Les ventes d’automobiles en Egypte ont baissé en janvier par rapport à janvier 2018 sur fond d’une campagne sur Facebook appelant les clients potentiels à boycotter l’achat de nouvelles voitures. Et ce, dans le but de pousser les concessionnaires et les distributeurs à baisser leurs prix. La campagne, intitulée «
Khalliha Tessadi » (laisse-la rouiller), a été lancée suite à la suppression des droits de douane sur les automobiles européennes, avec l’application, en janvier, de la dernière phase de l’accord de libre-échange avec l’Union Européenne (UE), selon lequel les tarifs douaniers sur les automobiles européennes doivent baisser de 10 % annuellement pour arriver à zéro en 2019. Les activistes de la campagne électronique estiment que la marge de profit des concessionnaires et distributeurs automobiles en Egypte est trop élevée. «
Nous établissons nos calculs selon le prix des automobiles à l’étranger, en ajoutant une marge de 18 à 20 % pour les douanes, les taxes et les autres frais.
Cela fait plusieurs années que les tarifs douaniers baissent, mais les réductions des prix ne sont pas significatives », indique Mohamad Radi, initiateur de la campagne, ajoutant que les automobiles en Egypte sont surévaluées (voir Trois questions). Plus de 200 000 personnes ont adhéré à la campagne et d’autres groupes sur Facebook portant le même nom ont été créés.
Pour leur part, les concessionnaires et distributeurs automobiles répondent que les estimations de la campagne concernant leurs marges de profit sont exagérées. Selon Alaa Al-Sabea, membre de la division des voitures à la Chambre du commerce du Caire et PDG d’une grande société de distribution de voitures, la marge de profit des concessionnaires varie entre 7 et 10 %, tandis que celle des distributeurs est d’environ 2 à 3 % et celle des petits commerçants de 1 %. Les automobiles sont soumises, en Egypte, à 3 genres de taxes, soit la taxe sur la valeur ajoutée, fixée à 14 %, la taxe de développement, qui est de 3 à 8,5 %, et une autre taxe de 1 à 30 % selon la capacité de chaque véhicule (voir tableau). Alaa Al-Sabea estime que ces frais atteignent entre 8 et 10 % du prix de l’automobile, dont 5 à 6 % des frais de financement. Les véhicules européens constituent 19 % du volume du marché et les véhicules européens, qui ont des composants asiatiques fabriqués en Europe, représentent 33 % du marché total.
Les opérateurs du marché rappellent qu’ils paient également d’autres frais et coûts, notamment d’expédition, de transport à partir des ports et d’assurance, de même que le service après-vente et les salaires, entre autres. En outre, ils rappellent que le gouvernement a libéré, en décembre dernier, le dollar douanier qui, auparavant, était fixé à 16,5 L.E., alors qu’il a atteint 18 L.E. actuellement, ce qui peut mitiger l’effet de la baisse des tarifs douaniers.
Baisse des prix
Selon Alaa Al-Sabea, les ventes d’automobiles ont baissé de 40 à 50 % en janvier dernier par rapport à janvier 2018 suite à la campagne, plusieurs clients préférant attendre une baisse des prix avant de se procurer une nouvelle voiture. Toutefois, les déclarations des distributeurs et concessionnaires autour du niveau de la baisse des ventes ne sont pas unanimes. « Le mouvement des ventes a légèrement ralenti, mais normalement, les ventes baissent en janvier toutes les années », indique le responsable des ventes d’une branche d’Al-Mansour Automotive. Effat Abdel-Ati, président de la section des automobiles auprès de la Fédération des Chambres de commerce, fait remarquer que la période entre novembre et janvier connaît toujours une baisse des ventes, qui fait suite à une hausse pendant la période de la rentrée scolaire et universitaire. Il prévoit par ailleurs une reprise des ventes en mars.
Les chiffres relatifs aux ventes d’automobiles en décembre et janvier n’ont pas encore été publiés. Le dernier AMIC Report, l’unique rapport spécialisé dans les études du marché de l’automobile égyptien, est celui de novembre. Alaa Al-Sabea s’attend à ce que la baisse de régime du marché de l’automobile dure jusqu’en avril. « Le recul des ventes de voitures est perceptible depuis octobre, les gens ayant anticipé une baisse des prix des voitures neuves en janvier, avec l’élimination des droits de douane sur les voitures importées d’Europe et la mise en oeuvre intégrale de l’accord de libre-échange avec l’UE », explique-t-il.
En janvier, environ 23 marques d’automobiles européennes ainsi que d’autres ont annoncé des baisses de prix, commençant de 2 000 L.E. et atteignant un million de L.E. pour les marques haut de gamme comme Mercedes. Toutefois, la campagne « Laisse-la rouiller » estime que ces réductions ne sont pas à la hauteur de la baisse des tarifs douaniers.
Al-Mansour Automotive, le plus grand concessionnaire de General Motors dans le monde, qui détient également des franchises pour Opel, Chevrolet, Cadillac, Suzuki et Isuzu, a baissé les prix de Peugeot, Opel et GM. Le prix de l’Astra, un modèle d’Opel, est ainsi passé de 385 000 L.E. à 329 000 L.E. Les autres voitures Opel ont, elles, connu des réductions variant entre 30 000 et 40 000 L.E. La Logan de Renault a connu une baisse de 7 000 L.E., pour passer à 225 000 L.E., tandis que les prix des modèles d’Alfa Romeo ont connu des baisses entre 27 000 et 70 000 L.E.
Ossama Allam, responsable des ventes dans l’une des branches d’Al-Masriya Auto, indique que même les voitures asiatiques ont connu des baisses de prix de quelques milliers de L.E., et ce, dans le but d’activer le marché.
D’un point de vue général, le marché automobile est en ralentissement depuis 2016, suite à la dévaluation de la livre égyptienne. Si les ventes ont connu une hausse de 37,9 % au premier semestre 2018 — 63 948 unités (bus inclus) ont été vendues, contre 46 371 unités au premier semestre 2017 —, elles sont toujours à un niveau bas comparé à celui de la période précédant le flottement.
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