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L’Egypte reste attractive pour les investisseurs

Amani Gamal El Din, Mardi, 07 mai 2019

En diversifiant les investissements étrangers directs, l’Egypte est parvenue à augmenter sa compétitivité, et poursuit désormais ses objectifs de croissance. Cependant, des réformes structurelles sont nécessaires. Explications.

L’Egypte reste attractive pour les investisseurs
L'Egypte a une volonté de diversifier ses IED loin des secteurs traditionnels du gaz naturel et des hydrocarbures.

Les investissements chinois, qui devraient affluer en Egypte suite au deuxième Forum de La Ceinture et de la Route, tenu du 25 au 27 avril à Pékin, sont importants. Les Investissements Etrangers Directs (IED) sont, en effet, considérés comme le moteur de la croissance économique à long terme, selon les institutions financières mondiales. Le Caire l’a compris, et l’heure est à la diversification des investissements étrangers directs dans le but de booster davantage la croissance économique du pays, qui s’est accélérée dernièrement pour atteindre 5,5 % en 2018-2019, et qui devrait se chiffrer à 6 % à moyen terme.

Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Afrique du Nord auprès du FMI, a indiqué que pour atteindre les chiffres projetés en matière de croissance, soit entre 5,5 % et 6 %, l’Egypte doit travailler sur deux volets : améliorer la production et les infrastructures et accroître la compétitivité en augmentant la part des IED. « L’Egypte a réussi à redévelopper ses politiques sociales, qui ont contribué à alléger le fardeau du réajustement monétaire. Il est prévu que les IED s’orienteront vers d’autres secteurs, capables de booster l’emploi, autres que le secteur du gaz naturel, qui a connu une progression considérable récemment », a expliqué Azour au journal saoudien Al-Charq Al-Awsat.

La volonté de l’Egypte de diversifier les investissements, loin des secteurs traditionnels du gaz naturel et des hydrocarbures, a pris notamment la forme de nouveaux partenariats conclus avec la Chine au cours du deuxième Forum de La Ceinture et de la Route. Le portefeuille est varié, couvrant des domaines stratégiques, manufacturiers et industriels, notamment les infrastructures de la Nouvelle Capitale administrative, auxquelles seront consacrés 3 milliards de dollars. Dans le domaine des télécommunications, deux mémorandums d’entente ont été signés avec le géant de la technologie Huawei pour le développement de l’infrastructure d’Internet en Egypte. Pour ce qui est des transports, le ministère de la Production militaire a signé un accord avec la compagnie automobile basée à Pékin, Foton Motor, relatif à la manufacture de 2 000 bus électriques en Egypte dans les 4 prochaines années. Des investissements se dirigeront par ailleurs dans le domaine du textile, avec le géant Handa, basé à Hong Kong, de la livraison de machines à 140 usines, en passant par les investissements dans le tissage, le filage et la teinture, et jusqu’à la production du prêt-à-porter.

La Chine compte également tirer avantage des régions économiques et industrielles telles que le Canal de Suez. Les investissements dans cette dernière seront répartis sur 4 secteurs industriels : la fabrication d’équipements pétroliers, d’équipements électriques à basse et haute tension, d’équipements agricoles et la fabrication de la fibre optique. Sans oublier les investissements dans les satellites et les stations de production d’électricité.

Un autre investisseur, le Koweït, a également fait son entrée avec des investissements se chiffrant à 4,7 milliards de dollars. « Ces investissements se feront dans l’industrie, l’agriculture, l’immobilier, les finances, les services et le tourisme », a déclaré Nayef Falah, ministre koweitien des Finances et président de l’Organisme de l’investissement, lors d’une rencontre avec Sahar Nasr, ministre égyptienne de l’Investissement et de la Coopération internationale, en marge de réunions des institutions de financement arabes, tenues au Koweït.

Des réformes structurelles supplémentaires

Pourtant, selon les bulletins de la Banque Centrale d’Egypte (CBE), les investissements étrangers directs nets en Egypte ont connu un recul de 24,4 % au cours des six premiers mois de l’année financière 2018-2019. Ils sont en effet passés de 3,76 milliards de dollars durant la même période en 2017-2018 à 2,84 milliards pour les six premiers mois de 2019. Sahar Nasr avait prévu que ces flux d’investissements atteigneraient 11 milliards en 2018-2019, contre 7,9 milliards pour l’année financière précédente.

Selon Iman Negm, analyste en chef auprès de la banque d’investissement Sigma, le ralentissement de la croissance mondiale, accompagné d’un environnement monétaire serré, a affecté le flux des capitaux sous forme d’IED, qui n’ont pas atteint le chiffre projeté de 7,9 milliards et s’élèvent à 7,7 milliards. Ce même scénario est prévisible pour les années fiscales 2018-2019 et 2019-2020 respectivement. Les IED atteindront, selon les analystes de Sigma, 7,9 milliards et 8,9 milliards de dollars respectivement. La même analyse est faite par Alyaa Mamdouh, analyste en chef auprès de la banque d’investissement Beltone Financial. « Les investissements dans les titres publics des marchés émergents ont présenté des opportunités plus attirantes », dit-elle. Et d’ajouter que la plupart des IED dirigés vers le continent se concentrent dans le secteur de la manufacture, ce qui réduit les chances de l’Egypte, qui investit fortement dans l’énergie depuis 2015-2017, soit à hauteur de 28 milliards de dollars.

Malgré le recul des IED, le classement de l’Egypte s’est amélioré dans le rapport de la Banque Mondiale (BM) « Ease of doing business », qui évalue le progrès des affaires à travers le monde. Elle occupait par ailleurs le 15e rang dans le « World Economic Forum’s 2018 Global Competitiveness Index ». Cela reflète, d’une part, selon les analystes du Staff report du Fonds Monétaire International (FMI) dans leur 4 évaluations, le succès des réformes macroéconomiques mises en oeuvre jusqu’à présent en Egypte. Et, d’autre part, l’amélioration de l’environnement des affaires, avec l’introduction d’une nouvelle loi sur l’investissement et la création d’une carte pour l’investissement. Sans parler des progrès logistiques, comme la création du One Stop Shop pour faciliter les procédures administratives.

Selon le Staff report, les décideurs publics égyptiens reconnaissent qu’il faut des réformes structurelles supplémentaires pour faire de l’Egypte une destination attrayante pour l’investissement privé et supprimer les entraves à une croissance plus équilibrée, loin du monopole de l’Etat. Ce, d’autant plus que l’Egypte a besoin de créer annuellement 700 000 à un million d’emplois pour absorber le nombre de diplômés universitaires. Ces réformes consistent à améliorer la répartition des ressources en renforçant la concurrence et la gouvernance et en combattant la corruption.

D’autres recommandations ont été formulées dans le Staff report, considérées comme vitales pour la bonne santé du secteur privé et de l’investissement, comme l’amélioration de l’accès aux terrains destinés à un usage industriel, selon un mécanisme transparent basé sur le marché et des appels d’offres plus compétitives. « Il faut réformer le système d’appel d’offres de manière à ce qu’il soit géré par des procédures standardisées dans les secteurs gouvernemental et privé, y compris les PME », explique Mahmoud Gamal El-Din, investisseur. Par ailleurs, le rapport indique qu’il faut amender la loi sur l’Autorité égyptienne de la concurrence et lui accorder plus d’autonomie institutionnelle, financière et opérationnelle.

Ce sont les évaluations de fin d’année des institutions financières et internationales qui permettraient de faire le bilan et de savoir si les IED ont produit un bon rendement économique.

Que faut-il pour une croissance plus inclusive ?

Dans son rapport qui vient de sortir concernant les prévisions régionales pour les économies du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Middle East and North Africa Regional Economic Outlook), le Fonds Monétaire International (FMI) a maintenu ses prévisions optimistes de croissance pour l’Egypte, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Alors qu’il a dressé un tableau maussade pour le reste des pays de cette partie du monde, étant donné la reconduction des sanctions infligées à Téhéran, la volatilité des cours du pétrole, la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis et les risques géopolitiques liés aux événements en Algérie et au Soudan, ainsi qu’entre l’Inde et le Pakistan. Les pays exportateurs de pétrole verront un recul de la croissance de 0,6 en 2018 à 0,4 en 2019. Les facteurs précités auront pour conséquence le retrait de fonds et la mise sous pression des monnaies locales.

Afin de gérer ces situations, le rapport recommande aux décideurs politiques de relever les défis de la consolidation fiscale, et ce, en Egypte comme au Maroc et en Arabie saoudite, d’autant plus que les incertitudes persisteront sur le moyen terme. La consolidation fiscale mettra les économies à l’abri de la volatilité des cours du pétrole. Elle contribuera en outre à recréer un espace fiscal, à remédier aux faiblesses structurelles, à assurer un meilleur accès au financement pour les PME et à diversifier les économies et, enfin, à créer des emplois, afin de promouvoir la croissance inclusive. Les politiques publiques doivent instaurer des économies résilientes et créer des opportunités économiques à travers une coopération globale sur une base sectorielle plus variée.

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