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Hesham Tawfik : La réforme aura lieu lorsqu’elle sera bénéfique

Marwa Hussein et Névine Kamel, Mardi, 24 septembre 2019

Hesham Tawfik, ministre du Secteur public des affaires, revient sur le plan de réforme de ce secteur, qui consiste à injecter de nouveaux investissements dans les entreprises publiques et à relancer la coopération avec le secteur privé.

Hesham Tawfik
(Photo : Mohamad Hassanein)

Al-Ahram Hebdo : Quelle est la vision actuelle du gouvernement pour gérer les entreprises du secteur public des affaires ?

Hesham Tawfik : Notre vision repose sur trois piliers, le premier est de réformer l’infrastructure juridique et administrative du secteur public. Cela inclut une réforme de la loi 203 qui gère ce secteur. Il faut aussi unifier les règles du travail dans les entreprises, la modernisation des équipements au sein des entreprises et la modification des systèmes de récompense pour lier les salaires à la productivité. C’est le pivot de notre plan de réforme. 62 % des ouvriers dans le secteur vont connaître des hausses de salaires.

Le deuxième pilier est d’étudier les entreprises du secteur pour réformer celles qui ont du potentiel, car la réforme n’est pas une fin en soi. Toutes les entreprises ne peuvent pas être restructurées, la réforme aura lieu lorsqu’elle sera bénéfique. Si les études prouvent que rien ne peut être fait pour restructurer une entreprise donnée, il faut la fermer et la liquider, sinon, c’est du gaspillage. Le troisième pilier est de trouver le financement pour mener ces réformes. La modernisation du secteur nécessite des sommes importantes, il faut donc chercher des moyens de financement hors du Trésor, car le gouvernement a beaucoup d’autres fardeaux. Le financement viendra des ressources du secteur public et de ses actifs non exploités, surtout les terrains vides. Dans la plupart des cas, nous pouvons vendre ces terrains, mais dans les cas où les besoins de liquidité ne sont pas pressants, nous pouvons nouer des partenariats en offrant le terrain à des entrepreneurs immobiliers du secteur privé. Le président a approuvé un décret facilitant la transformation des terrains industriels en terrains pour la construction des logements pour une certaine période.

— Le ministère a donc réalisé un inventaire de tous les terrains et actifs non exploités du secteur public des affaires. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce point ? Est-ce que certains terrains seront réaménagés par des entreprises immobilières du secteur public ?

— Nous avons compté au total 182 terrains qui peuvent être réaménagés et 40 autres que nous préparons à la vente. Les sommes résultantes vont servir à rembourser les dettes accumulées des entreprises envers le ministère de l’Electricité, celui du Pétrole et la Banque nationale d’investissement. Je ne possède pas le luxe de réaménager les terrains par les entreprises publiques.

— Quel est le montant de la dette du secteur ?

— La dette des entreprises déficitaires est d’environ 42 milliards de L.E. dues au ministère de l’Electricité, celui du Pétrole et à la Banque nationale d’investissement, aux Fonds de pensions et à l’Organisme des impôts. Je n’ai pas de liquidité, et la dette sera réglée en donnant des terrains. Nous avons fini avec le ministère du Pétrole une partie de la dette, environ 22 milliards de L.E. ont été régulées.

— Outre les entreprises du secteur qui opèrent sous la loi 203, il y a des entreprises avec des parts de biens publics qui opèrent en partenariat avec le secteur privé sous la loi 159, qu’en est-il de ces entreprises ?

— Nous avons environ 645 entreprises en joint ventures avec le secteur privé. Bien que ces entreprises soient dirigées par le secteur privé, le ministère, en tant qu’actionnaire, doit être présent au conseil d’administration et s’assurer de la manière dont ces entreprises opèrent.

— Quelles sont les formes de coopération possibles avec le secteur privé ? Y aura-t-il des ventes d’entreprises à un investisseur stratégique comme au début du programme de privatisation ?

— Pour vendre à un investisseur stratégique, il faut vendre des entreprises qui réalisent des profits, car une entreprise déficitaire sera vendue à des prix trop faibles. Le rôle du ministère, par l’intermédiaire des entreprises holding, est de réaliser un « turn around » d’abord pour améliorer la performance des entreprises. Puis, plus tard, on peut voir s’il y a des ventes. C’est le Comité des offres publiques qui prendra de telles décisions. Mais le ministère, lui, cherche à nouer des partenariats avec le secteur privé pour les entreprises qui ont besoin d’un directeur et non d’un investisseur. La coopération avec le secteur privé ne se limite pas à la vente, mais elle commence par la gestion. Ce modèle sera appliqué à l’entreprise Héliopolis pour le développement immobilier. Nous allons offrir 10 % de l’entreprise avec un contrat de gestion, et cela aura lieu vers la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Dans certaines industries, nous cherchons des investisseurs connectés aux marchés internationaux, comme pour la production des roues de véhicules.

— Comment est la coopération entre le ministère et le Fonds souverain d’Egypte, responsable de gérer les actifs de l’Etat ?

— Nous avons des actifs ainsi que des entreprises qui ont besoin de modernisation. Nous allons choisir des actifs prêts qui rapportent des profits, et d’autres à moderniser. Et c’est au Fonds souverain de trouver des investisseurs. Dans 99 % des cas, il s’agira d’une direction chinoise ou arabe. Nous allons créer avec l’investisseur une « entreprise de projet (SPV) » dirigée par un conseil d’administration sous l’ombrelle du Fonds souverain. Le ministère sera un partenaire dans cette entreprise.

— Qu’en est-il des offres initiales en Bourse ? Et d’où vient le retard ?

— Le premier IPO était en octobre dernier. Nous avons offert en Bourse une entreprise, et le reste suivra. Une seule entreprise, Amoc, sur les 5 annoncées, a été retirée du programme. Les 4 autres seront lancées en Bourse au moment propice. En 2020, un 2e groupe d’entreprises sera offert en Bourse. Le retard vient du Conseil d’Etat, il y a des accords qui doivent être approuvés et qui lui ont été soumis il y a 3 mois.

— L’une des plus grandes entreprises du secteur est celle de la Sidérurgie à Hélouan, plusieurs plans ont été établis par le passé pour sa restructuration. Quel est le plan actuel du ministère pour ce géant, aujourd’hui déficitaire ?

— Les profits de l’entreprise, lorsqu’elle en avait dans le temps, n’étaient pas réels, mais plutôt le résultat de la comptabilité. En plus, il s’agissait de profits trop faibles qui présentaient l’entreprise comme à peine bénéficiaire. Mais depuis 2009-2010, les pertes de l’entreprise n’arrêtent pas de croître. En plus, il n’y a pas eu de modernisation de l’entreprise durant 20 ans. Nous avons soumis l’affaire au premier ministre et nous attendons sa décision avant de décider du sort de l’entreprise.

— Le ministère possède un plan d’envergure pour développer son secteur de transport. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce plan ?

— Notre plan comprend 3 mesures importantes. D’abord, nous avons plusieurs petites entités fragiles, nous allons donc les faire fusionner pour créer une grande entreprise. Nous allons mener une étude à cet effet. Et cela sera dans le domaine du transport des passagers, des marchandises, du commerce extérieur et des logistiques, qu’il s’agisse de transport terrestre ou maritime. Conformément à la politique de l’Etat, nous cherchons à pénétrer sur les marchés africains, et ce, à travers le projet Gossour (ponts). Nous allons commencer par l’Afrique de l’Est. Le premier octobre, le premier trajet aura lieu entre le port d’Al-Aïn Al-Sokhna (Egypte) et de Mombassa (Kenya). Cette ligne est déjà chargée de demandes d’exportation vers le Kenya. Le transport maritime n’est qu’un seul élément précédé par 2 autres, à savoir le transport terrestre depuis les usines, puis le dédouanement et l’assemblage des conteneurs. Puis à l’arrivée, il y a le processus inverse suivi par le stockage des marchandises. En plus, le projet comprend une assurance pour les marchandises qui sera assurée par l’une de nos entreprises, Misr Insurance. Je cherche actuellement un partenaire ayant une expertise internationale pour gérer les stocks à Mombassa. Début avril 2020, tout le projet devra être mis en place, et il y aura un directeur qui dirige toutes les étapes. Tout cela est l’infrastructure. Pour activer le commerce, nous sommes en train de chercher des partenaires privés et des banques nationales pour créer une entreprise de marketing dans les pays africains autour de notre hub, sinon, le projet serait inutile.

— Quels sont les autres grands projets de restructuration prévus par le ministère ?

— Le secteur des engrais témoignera d’un grand essor. La modernisation de l’entreprise Delta a été réalisée à 75 %. Deux projets seront réalisés dans l’entreprise Al-Nasr, un mémorandum d’entente a été signé et l’autre aura lieu prochainement. Normalement, les usines d’engrais réalisent des bénéfices, mais celles du secteur public ont accumulé des pertes à cause du manque de maintenance. Mais les pertes ont considérablement diminué et elles vont bientôt se transformer en bénéfices grâce à de simples investissements.

— Quels sont les facteurs de détérioration du secteur du textile ?

— Jusqu’aux années 1970, le coton égyptien à longue fibre représentait entre 6 et 7 % de la demande internationale sur le coton. Notre concurrent était très petit, le coton américain Pima. Dans les années 1980, nous avons doublé le prix du coton égyptien, mais quelques années plus tard, les Américains ont développé leur agriculture du coton, améliorant la qualité du Pima, qui était en fin de liste du coton à fibres longues. En plus, l’industrie du tissage s’est développée et a permis de remplacer le coton à fibres longues par du coton à fibres moyennes, voire courtes, pour fabriquer une chemise de haute qualité. Finalement, la mode a changé, favorisant du prêt-à-porter qui n’est pas fait en coton à fibres longues. La conséquence de ces 3 facteurs a été que la demande sur le coton à longues fibres est retombée à 1,5 % de la demande mondiale. En plus, la part de l’Egypte a régressé à 15 % de cette demande, alors que nous répondions dans le temps à quasiment 100 % de la demande. A cela s’ajoute la détérioration de l’industrie locale. La baisse des profits des cultivateurs de coton à cause des intermédiaires a découragé les agriculteurs. Les industriels internationaux ont réduit leur dépendance par rapport au coton égyptien dont la qualité s’est détériorée, car les méthodes de collecte et de stockage n’ont pas évolué.

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