
Les ministres du Pétrole au forum, le 14 janvier au Caire.
L’egypte est en passe de réaliser son rêve de devenir un pôle énergétique régional. Le 14 janvier, le ministre égyptien du Pétrole et des Ressources minérales, Tarek El-Molla, a reçu ses homologues italien, chypriote, grec, israélien, jordanien et palestinien, pour discuter de la création du Forum du gaz de la Méditerranée orientale. « Les ministres ont annoncé leur intention de lancer ce forum dans le but de créer une organisation internationale qui respecte les droits des pays membres quant à leurs ressources naturelles, et qui soutient leurs efforts pour utiliser leurs réserves et leurs infrastructures », note le communiqué de presse publié sur le site électronique du ministère égyptien du Pétrole, le jour de la tenue de cette réunion ministérielle. Les ministres ont chargé les responsables du pétrole dans leurs pays respectifs de discuter de la structure de ce forum, « afin de formuler des recommandations qui seront discutées lors de la prochaine réunion prévue en avril 2019 ».
Selon le communiqué, les ministres des 7 pays se sont mis d’accord sur les objectifs principaux de ce forum, à savoir créer un marché régional du gaz qui serve les intérêts des pays membres, travailler sur le développement optimal des ressources et l’utilisation efficace des infrastructures existantes et nouvelles en proposant des prix compétitifs, aider les pays qui possèdent des réserves et les producteurs actuels dans la région, pour moderniser leurs infrastructures et assimiler les nouvelles explorations, et enfin, aider les pays consommateurs à satisfaire leurs besoins et permettre leur participation au développement des politiques gazières dans la région. Bref, il s’agit d’un partenariat durable réunissant les acteurs de l’industrie gazière.
Avec les récentes découvertes énergétiques sous-marines dans la Méditerranée, les rapports de force s’articulent autour de 3 exportateurs potentiels : Israël, Chypre et l’Egypte. C’est pourquoi, la création de ce forum a une grande importance pour l’Egypte et les autres pays membres. Pour Le Caire, qui sera le siège du forum, les gains politiques et économiques sont multiples. Ossama Kamal, ancien ministre égyptien du Pétrole, explique à l’Hebdo que ce forum aidera Le Caire à réaliser son rêve de devenir un hub énergétique régional. « Le choix du Caire comme siège du forum n’est pas un hasard. L’Egypte est le seul pays à disposer de l’infrastructure nécessaire pour découvrir des gisements gaziers et réexporter le gaz vers d’autres pays. Il existe une complémentarité entre les pays participants pour mettre en place de nouveaux projets d’investissement », note-t-il
Gains économiques importants
Au cours des huit dernières années, l’Egypte a réussi à se transformer, passant d’un importateur de gaz à un pays qui satisfait ses besoins, grâce aux explorations importantes en Méditerranée (voir encadré). L’Egypte possède des réserves en gaz, une bonne infrastructure et des moyens logistiques importants. Sa position géographique lui permet d’exporter directement le gaz naturel vers les pays européens méditerranéens. De plus, elle possède 2 grandes usines de liquéfaction de gaz : la première usine à Edco possède 2 unités de liquéfaction d’une capacité de production quotidienne de 1,35 milliard de pieds cubes. La seconde usine est à Damiette et possède une seule unité de liquéfaction d’une capacité de production de 750 millions de pieds cubes/jour. L’Egypte dispose également d’une usine de traitement du gaz et d’un gazoduc mis en place avec un financement européen pour transporter le gaz vers l’Europe. « Donc, elle peut réaliser un rendement important avec la liquéfaction du gaz naturel importé en vue de le réexporter vers d’autres pays de la région », renchérit Ossama Kamal, en ajoutant que l’Egypte ne va pas exporter tout le gaz qui passe sur son territoire. « Le gouvernement prévoit des taux de croissance élevés qui se traduisent par la hausse de la demande sur l’énergie. Le gaz peut entrer dans des projets pétrochimiques donnant de la valeur ajoutée à l’économie », affirme Kamal.
Autre gain économique pour l’Egypte: les nouveaux canaux d’investissement du secteur privé. « La loi sur le gaz naturel, promulguée en 2017, permet au secteur privé d’exporter, de transporter ou de vendre directement le gaz aux investisseurs. Ce qui réalise un grand profit pour l’économie égyptienne », explique Hamdi Abdel-Aziz, porte-parole du ministère égyptien du Pétrole.
Les prémices de cette coopération stratégique commencent à voir le jour. Selon le site du ministère égyptien du Pétrole, le gaz égyptien va officiellement être à nouveau livré à la Jordanie à partir de février prochain, après une suspension de près de 7 ans. Selon Tarek El-Molla, la quantité de gaz livré à la Jordanie devrait rapidement atteindre 250 millions de pieds cubes, soit le niveau retenu dans le cadre de l’accord initial de livraison signé entre les deux pays en 2003. « La reprise des exportations vers la Jordanie est une étape importante vers l’exportation du gaz égyptien sur le marché européen, l’un des plus dynamiques du monde », note Hamdi Abdel-Aziz.
Au niveau politique, la création de ce forum donne un poids politique à l’Egypte. « Avec la création de ce forum, l’Egypte a barré la route aux pays qui désiraient diriger le dossier de l’exportation du gaz en Méditerranée », explique Ossama Kamal. Il s’agit notamment de la Turquie qui cherche depuis longtemps à devenir un hub énergétique. Une ambition qui se heurte aux aspirations de l’Egypte que beaucoup considèrent désormais comme la seule capable réellement de former une plaque tournante du gaz et un pays d’exportation vers l’Europe. « Le fait de rassembler ces pays dans un seul forum n’était pas une tâche facile pour l’Egypte. Il montre l’effort politique déployé pour réaliser cette ambition », renchérit l’ex-ministre du Pétrole.
La Turquie n’est pas la seule. Pour l’expert pétrolier Gamal Al-Qalyoubi, l’Europe est une destination privilégiée pour le gaz égyptien, surtout qu’elle a abandonné le gaz provenant de Russie. « Les quantités de gaz égyptien attendues en Europe sont si importantes qu’il pourrait y avoir une grosse concurrence avec le premier fournisseur du marché égyptien, la Russie », explique l’expert pétrolier. Selon le porte-parole du ministère, l’un des plus gros avantages de l’Egypte est que son gaz sera plus abordable en Europe que celui de la Russie. L’Egypte vise notamment l’Italie, l’Espagne et la France. Les exportations vers ces pays devraient démarrer à partir de 2020.
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