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La livre égyptienne se refait une santé

Amani Gamal El Din, Mardi, 26 mars 2019

La livre égyptienne s'est sensiblement redressée face au dollar, affichant son taux le plus élevé face au billet vert depuis deux ans. Due, selon les analystes, à l’annulation du « Repatriation Mechanism », cette évolution devrait permettre de stabiliser les gains macroéconomiques. Décryptage.

La livre égyptienne se refait une santé
Une monnaie locale stable est essentielle pour maintenir la compétitivité de l'Egypte parmi les marchés émergents

Contrairement aux prévisions du début d’année, la livre égyptienne s’est sensiblement redressée face au billet vert depuis quelque temps déjà. Tarek Amer, gouverneur de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), s’en est félicité dans un communiqué officiel, mardi 19 mars. Le dollar s’est ainsi échangé à ses plus bas niveaux depuis deux ans, soit 17,25 L.E. Il a perdu 52 piastres en deux mois. Depuis la libéralisation de la livre en novembre 2016, le taux de change le plus bas du dollar avait été enregistré en février 2017, à 17,5 L.E.

Les prévisions des banques d’investissement comme Beltone Financial et Sigma avaient prévu qu’au cours de l’année fiscale 2018-2019, la livre égyptienne maintiendrait les niveaux de 2017-2018, ce qui voulait dire un taux de change aux alentours de 17,9 L.E. Alyaa Mamdouh, cheffe économiste auprès de Beltone Financial, avait ainsi déclaré que les pressions sur la monnaie locale semblaient être contenues et que les fluctuations susceptibles de la regagner seraient limitées en 2019.

Une raison simple a été unanimement évoquée par les économistes analystes, comme Alyaa Mamdouh et Hani Farahat, économiste auprès de CI Capital, pour expliquer ce redressement de la livre, soit l’annulation du « Repatriation Mechanism » en novembre 2018. Il s’agit d’un mécanisme qui avait été mis en place par la BCE pour s’assurer que les investisseurs étrangers puissent avoir accès aux devises étrangères lorsqu’ils décident de se retirer des titres publics. « La suppression du mécanisme est une mesure positive qui a solidifié le système interbancaire et a renforcé la fluidité », estime Farahat. Ce dernier juge que le mécanisme a causé une distorsion au niveau de l’offre et de la demande du billet vert. Maintenant, l’entrée des capitaux étrangers se reflétera directement sur le système interbancaire, ce qui devrait améliorer l’offre du billet vert de même que la situation de la livre égyptienne.

D’autres raisons sont toutefois à ajouter à la liste, comme l’amélioration des flux monétaires étrangers vers l’Egypte, estimés à environ 5 milliards de dollars, l’amélioration de la balance des paiements, les revenus escomptés (11 milliards de dollars) dans le secteur du tourisme et le taux des actifs nets de la BCE, évalués à 16 milliards de dollars. « Ajoutons à cela une raison psychologique relative à l’inexistence du phénomène de la dollarisation », a déclaré Mamdouh.

Attirer les investisseurs

Les déclarations neutres faites par Tarek Amer, en début d’année, à propos de l’annulation du Repatriation Mechanism avaient attisé les craintes des analystes de voir le taux de change subir des fluctuations importantes suite à cette annulation. Or, Alyaa Mamdouh explique que, selon les théories économiques, il est tout à fait normal que des fluctuations négatives ou positives — et difficiles à prévoir — suivent dans des situations telles que l’arrêt du fonctionnement du mécanisme. « Les capitaux étrangers qui investissaient principalement dans les titres publics sont appelés Hot Money ou capitaux fébriles, car ils peuvent être retirés facilement du marché et causer une instabilité. La suppression du mécanisme a pour effet de canaliser une partie importante de ces fonds dans le système interbancaire et d’assurer la disponibilité des devises étrangères », indique-t-elle. Et d’assurer que le taux de fluctuation actuel est raisonnable : « Même si nous parlons d’une marge de 70 piastres à 1,30 L.E., il n’y a pas de problème ».

Aujourd’hui, afin de rester attrayante pour les investisseurs étrangers parmi les marchés émergents des titres à revenus fixes, l’Egypte doit soit assurer des rendements élevés à travers des taux d’intérêt élevés, soit avoir une monnaie locale solide. Les dernières évolutions permettront certainement d’améliorer le profil de l’Egypte. « Une monnaie locale stable est essentielle pour maintenir la compétitivité de l’Egypte parmi les marchés émergents de titres à revenus fixes. Elle contribuera également à compléter les politiques monétaires, qui visent à décélérer l’inflation », avait noté le rapport de lecture prévisionnelle des indicateurs macroéconomiques effectués par Beltone Financial en début d’année. Une stabilité d’autant plus importante que l’un des objectifs principaux de la BCE est de ramener l’inflation à 9-3 % ou 9+3 % d’ici 2020.

L’importance du taux de change flottant

« La politique de la BCE de maintenir le taux de change flexible est cruciale pour assurer les gains macroéconomiques. Les analystes du Fonds Monétaire International (FMI) estiment que la fin du Repatriation Mechanism renforcera la flexibilité des cours. Cette flexibilité absorbera les chocs de la volatilité des marchés financiers et la sortie des investisseurs des marchés émergents », avait indiqué la délégation du FMI dans son rapport trimestriel publié en juillet dernier.

Si certains considèrent que la BCE est intervenue pour contrôler en quelque sorte le taux de change, tout porte à croire que l’Egypte est engagée à appliquer un système flottant. « On ne peut pas dire qu’il s’agit d’un taux de change contrôlé, même partiellement, car il varie chaque jour. La flexibilité au niveau du taux de change prouve qu’il est basé sur le marché, ce qui est un mécanisme d’ajustement important, nécessaire au rééquilibre du marché », affirme l’économiste Riham Al-Dessouqi.

Si certains analystes, comme Alyaa Mamdouh, restent prudents et prévoient un taux de change fluctuant entre 17 et 17,8 L.E. pour 2019, d’autres, comme Hani Farahat, sont plus optimistes et prévoient une livre égyptienne plus forte si le climat global reste positif au cours des semaines à venir. Or, il y a toujours une part d’incertitude, comme le dit Riham Al-Dessouqi : « Toutes les prévisions ne sont en fait que des spéculations. Il y a plusieurs forces en jeu qui travaillent dans différentes directions. Quant à savoir laquelle de ces forces aura la primauté, c’est l’avenir qui le dira. Ces forces sont les capitaux fébriles ou flottants dans les titres publics, les recettes du tourisme et des exportations et la demande sur le dollar pour plusieurs raisons, parmi lesquelles la facture de l’importation et le versement de la dette ».

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