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Bilan positif pour l’Egypte

Amani Gamal El Din, Lundi, 16 septembre 2019

Dans son rapport d'août 2019, l'Economist Intelligence Unit salue les acquis macroéconomiques en Egypte. Les prévisions relatives à l’inflation et aux finances publiques sont optimistes. Analyse.

L’édition d’août du rapport de l’Economist Intelligence Unit* brosse un tableau optimiste de l’économie égyptienne. Le rapport dissèque la situation macroéconomique actuelle, au lendemain du versement de la 5e et dernière tranche du prêt de 12 milliards de dollars par le Fonds Monétaire International (FMI), conclu en 2016 afin de remédier aux problèmes structurels de l’économie égyptienne. Le rapport fait des prévi­sions concernant divers indicateurs jusqu’en 2023.

Les analystes du rapport prévoient une stabilisation de la croissance éco­nomique entre 5,5 et 5,7% du PIB jusqu’en en 2023. Selon le rapport, l’Egypte peut s’en féliciter, bien qu’une légère baisse à 4,9% de la croissance soit attendue en 2020, à cause des conditions globales. Une légère baisse du taux de chômage ainsi qu’une amélioration du climat d’investissement stimuleront la consommation des ménages qui devrait passer de 3,3% du PIB en 2019 à 4,4% en 2021 et 2022 et à 4,1% en 2023. « La consommation des ménages était jusqu’alors modé­rée. L’augmentation de la pauvreté, dont le taux a atteint 32,7% selon l'Agence centrale pour la mobilisa­tion publique et les statistiques (CAPMAS), et le taux d’inflation seront deux obstacles importants à la croissance de la consommation », indique le rapport. Selon Mona Bédeir, analyste en chef auprès de la banque d’investissement Prime hol­ding, les chiffres de l’Economist Intelligence Unit correspondent à ceux prévus par Prime Holding, soit un taux de croissance compris entre 5,6 et 5,8%.

Bien que la pauvreté demeure un problème, l’inflation a pu être conte­nue grâce au redressement de la livre égyptienne face au dollar et à la poli­tique monétaire de la Banque Centrale d’Egypte (BCE). Selon les analystes de l’Economist Intelligence Unit, l’in­flation s’est légèrement accrue début 2019, à cause de la volatilité des prix de la nourriture, avant de reprendre une courbe descendante. S’il est prévu que l’inflation soit contenue en 2019-2020, ses taux demeureront malgré tout à des niveaux élevés, soit environ 11,3% en moyenne par an.

A moyen terme, une baisse de l’in­flation est toutefois attendue, une fois que la levée des subventions sera absorbée. Cette baisse sera accompa­gnée d’un assouplissement de la poli­tique monétaire, qui a déjà commencé en 2018. La BCE a baissé les taux directeurs de 200 points, avant une nouvelle baisse de 100 points en février 2019 et une dernière baisse de 150 points, jeudi 22 août, pour les fixer à 14,25% pour les dépôts et à 15,25% pour les crédits. Ajoutons à cela la baisse des taux d’intérêts glo­balement. « Ce qu’on appelle en éco­nomie le Substancial Base Year Effect est révolu, c’est-à-dire l’année qui a connu les plus hauts taux de levée des subventions. C’était en 2017-2018 avec, comme conséquence, la flambée des prix la plus importante. Une décé­lération interviendra, parce que la hausse des prix n’aura pas la même acuité qu’au début de la levée des subventions. Le marché se trouve actuellement en état d’ajustement », explique Bédeir. Et d’ajouter que la fin des mesures de consolidation fis­cale, l’arrivée de capitaux et le rétré­cissement de l’écart d’inflation avec les partenaires commerciaux comme les Etats-Unis fera que l’objectif de la BCE— soit un taux d’inflation de 9%+ 3 ou 9%-3 en 2020— est pos­sible.

« L’inflation continuera de baisser avec, comme facteur dominant, le redressement de la monnaie locale. La BCE restera attentive aux risques de volatilité de la monnaie locale et tentera de contrôler la sortie des capi­taux. Cela encouragera un assouplis­sement accru de la politique moné­taire et améliorera les conditions de crédit », note le rapport. « Ainsi, l’in­flation devrait être ramenée à un seul chiffre avec le redressement de la livre égyptienne face au dollar, qui devrait perdre 7,5% de sa valeur d’ici 2023. Une volatilité sporadique est prévue, mais en général, la livre égyptienne gagnera en force pour s’échanger à environ 16,28 le dollar d’ici 2023 », estiment par ailleurs les analystes de l’Economist Intelligence Unit. Une évolution possible notamment grâce aux taux adéquats de réserves offi­cielles et non officielles en devises étrangères, à la disponibilité du billet vert dans le système interbancaire, à l’arrivée de capitaux dans les projets d’infrastructure, aux recettes du tou­risme et aux transferts d’argent effec­tués par les Egyptiens travaillant à l’étranger.

Bonne gestion des finances publiques

Pour maintenir les acquis macroé­conomiques, les décideurs auront pour objectif principal d’établir un équilibre entre une bonne gestion des finances publiques, qui s’est manifes­tée par une réduction constante du déficit budgétaire en pourcentage du PIB depuis le début du programme de réformes en 2016, et la réduction des risques de mécontentement populaire en raison des retombées du pro­gramme de réformes à travers un meilleur ciblage des « cash trans­fers » aux personnes défavorisées. Bien que le rapport indique que la décision d’augmenter les salaires minimums du secteur public et les pensions de retraite aura un impact négatif sur le fardeau fiscal et ralenti­ra la consolidation fiscale, qui devrait coûter à l’Etat près de 60 milliards de L.E., un rapport publié par la banque d’investissement Beltone Financials soutient le contraire. Beltone estime, en effet, que l’amélioration des salaires et des retraites n’affectera pas les objectifs de réduction du déficit budgétaire. Beltone met cependant l’accent sur la nécessité de soumettre à une évaluation rigoureuse les impacts de redistribution des dépenses publiques. Alyaa Mamdouh, analyste en chef auprès de Beltone Financial, explique que Beltone avait revu à la baisse (- 6%) les prévisions concer­nant les dépenses publiques pour 2018-2019, les chiffrant à 1,43 trillion de L.E. Les prévisions pour 2019-2020 sont, elles, de 1,56 trillion de L.E.

Selon le rapport de l’Economist Intelligence Unit, grâce à la consoli­dation fiscale, le gouvernement égyp­tien dirigera graduellement les dépenses publiques vers les services publics, comme la santé et l’éduca­tion. « Dans un second temps, le gouvernement dépendra de la TVA pour générer des recettes fiscales. Bien que le déficit budgétaire soit encore important, il s’est rétréci à 7,3% du PIB en 2018-2019 et il est prévu qu’il atteigne 6% du PIB en 2022-2023 ».

Le ministre des Finances, Mohamad Maeit, avait, en effet, annoncé, dans un communiqué publié le 19 mars, que pour la première fois, le budget avait réalisé un surplus primaire de 21 milliards de L.E. Maeit prévoit un surplus primaire de 2% du PIB pour 2019-2020 ainsi qu’une réduction du déficit budgétaire pour la même année fiscale, à 7,2%. L’une des faiblesses de l’économie égyptienne réside dans la mauvaise performance des finances publiques. Le surplus a été atteint grâce au succès de la consolidation fiscale, qui est en partie due à la réduction de la facture des subven­tions à l’énergie, de 1,4% du PIB, dont 0,9% concernent les carburants. « Afin de maintenir la bonne gestion des finances publiques et de réduire le déficit budgétaire, le gouvernement doit préserver dans un premier temps le surplus primaire pour éviter l’accu­mulation de la dette, tout en rationali­sant les dépenses. Dans un deuxième temps, il est impératif de réformer le système de taxation, à commencer par les lois nécessaires, comme la loi sur la taxe unifiée, sur les paiements élec­troniques et concernant la fraude fis­cale », explique Bédeir.

Selon le rapport, les obligations internationales permettront de finan­cer le déficit ainsi que les emprunts bilatéraux et multilatéraux. « Les obligations et les emprunts ne com­promettront pas l’objectif du gouver­nement relatif à la dette, qui est d’at­teindre 86 % du PIB en 2018-2019 et 71 % en 2023-2024. Etant donné que la baisse des taux d’intérêts mon­diaux allègera le fardeau des services de la dette, il y a de bonnes chances de pouvoir restructurer la dette », confirme Bédeir.

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