Le budget, approuvé par le parlement la semaine passée, a été établi selon l’objectif optimiste de réaliser un taux de croissance de 6 % en 2019-2020, contre 5,6 % pour l’exercice 2018-2019, qui s’est terminé fin juin. Sur le moyen terme, le gouvernement aspire à un taux de croissance annuel de 6,5 à 7 %. Le taux de croissance prévu dans le budget est réalisable, selon plusieurs banques d’investissement. Beltone comme Pharos prévoient en effet un taux de croissance de 5,8 % pour 2019-2020, très proche de celui prévu par le gouvernement. « Ce taux de croissance est possible si la construction des méga-projets et des infrastructures se poursuit au même rythme et que le flux d’investissements dans le secteur pétrolier et gazier reste important », indique Alia Mamdouh, économiste en chef auprès de la banque d’investissement Beltone.
Le gouvernement table aussi sur la hausse des Investissements Directs Etrangers (IDE). « Jusqu’à présent, les IDE n’ont pas augmenté autant que prévu, mais il est prévu qu’ils reprennent pour plusieurs raisons », souligne Ahmed Al-Safty, professeur associé à l’Université américaine du Caire et directeur général du Centre de recherche Delta. Il évoque l’amélioration des infrastructures, la baisse prévue des taux d’intérêt élevés au cours des deux dernières années et l’autorisation des investissements dans le secteur de l’électricité. « Le gouvernement compte permettre aux étrangers d’investir dans le domaine de l’électricité en vendant des parts dans les compagnies d’électricité de l’Etat ».
Le risque principal susceptible de menacer la hausse des IDE et la réalisation du taux de croissance prévu est lié à la situation de l’économie mondiale. Dans le budget, le gouvernement note que la croissance de l’économie mondiale s’établira à 3,3 % en 2019, contre 3,6 % l’année passée. « Les rapports mondiaux indiquent la présence de plusieurs risques menaçant l’économie mondiale, ce qui pourrait affecter les perspectives de croissance économique », souligne le gouvernement dans le budget, mentionnant le différend commercial entre les Etats-Unis et la Chine ainsi que le Brexit, deux facteurs qui pourraient affecter le commerce international.
Se basant sur ces estimations du taux de croissance, le gouvernement prévoit une hausse des revenus de 16 % en 2019-2010, qui devraient atteindre 1 100 milliards de L.E. Les taxes et les impôts représentent la part principale des revenus. Il est prévu qu’ils augmentent de 12,7 % par rapport à l’année précédente, pour atteindre 857 milliards de L.E. « Le gouvernement cherche à élargir la base des contribuables et à moderniser la collecte des impôts. Il est probable que l’automatisation du système raccourcisse les délais de paiement par les contribuables », indique Doha Abdel-Hamid, experte en évaluation des politiques publiques. Elle ajoute que le gouvernement espère que la réussite du programme de réforme économique aura pour effet d’augmenter les Investissements directs étrangers et, par conséquent, les impôts.
Depuis 2014-2015, le niveau de hausse des taxes et des impôts dans le budget était élevé, en conséquence de l’imposition de nouvelles taxes, notamment de celle sur la valeur ajoutée (TVA) en 2016, ainsi que de l’application de la loi sur l’impôt foncier et de celle sur les gains capitaux. Les taxes avaient crû de 36 % et 21 % en 2017-2018 et 2018-2019 respectivement. En fait, les impôts, en tant que part du PIB, devraient légèrement reculer, soit à 13,9 % en 2019-2020 et à 14,5 % en 2018-2019. « Le niveau de hausse des impôts est un peu optimiste, vu que le gouvernement ne prévoit pas l’imposition de nouvelles taxes. Cependant, il espère élargir la base des contribuables, ce qui, bien sûr, se répercutera sur les revenus », estime Alia Mamdouh.
Réforme administrative
Pour augmenter les recettes fiscales, le gouvernement table sur un programme de réforme administrative, d’automatisation de la collecte des impôts et des taxes et de simplification des procédures de collecte des impôts, selon une nouvelle loi, ainsi que sur la réduction des exemptions fiscales. « Ces mesures vont permettre d’élargir la base des contribuables et l’automatisation permettra la collecte des taxes et de l’impôt à temps », prévoit Al-Safty. Le gouvernement cherche en outre à accroître les recettes non fiscales, qui doivent passer de 218 à 274 milliards de L.E. Les sources les plus importantes sont le Canal de Suez, qui devra transférer au Trésor 36 milliards de L.E., et les autres organismes économiques de l’Etat, qui devront générer un surplus de 20,7 milliards de L.E.
Les entreprises du secteur public des affaires sont censées transférer au Trésor 4,8 milliards de recettes, tandis que 8 milliards sont prévus en provenance du programme d’introduction en Bourse de sociétés étatiques, déjà lancé.
Au niveau des dépenses, le gouvernement a pour objectif principal de réduire les subventions à l’énergie, afin de contenir le déficit. Il est prévu que les dépenses atteignent 1 600 milliards de L.E. (95,8 milliards de dollars), contre 1 400 milliards de L.E. pour l’exercice en cours, soit une hausse de seulement 11,1 %. « Le budget 2019-2020 reflète la continuation de la stratégie de contenir la croissance des dépenses et de réorganiser les priorités en matière de dépenses publiques, afin de garantir une meilleure utilisation », indique le budget. En chiffres absolus, les subventions à l’énergie sont la position qui sera considérablement coupée. Ainsi, les subventions aux carburants devraient baisser à 52,963 milliards de L.E. (3,18 milliards de dollars), contre 89,75 milliards de L.E. pour l’exercice en cours. Tandis que celles de l’électricité vont passer de 16 à 4 milliards de L.E. (voir encadré). Les subventions aux produits alimentaires doivent en revanche augmenter de 3 milliards de L.E., pour passer à 89 milliards de L.E.
Les salaires et les rémunérations des fonctionnaires passeront, eux, de 270 à 301 milliards de L.E. Cela inclut la hausse du salaire et de la pension de retraite minimum de 1 200 L.E. et 750 L.E. à 2 000 L.E. et 900 L.E. respectivement ainsi qu’une prime allant de 7 % à 10 % pour les fonctionnaires. Au total, les salaires dans le budget vont augmenter de 30,5 milliards de L.E. et les pensions de retraite de 28,5 milliards. Malgré cette hausse d’environ 60 milliards de L.E., cette position dans le budget va augmenter de seulement 31 %, vu la politique adoptée par le gouvernement de réduire le nombre de fonctionnaires publics. « Il n’y aura ni nouveaux recrutements, ni prolongement de service pour ceux qui atteignent l’âge de la retraite », explique Al-Safty.
Au moment où les salaires augmentent de 11,5 % en un an, les investissements publics prévus pour 2019-2020 sont de 211 milliards de L.E., contre 148 milliards prévus l’année dernière, soit une hausse de 42 %. Les investissements les plus importants se trouvent dans les domaines de la construction et du transport. Les investissements dans l’infrastructure sont en effet une source principale pour attirer les investissements privés et de l’industrie. « Il faut que le gouvernement prenne en considération des projets à rendement élevé comme la pétrochimie. Les projets liés aux professions manuelles peuvent être profitables, créateurs d’emplois et non coûteux », souligne Doha Abdel-Hamid. Elle assure aussi que le retour à l’adoption d’un budget de performance, suspendu depuis plusieurs années, mais stipulé dans le nouveau budget, est important, vu qu’il vise à améliorer et à rationaliser la performance des ministères et organismes publics. Selon le budget de performance, les dépenses de chaque entité sont définies comme efficaces ou non, selon les résultats réalisés. Des investissements de près de 136 milliards de L.E. sont prévus dans le domaine de la construction de bâtiments et autres.
Réduire le déficit et la dette
L’objectif principal du gouvernement, comme indiqué dans le budget, est de réduire le déficit budgétaire par rapport au Produit Intérieur Brut (PIB), c’est-à-dire de réduire la différence entre les dépenses et les revenus ainsi que la dette publique. Un objectif affiché depuis plusieurs années, mais qui semble finalement réalisable. Dans le budget 2019-2020, le ministère des Finances vise un déficit budgétaire de 7,2 %, contre 8,4 % prévu pour l’année financière qui s’est terminée le 30 juin 2019. Il aspire aussi à réduire la dette publique à 89 % du PIB, contre 92,5 % prévu en 2018-2019. L’objectif affiché du gouvernement est d’amener la dette publique à 80 % du PIB d’ici fin juin 2022.
La baisse du déficit est notamment possible grâce à la baisse des subventions à l’énergie, allouées aux carburants ainsi qu’à l’électricité, conformément au programme de financement signé en novembre 2016 avec le Fonds Monétaire International (FMI).
Afin d’achever la consolidation requise, le ministère des Finances poursuit sa politique consistant à réduire l’écart entre les dépenses et les revenus étatiques. Il a pu réduire régulièrement l’écart entre les dépenses et les revenus par rapport au PIB, qui était de 12 % en 2013-2014 et qui est chiffré à 7 % dans le budget 2019-2020. Les dépenses, qui représentaient près de 33 % du PIB à l’époque, devraient être ramenées à 21,4 %, alors que les revenus devraient baisser de 25,6 % à 18,4 % du PIB. Pour atteindre ce résultat, le taux de croissance annuel des dépenses doit être inférieur à celui des revenus, contrairement à la situation dans un passé récent, où l’inverse était la norme. En 2019-2020, il est prévu que les recettes augmentent de 16,2 % et les dépenses de 11,5 %.
Le ministre des Finances a réussi à transformer le déficit primaire (déficit-surplus avant l’addition du service de la dette) en surplus primaire pour la première fois en 2018-2019. L’objectif est de réaliser un surplus primaire de 2 % annuellement sur le moyen terme.
Baisse du service de la dette : Un défi
« La réduction de la dette à 80 % du PIB en 2020-2021 exige la réalisation d’un surplus primaire annuel de 2 % sur le moyen terme, car cela signifie être capable de payer une partie du service de la dette sans nouvel endettement et, par la suite, rendre la dette soutenable », explique Ahmed Al-Safty, professeur associé à l’Université américaine du Caire. L’objectif du gouvernement dans le budget 2018-2019 était d’amener la dette publique à 91% du PIB, un objectif très optimiste, qui n’a pas été réalisé. La dette a effectivement été réduite de 97 % du PIB en 2017-2018 à 92,5 %. « L’objectif était trop optimiste, il n’a pas été réalisé à cause de la hausse des taux d’intérêt, qui auraient dû baisser, mais avec l’amélioration de la performance économique et financière, les taux d’intérêt sur la dette vont très probablement baisser », assure Al-Safty.
La hausse des taux d’intérêt a eu pour conséquence une augmentation du service de la dette, la position la plus élevée parmi les dépenses, soit 36 %. Il est prévu que le service de la dette atteigne 569 milliards de L.E. en 2019-2020, contre 541 milliards de L.E. l’année précédente. Cependant, il a baissé en tant que part du PIB de 10,3 à 9,2 %. « La baisse du service de la dette est un défi important, la restructuration prévue de la dette selon l’Euro Clearance donne de l’espoir, mais il faudra réduire l’endettement à court terme pour contenir le service de la dette », souligne Alia Mamdouh, économiste en chef auprès de Beltone.
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