sur l’importance de revoir le bilan des investissements en Egypte. « La majorité des investissements est injectée dans les secteurs du pétrole, des télécommunications et de l’économie numérique. Pour réaliser les Objectifs du développement durable, ces capitaux devront être injectés dans des secteurs productifs », recommande-t-il.
Pour sa part, Hoda Youssef insiste sur l’importance de travailler sur l’amélioration du système de dédouanement. « Les entreprises ont besoin de 35 jours pour terminer les documents d’exportations, contre 9 jours dans d’autres pays », indique-t-elle. Notons que l’économie égyptienne présente de bons indicateurs suite à la mise en oeuvre du programme de réforme économique décidé avec le Fonds Monétaire Internationale (FMI). Le taux de croissance du PIB a atteint 5,6 % en 2018-2019 et devrait atteindre 6 % l’année prochaine. Le montant des réserves en devises a augmenté, pour atteindre 45 milliards de dollars en août, couvrant 8 mois d’importations. Le ministre des Finances prévoit par ailleurs la poursuite du recul du déficit budgétaire, qui devrait atteindre 7,2 % du PIB en 2019-2020, contre 8,2 % en 2018-2019.
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